L'événement à venir projette son ombre. (Andrew)

E

n vérité, Andrew n'avait pas vraiment besoin de la réponse de son meilleur ami pour savoir très précisément ce qu'il en était. Leurs relations n'avaient pas toujours été très sereines, il était même souvent arrivé qu'elles soient plus que chaotiques, mais l'un dans l'autre, et même dans leurs moments de friction, ce qui en ressortait, c'était avant tout l'affection qu'ils avaient l'un pour l'autre, le souci que l'un se faisait pour l'autre, le besoin de faire quelque chose, d'aider, d'intervenir. Quand Andrew dérivait, Léo était sans doute le plus à même, avec Penny bien sûr (et Aaron sans doute, tout dépendait des circonstances) pour le ramener sur le droit chemin. Et en l'occurrence, le chemin était si escarpé, si sinueux, qu'il avait plus que besoin des mains qui voudraient bien se tendre dans sa direction pour l'aider à faire au mieux, pour ne surtout pas se perdre, ce qui évidemment serait parfois tentant, pas juste parce que le chemin était difficile à arpenter, mais parce que les chemins annexes étaient tout aussi tentant, et parce que faire demi-tour, par moments, ressemblerait presque à une nécessité des plus absolues.

-C'est une excellente idée, répondit Andrew avec une fine esquisse de sourire au coin des lèvres quand son meilleur ami suggéra que pour s'assurer qu'il reste sur le droit chemin, le plus judicieux serait encore de le paraphraser.

Oh, pour ça, il lui faisait confiance. Pour ce qui était de donner de grandes leçons de morales, Andrew n'était jamais le dernier. Et pour ce qui était de respecter ses propres leçons, pour ce qui était de tirer ses propres enseignements, c'était en revanche tout autre chose. C'était même loin d'être le cas.

-C'est bien connu que je n'écoute personne avec plus d'attention que moi-même, ajouta-t-il, pour plaisanter bien sûr, et pas parce qu'il le pensait réellement. Evidemment, ce n'était pas le cas du tout, loin s'en faut. Je devrais même te préparer des phrases toutes faites à l'avance histoire que tu en aies toujours une à me ressortir quand il m'arrive de perdre les pédales.

Le sujet ne donnait pas forcément matière à plaisanter, mais Andrew préférait quand même le perendre avec légèreté, tant qu'à faire. Il lui semblait préférable de ne pas en faire un drame, tant qu'à faire. Après tout, ce n'était pas rien, certes, mais il était sans doute préférable de ne pas faire un drame de ce qui n'en était pas encore un. Ils auraient largement le temps de se faire un souci réel et véritable quand ils passeraient de l'hypothèse aux faits concrets. En espérant que ça n'arriverait jamais... mais à bien y regarder, c'était quand même particulièrement mal parti, qu'il le veuille ou non.

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A

ndrew pouvait-il facilement promettre à son meilleur ami de ne pas dériver, sans doute pas, en réalité. Car si sa famille, Penny et Dorothy, étaient les meilleurs arguments au monde pour le pousser à rester sur le juste chemin, ou du moins sur le chemin qu'il avait fini par estimer juste, elles étaient aussi sa faiblesse, car elles étaient celles pour qui il se sentait capable de faire toutes les concessions qui puissent être. Il ne savait pas vraiment ce que la suite donnerait pour lui et pour les siens. Il avait tellement à l'esprit de protéger tout le monde qu'il était fort possible qu'il s'y perde, au bout du compte. Mais il avait tout de même ses piliers pour l'encourager à filer droit, et Léo était définitivement de ceux-ci. C'est sûr, leurs relations n'avaient pas toujours été apaisées, mais au bout du compte, ils se retrouvaient toujours, et aux yeux d'Andrew, c'était bien la preuve qu'ils étaient... pas invincibles, certes, mais du moins capables d'affronter les épreuves les plus complexes.

Pour cette raison, et même s'ils le tournaient comme une plaisanterie, il savait que oui, si quelqu'un pouvait réussir à lui remettre les idées en place, c'étati bien Léo. Penny aussi, bien sûr, mais il y avait tout de même des choses qu'il avait plus de difficultés à lui dire. Cela restait toujours compliqué pour lui d'évoquer son passé de chasseur avec elle (ou même le fait qu'il n'avait pas entièrement le sentiment de ne plus en être un en dépit des circonstances, comme si c'était quelque chose qui coulait dans ses veines). Léo savait de lui les aspects les plus déplorables... Penny aussi, certes, mais elle se voilait peut-être plus facilement la face. Bref, même s'ils en parlaient avec légèreté, le propos restait particulièrement sérieux, et Andrew comptait vraiment sur son meilleur ami pour l'empêcher de dérailler... il était bien placé pour savoir que ça pouvait arriver beaucoup trop facilement. Définitivement trop facilement, en fait.

-Ah oui, je m'attendais quand même pas à des menaces physiques, répondit Andrew d'un ton plaisantin. Je vais vraiment finir par croire que j'ai une très mauvaise influence sur toi.

Il le disait sans le penser. Bon, si, peut-être qu'il avait une mauvaise influence sur son meilleur ami, mais il savait bien que ce dernier n'était pas quelqu'un d'intrinsèquement violent (contrairement à Andrew qui, pour le coup, n'en était pas entièrement certain). Les quelques fois où il était sorti de ses gonds, les raisons en étaient clairement et tout à fait compréhensibles, il n'y avait aucun besoin de s'interroger plus avant sur ses motivations.

-Mais d'accord, je retiens. Ma belle gueule, comme tu dis, mérite mieux que ça.

Encore que, en ce qui le concernait, il n'avait vraiment pas ce genre de considération, l'apparence lui passait au-dessus de la tête.

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