Petite aide fait grand bien (pv Persy)

S

amuel dormait paisiblement dans sa poussette, et c'était un soulagement pour Perséphone, qui le promenait depuis une bonne heure à travers les rues du village dans l'espoir qu'un petite promenade l'apaiserait... sans succès. Samuel n'était pas le plus impossible ou bruyant des bébés, loin de là, mais quand il piquait sa crise, il ne le faisait pas à moitié, il braillait au point qu'elle ne serait pas étonnée à ce qu'on l'entende jusqu'aux montagnes... Ce qui l'embarrassait profondément. Elle détestait vraiment se faire remarquer, c'était une chose qu'elle détestait au plus haut point, mais en l'occurrence, elle n'avait vraiment pas le choix.

Enfin, le drame était passé, et si Samuel se conformait à ses habitudes, il dormirait sans doute toute une heure durant, et donc elle pouvait se permettre de profiter d'être sortie pour faire quelques emplettes. Ses réserves se vidaient doucement, et même si ce n'était pas encore la fin du monde, elle serait ravie de savoir ses tiroirs pleins plus tard, même s'il ne lui restait plus grand-chose à troquer, à la vérité. Quelques étoffes précieuses, pas beaucoup plus... Elle avait déjà envisagé de commercialiser certaines de ses potions en les faisant passer pour des remèdes tout à fait humains, mais ce ne serait pas différent d'afficher directement "sorcière" sur son front. Déjà qu'elle avait quelques Hellsing pour la poursuivre, ce ne serait définitivement pas du luxe de se faire oublier davantage.

Elle s'arrêta sur un premier stand pour acquérir quelques fruits et légumes, puis laissa son regard s'égarer sur un stand qu'elle avait tendance à éviter en temps normal. Elle n'avait rien en soi contre Natasha Hardwick. Mais voilà, puisqu'elle était la mère de Jane, elle s'en méfiait comme de la peste. Elle avait pourtant laissé son regard être attiré par le panneau affiché sur le stand qui laissait découvrir que l'on recherchait une vendeuse. Persy hésita... Ses recherches de travail se soldaient toutes par un vif échec. Devait-elle passer à côté d'une éventuelle occasion par crainte de l'échec ? Et en vérité, puisqu'elle ne devait absolument rien à Jane Hardwick, pourquoi se refuserait-elle une opportunité à cause d'elle ? Non, elle devait prendre son courage à deux mains et essayer, au moins.

-Excusez-moi... Vous recherchez toujours une vendeuse ?

Elle se sentait mal à l'aise, d'autant que pour le coup, elle n'y mettait pas du tout les formes. Elle débarquait, avec ses grands sabots, pas préparée, à peine présentable, et avec Samuel, en plus, ce qui prouvait donc qu'elle avait un enfant en bas âge et ne pourrait peut-être pas assumer les responsabilités que cette femme attendait éventuellement d'une future employée. Mais il était trop tard pour faire marche arrière, à présent.

code by Mandy

P

erséphone, au moment d'entendre la réponse de Mme Hardwick, sentit le peu de confiance et de courage qu'elle avait su rassembler pour lui adresser la parole dégringoler immédiatement. Pourtant, la mère de Jane se montrait sympathique et polie, vraiment, et la jeune femme sentait bien que son interlocutrice ne voulait pas la mettre dans l'embarras, mais elles ne pouvaient pas oublier combien cette situation était particulière. Elle n'était pas juste Perséphone, une villageoise parmi tant d'autres. Elle était Perséphone, la mère de Samuel, Samuel, le fils d'Edward, Edward, son gendre... Elle aurait peut-être mieux fait de ne pas approcher Natasha et d'oublier cette pancarte sur son stand... mais elle avait trop besoin de travailler, ne serait-ce que pour trouver une maison à elle, qui ne soit pas la possession de son ex. Edward avait beau lui assurer qu'elle pouvait rester là autant qu'elle le voulait, elle ne voulait plus être dépendante du père de son fils, en quoi que ce soit. Mais pouvait-elle choisir de dépendre de la mère de son ennemie.

-Oui, c'est ça..., répondit timidement Perséphone, mal à l'aise, en baissant les yeux sur sa poussette pour que Natasha puisse saluer Samuel, qui dormait toujours paisiblement, si le coeur lui en disait.

Elle se doutait qu'elle ne se vendait pas très bien en cet instant, un comble pour une aspirante vendeuse, en se renfermant dans sa coquille, mais les circonstances étaient vraiment exceptionnelles, et Perséphone craignait d'avoir à justifier son choix. Est-ce que c'était mal, de faire appel à cette femme ? Elle ne la connaissait pas, après tout. Et si quelqu'un avait un jour fait du mal à qui que ce soit d'autre, ce n'était certainement pas elle. Elle espérait qu'elle n'allait pas donner l'impression de manoeuvrer pour nuire à Jane. Elle détestait encore profondément la fille de Natasha, mais certainement pas au point de vouloir lui nuire. Elles menaient leurs vies indépendamment l'une de l'autre, et c'était très bien comme ça. Même si elle compliquait peut-être les choses en demandant du travail à son interlocutrice, mais pour elle, ça n'avait rien à voir... et dans tous les cas, elle commençait à se dire que Mme Hardwick allait de toute façon l'envoyer gentiment balader, ce qu'elle pouvait au fond comprendre.

-Je... je suis désolée, ce n'était pas une bonne idée. Mais... j'ai vraiment besoin de travailler. Pour Samuel, justement, et quand j'ai vu votre offre d'emploi, j'ai pas réfléchi à, enfin...

Elle bredouillait, elle n'était pas bien cohérente, elle espérait surtout que son interlocutrice ne lui en tiendrait pas rigueur.

code by Mandy

P

erséphone se demandait si elle ne gagnait pas l'attention de son interlocutrice par la pitié. En même temps, il y avait sans doute de quoi. Elle avait bien conscience d'être assez pathétique, à attendre une offre d'emploi de la part de cette femme qui devrait logiquement se ranger du côté de sa fille, elle la fille-mère qui s'était fait avoir par le gendre de Natasha. Persy faisait de son mieux pour prendre sa vie en mains, et elle pensait qu'elle se débrouillait relativement bien. Elle était responsable, elle savait prendre soin de Samuel, et elle avait Owen... mais quand on connaissait un peu son histoire, on ne pouvait sans doute que difficilement passer à côté de tout ce qu'elle avait manifestement fait de travers et ne devait pas forcément inviter à la plus grande estime. Malgré tout, Persy avait le sentiment que Natasha Hardwick avait plus de compassion que de pitié à son endroit... ce n'était pas un constat si merveilleux... Mais c'était toujours mieux que rien. Au moins, elle ne lui riait pas au nez ni ne la traitait avec arrogance et mépris. Si bien d'ailleurs qu'en cet instant, elle peinait à voir le lien de parenté entre Natasha et sa fille.

Apparemment, la compassion de Natasha n'était pas feinte, elle venait d'une sincère et juste empathie qui elle aussi s'expliquait de manière raisonnée : Natasha avait élevé sa fille seule. Perséphone n'était pas exactement dans cette situation. Déjà, elle n'était pas seule, Owen l'aidait beaucoup, et ensuite, Edward restait présent malgré tout, et l'air de rien, il était un très bon père pour Samuel. Mais oui, le parallèle restait compréhensible entre les deux, et Persy n'avait aucune envie de contredire son interlocutrice. D'autant qu'elle semblait décidée à lui donner sa chance. La jeune sorcière savait bien que c'était une mauvaise chose malgré tout mais... Elle avait beaucoup trop besoin de travailler. Est-ce qu'elle devait passer à côté d'une telle opportunité sous le prétexte que Jane était dans le tableau. Elle s'était interdit suffisamment de choses à cause de Jane. Elle ne voulait pas en rajouter encore. C'était son choix, ses décisions. Et puis, ce n'était pas comme si les offres d'emploi pouvaient vraiment pleuvoir pour elle : maman, si jeune, aucune expérience à faire valoir... Elle n'allait pas commencer à faire la fine bouche. Encore moins pour Jane.

-Je devrais pouvoir m'arranger avec Edward, oui.

Il fallait bien qu'elle prononce ce nom, même si c'était assez étrange d'en parler dans ces circonstances précises, pour tout dire.

-C'est vrai ? Vous accepteriez de me prendre à l'essai ?

code by Mandy

P

erséphone sentit que son interlocutrice n'était pas très à l'aise quand elle prononça le nom d'Edward. Logique, en même temps. Elles pouvaient décider d'agir indépendamment de Jane et Edward et de faire comme bon leur semblait sans se soucier de l'opinion du couple Baker, ils ne pouvaient pas prétendre pour autant qu'ils n'existaient pas juste le temps de cet entretien d'embauche improvisé. Quoi qu'il advienne, Jane resterait toujours la fille de Natasha, et Edward continuerait d'être le père de Samuel, et d'ailleurs, elles ne demandaient pas à y changer quoi que ce soit. Alors oui, le gendre de Natasha serait vite informé de l'affaire. Qu'elle lui confie Samuel sur son temps de travail lui semblait encore être la manière la plus judicieuse de s'y prendre étant donné que, aux dernières nouvelles, il ne travaillait pas, et embaucher une nounou lui coûterait les yeux de la tête.

Bon, elle était assez certaine qu'Owen serait ravi de garder Samuel de temps à autre, mais elle n'avait pas l'intention d'abuser de sa gentillesse non plus. Bref, oui il était bien nécessaire d'en parler, et la jeune sorcière espérait surtout que cela ne dissuaderait pas pour autant son interlocutrice de lui faire confiance. Mais apparemment, ça ne changeait rien, et Natasha était toujours décidée à la prendre à l'essai. Perséphone réalisait, alors qu'elle redoutait que cette perspective lui passe sous le nez, que c'était effectivement une chose qu'elle tenait à faire.

Ce n'était pas le métier de ses rêves, peut-être, mais elle n'avait pas vraiment de métier de ses rêves. Le métier qui lui convenait, c'était celui qui lui permettait de se rendre utile et de subvenir aux besoins de sa famille, sans avoir à s'inquiéter tous les jours de comment elle s'en sortirait le lendemain. Vendre certaines de ses potions pourrait sans doute l'aider à arrondir ses fins de mois, aussi, mais par les temps qui couraient, ce n'était pas forcément malin de s'afficher trop ostensiblement comme sorcière, et elle n'avait pas besoin de ça pour être dans le collimateur des Hellsing.

-Quand ça vous arrange, répondit Perséphone avec un enthousiasme sincère.

Elle était même tentée de demander à commencer tout de suite, mais ce ne serait pas très malin, avec Samuel dans sa poussette, Samuel qui allait sans doute bientôt se réveiller et réclamer à manger, d'ailleurs. Il serait préférable, tant qu'à faire, de ne pas tenter le diable non plus.

-Dès demain, si vous voulez ?

Le plus tôt serait le mieux. Elle ne demandait qu'à se mettre dans le bain le plus vite possible. En espérant qu'elle serait à la hauteur des attentes de Natasha et que ce ne serait pas juste un coup d'épée dans l'eau.

code by Mandy