L'entente est au diseur | Tristan & Eric

T

ristan ne passait que peu de temps au coeur du repère des vampires, et pour cause, il n'y trouvait pas franchement d'intérêt. Il s'y rendait quelques fois par curiosité, ou simplement pour se tenir au courant de ce qui tramait pour les autres vampires. Mais en ce qui le concernait, il considérait que sa vie appartenait au monde auquel il avait appartenu. Même s'il ne pouvait plus évoluer que de nuit, même s'il se nourrissait de sang humain, cela ne l'empêchait pas de vouloir évoluer au sein du village, de continuer à mener son train de vie comme il l'entendait. Ce qu'il faisait donc, sauf exception.

En l'occurrence, il avait décidé de faire un tour du côté du repaire des vampires, par simple curiosité, et aussi pour pallier à son ennui, puisqu'il n'avait aucune idée d'où Ely se trouvait à l'heure actuelle. Malheureusement pour lui, il ne devait pas y trouver grand-chose ni grand-monde de divertissant, puisqu'il se retrouva en présence d'Eric Strand. Et Eric Strand, il ne l'aimait pas. Bon, il ne le haïssait pas non plus, mais cet homme qui se prenait pour le roi des vampires l'agaçait profondément. Parce qu'il n'était le roi de rien du tout à ses yeux, et surtout, Tristan était bien trop orgueilleux pour consentir à être le valet de qui que ce soit, plutôt crever une deuxième fois.

-Quoi, tu ne me trouves pas à ton goût ? répondit simplement Tristan dans un léger sourire.

Oui, il savait que sa soeur se tapait Eric. Pour tout dire, il s'en fichait pas mal, s'ils devaient mutuellement se tenir rigueur de toutes les personnes avec qui ils couchaient l'un et l'autre, ils n'en auraient vraiment pas fini. Il pouvait comprendre qu'Ely ait voulu faire d'Eric son amant. Il était bel homme et il était influent, il avait de quoi plaire. Alors oui, il la comprenait. Si Tristan devait coucher avec Eric, peut-être qu'il l'apprécierait davantage, mais comme ce n'était pas le cas, il se contentait de le trouver parfaitement désagréable, et c'était à peu près tout.

-Quoi de neuf ? Je vois que tu as encore toutes tes dents, je suppose que tu as été épargné... pour l'instant, observa-t-il en évoquant le mal qui rongeait les créatures de notre terre.

Quel dommage.
   

   

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D

éçu n'était pas vraiment le mot exact, en vérité. Certes, Tristan n'éprouvait vraiment aucune forme de sympathie à l'égard d'Eric Strand, mais ce n'était pas au point d'espérer sa mort (enfin, sa mort au-delà de la mort) non plus. C'est sûr, si ce coup du sort avait dû le frapper, ça l'aurait fait marrer plus qu'autre chose et il n'aurait clairement pas porté le deuil, et ça l'aurait relativement fait marrer, même. Mais bon, il était toujours en vie, et toujours en pleine forme, manifestement, tout dinosaure parmi les vampires était-il... Alors tant pis... C'était comme ça.

Concevoir l'idée même d'être déçu, ce serait porter un intérêt à son interlocuteur qu'il n'a pas réellement envie de lui accorder... même pas du tout. Certes, ils étaient ici, ensemble, au même endroit, et ils parlaient, donc il fallait bien qu'ils s'accordent un minimum d'intérêt l'un à l'autre, mais pas besoin d'en faire trop non plus.

-Qu'est-ce que tu vas t'imaginer là, je me contentais de faire un simple constat, dit-il dans un haussement d'épaules. Et il faisait la conversation dans la foulée, un minimum, du moins. Même si ça ne servait certainement à rien, mais peu importe. Du haut de ton milliard d'années d'existence, c'est toi qui pourrait éventuellement être déçu, l'ancêtre, ajouta-t-il, sans réelle intention de l'attaquer ou même de le provoquer, juste parce qu'il était difficile de ne pas lui parler sans vouloir lui envoyer une ou deux piques.

La vérité, c'est qu'il pensait qu'Eric et lui n'avaient pas des mentalités bien différentes... C'était même pour cela qu'ils s'entendaient si mal et qu'Eric s'entendait si bien avec Ely. Eric se sentait maître de son domaine, et Tristan n'aurait pas été mécontent que le buveur de sang cède sa place à un moment ou à un autre. Mais il ne doutait pas, en vérité, du fait que son interlocuteur devait savourer chaque jour de son éternité, comme Tristan lui-même était bien déterminé à le faire, quand bien même il était encore bien jeune. Certains vivaient l'éternité et la jeunesse éternelle comme un véritable fardeau. Mais lui, il avait bien du mal à le concevoir, parce que ce don que la mort (et Ely, surtout) lui avait offert, il n'avait pas la moindre intention de le rendre, peu importe les circonstances.
   

   

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T

ristan observa son interlocuteur avec un léger sourire au coin des lèvres quand son interlocuteur assura qu'il aimait décider du sort des vampires. Oui, n'importe qui d'un tant soit peu sensé (du moins selon les critères du buveur de sang) aimait décider du sort d'autrui et avoir le contrôle, mais il avait beau parler, Tristan était loin de considérer Eric comme son maître ou encore de s'imaginer que ce dernier avait quelque contrôle que ce soit sur lui. Tristan était son propre maître.

Et s'il devait avoir un maître, ce serait plutôt une maîtresse, et il s'agissait d'Ely, il n'y avait à ses yeux personne au-dessus d'elle, et surtout personne au-dessus d'eux. L'idée que la situation présente puisse agacer Eric ravissait, au fond, Tristan. Qu'il n'ait pas de prise sur une situation capable de lui porter préjudice, ça ravissait très honnêtement Tristan. Il ne tenait pas si particulièrement à mettre des bâtons dans les roues de son interlocuteur (même s'il voudrait être à sa place, il ne pouvait quand même pas le nier), mais si ces bâtons faisaient irruption de leur plein gré, il ne serait certainement pas celui qui allait y remédier.

-Au risque de te manquer de respect, répondit Tristan qui, évidemment, se fichait bien de manquer de respect à qui que ce soit, mais aimait conserver le sens de la formule, en revanche, je ne t'ai jamais considéré comme le roi de quoi que ce soit ou de qui que ce soit. En tout cas pas comme le mien.

C'était de la provocation pure et dure, évidemment, mais ça restait la vérité. Tristan faisait sa forte tête, mais c'était bel et bien ce qu'il pensait. Eric était un vampire important, beaucoup comptaient après lui, et c'est vrai, en effet, qu'au royaume des vampires, si l'on admettait qu'il y en avait un, c'était lui qui faisait la loi. Mais Tristan n'avait jamais considéré qu'il appartenait à ce royaume, il n'avait jamais considéré qu'il n'appartenait à aucun domaine en vérité. Comme il ne respectait pas particulièrement l'autorité du chef du village, il ne respectait pas plus celle d'Eric, il ne respecterait pas non plus celle de celui ou celle qui devrait le remplacer si ça devait arriver. Même si Eric semblait bien déterminer à rester à sa place, sans laisser personne lui succéder.


   

   

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B

on, ben de toute évidence, il l'avait vexé. Est-ce qu'il se sentait vraiment en confiance, la gorge à porté des doigts (et des ongles aiguisés) de son ennemi, qui prenait soin de le plaquer et de l'étrangler ? Non, ce serait mentir. Tristan était un homme complètement inconscient, mais il tenait à la vie... à la mort... en tout cas à la forme d'éternité qu'il avait gagnée, même si elle battait un peu de l'aile ces derniers temps, un peu trop pour qu'il soit capable de vraiment se défendre convenablement. Strand avait le dessus sur lui, il ne pouvait pas le nier.

Sans doute, pour apaiser les tensions, devrait-il admettre que son interlocuteur était le chef émérite des vampires et donc son chef à lui ? Sans doute, oui, mais il n'en ferait rien. Même comme ça, dans une position inconfortable qui pourrait lui coûter la vie, et pour de bon cette fois, il avait beaucoup trop de fierté pour s'écraser face à ce type. Il ne l'empêchait pas de mener son petit empire, il refusait seulement d'en devenir l'un des sujets. C'était le cas hier, c'était le cas maintenant, et ce serait le cas demain, bien évidemment.

-Accorde-toi un peu de crédit, tout de même. Tu es fort est très puissant, répondit-il, non pas pour le flatter dans l'espoir de s'en tirer, mais uniquement pour faire un peu d'humour.

Il était fort et très puissant, c'était une vérité, et il était vrai également que, en l'état, Tristan était affaibli, mais il s'en fichait. Que son adversaire le trouve pathétique n'avait que peu d'importance, il tenait simplement à vivre le plus longtemps possible la vie qu'il entendait, sans qui que ce soit pour le diriger.

-Pourquoi tu ne me tues pas, alors, hein ? demanda-t-il, la voix enrouée par la prise de plus en plus désagréable que son ennemi (parce qu'à ce stade, au vu du traitement qu'il lui faisait subir, il était effectivement un ennemi).

Il pourrait chercher à se défendre, il ne le ferait pas. Il ne voyait pas d'intérêt à s'engager dans un combat qu'il perdrait d'office. Eric Strand était plus fort que lui, c'était un fait. Mais ce n'était pas une chose qui avait beaucoup d'importance pour lui malgré tout.
   

   

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J

ouer la carte de la provocation aurait pu décider de son sort, mais Tristan estimait que s'il devait prendre à son interlocuteur l'envie de le tuer, qu'il supplie pour sa vie ou fasse mine de n'en avoir rien à faire ne changerait franchement pas grand-chose si ce n'est qu'il mourrait moins dignement dans un cas que dans l'autre. Même immortel (chose qu'il ne semblait malheureusement plus être), Tristan aimait prendre des risques, demeurer sur la corde raide. Il n'y avait qu'ainsi, pensait-il, que l'on pouvait se sentir pleinement en vie. Certes, il y avait toujours quelques aleas contrariants à tout cela, mais quoi qu'il en soit, il fallait parfois se fier à son instinct, et en l'occurrence, puisqu'Eric n'alla pas au bout de son geste, il avait bien fait.

Par réflexe, Tristan massa sa gorge endolorie. Le moins que l'on puisse dire, c'était que son "adversaire" (si tant est que l'on puisse le nommer ainsi) n'y était pas allé de main morte (sans mauvais jeu de mot). C'est sûr que ce type pourrait le broyer s'il le décidait, mais ce n'était pas parce qu'il faisait face à un individu intimidant qu'il devait se laisser intimider. Tout ce que demandait Tristan, c'était de continuer à jouer les électrons libres. Et si Eric devait ne pas vouloir céder sa place... est-ce que ça ne finirait pas par arriver tout de même ?

Au bout d'un moment, à son âge canonique, on devait finir par se lasser, non ? Ou pas, Tristan avait aucune idée de ce que cela faisait de vivre ainsi plusieurs siècles durant. Ceci dit, il finirait bien par le découvrir, car quoi qu'en dise son interlocuteur, Tristan voulait croire que sa situation n'était pas immuable... à un moment donné, il se retrouverait de nouveau en pleine possession de ses moyens. Il ne savait pas comment, mais il le savait. Certes, il avait sans doute beaucoup trop confiance, en réalité, mais si le manque de confiance était une tare que possédait réellement Tristan, cela se saurait. A la place, il préférait largement conjuguer tout un tas d'autres tares.

-Personnellement je trouve ça beaucoup moins intéressant, comme spectacle, répondit Tristan avec décontraction. Si ça doit arriver, ce sera à la fois lent et pas très spectaculaire. Mais bon, jamais je ne me permettrais de te donner des leçons de divertissement.
   

   

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T

ristan afficha un sourire amusé quand Eric et son sens inné de la réplique ne manqua pas de rebondir sur ses propos pour lui faire remarquer qu'une mort lente et pathétique, et donc tout sauf grandiose, serait au moins à son image. Tristan voulait bien imaginer que c'était une chose qu'Eric pensait bel et bien, mais lui-même était si convaincu qu'un tel discours était à mille lieues de la réalité qu'il ne pouvait définitivement pas en prendre ombrage.

Tristan se tenait lui-même en grande estime (logique, il n'y aurait personne pour le faire mieux que lui, à part peut-être Ely), et ce n'était pas un mal quand on rejoignait la race des créatures que l'on pouvait sans doute tenir pour les plus orgueilleuses qui existent en notre terre. Logique, en même temps, cela allait bien souvent de pair avec le sentiment d'immortalité, même si cette immortalité pouvait éventuellement vous filer entre les doigts en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, comme la condition défaillante de Tristan pouvait le laisser présumer (et elle l'inquiétait en réalité plus qu'il ne le laissait paraître, davantage pour Ely que pour lui-même, en vérité, surtout qu'il n'était pas encore entièrement guéri de la disparition de Hope). Il n'allait pas dire que tout cela ne l'inquiétait pas, non, ça l'inquiétait, mais il refusait de se laisser émouvoir par le discours de son interlocuteur, en revanche. Entre eux, c'était donnant-donnant. Eric n'aurait que faire du discours de Tristan quoi qu'il puisse dire. Et réciproquement, bien sûr.

-Ta générosité te perdra, je l'ai toujours pensé, répondit Tristan avec un sourire. Je doute fort que tu m'achèves un jour. Je suis sûr que mon absence t'ennuierait autant que ma présence t'agace. Et il n'y a pas de mal à ça, tu sais. Moi aussi, je regretterais de devoir me passer de la compagnie d'un petit chef autoproclamé et suffisant qui s'imagine avoir le pouvoir sur tout le monde et n'en exerce sur personne. Bon, je m'en remettrais sans doute assez vite, mais tout de même, j'imagine que tu me manquerais au moins quelques petites minutes.

Ou pas, il laisserait une place vacante que Tristan se ferait le plus grand des plaisirs d'accaparer, en compagnie de sa soeur, bien évidemment. Quand bien même ils étaient sans doute les vampires les moins légitimes de toute notre terre à ce rôle.
   

   

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O

h, si son interlocuteur se lassait déjà d'un refrain que Tristan avait le sentiment de ne pas avoir encore répété assez, alors il allait bien vite s'agacer, car le buveur de sang ne voyait aucun problème à jouer les disques rayés, encore moins si cela pouvait avoir le mérite d'insatisfaire ses interlocuteurs. Et puis, il n'y pouvait rien, tout de même, si asséner les mêmes propos encore et encore à son interlocuteur ne semblait pourtant pas susceptible de le faire réagir et entendre raison. Si Eric entendait ce qu'il affirmait plutôt que de simplement l'écouter, alors Tristan se ferait un plaisir de la mettre en veilleuse.

Il n'aurait plus besoin d'en dire et faire autant, après tout, puisque le message serait entendu. Mais de la part d'Eric, il ne fallait s'attendre qu'à une ferme opposition. Et c'était ce que Tristan voulait, bien sûr. L'un des grands intérêts de leur rivalité, c'était justement qu'en face de lui, il avait un adversaire dont les arguments avaient du poids et faisaient date (pour cause, ils avaient eu le temps de dater, depuis le temps que son camarade foulait notre terre). Eric Strand avait largement fait ses preuves tout comme il avait de quoi se sentir légitime. Mais ce n'était pas pour autant que Tristan allait accepter cette légitimité non plus.

-Oh, mais je sais bien que tu ne plaisantes pas avec moi, répondit Tristan aussi tranquillement que possible, d'un ton détendu.

Détendu, il ne l'était pas tant que ça. Il n'aimait clairement pas ce que sous-entendait Eric, et quand il était question d'Ely, il avait très envie de sortir les crocs. Mais la provocation était trop évidente. Y réagir, ce serait donner du grain à moudre à son interlocuteur. Tristan était bien souvent trop impulsif, mais il n'était pas complètement idiot non plus (du moins la plupart du temps). Il savait que la menace était réelle. Et il refusait que l'on s'en prenne à Ely. Mais cet argument ne le ferait pas flancher. Parce qu'il était tout bonnement trop fier de lui.

-Mais pourquoi en passer par le cadavre d'Ely quand tu peux directement te satisfaire du mien ? Elle sera tout de même largement moins séduisante quand elle commencera à être rongée par les vers. A moins que ce soit ton truc ?
   

   

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T

ristan avait envie de dire que rien au monde n'était susceptible de le mettre plus bas que terre, qu'il se relevait toujours, et que rien n'était capable de l'atteindre, mais ce serait évidemment un mensonge. Tristan n'avait plus qu'un seul point faible, un seul, et son interlocuteur le savait pertinemment. Perdre Hope avait été une épreuve douloureuse, et Ely et lui avaient mis beaucoup de temps à s'en remettre, mais ils avaient remonté la pente.

En revanche, si Tristan devait également perdre sa deuxième soeur, cette fois, c'était certain, il ne s'en remettrait pas... ce qui n'apporterait ceci dit qu'une satisfaction très brève à Eric, car si ce cas de figure devait se présenter, Tristan n'avait aucune intention de se laisser sombrer comme une pauvre âme en peine. Non, il mettrait fin à ses jours, ce serait plus rapide. Bon, du coup, Eric aurait obtenu ce qu'il voulait de façon détournée, mais fallait-il seulement le penser sérieux ?

D'accord, Tristan voulait bien croire qu'il tapait sur le système de son interlocuteur, mais ce n'est pas comme s'il était vraiment une menace ou l'ennemi juré de son interlocuteur. Perdrait-il vraiment son temps à perdre l'un des siens, quitte à diviser son propre clan, pour le voir lui, qu'il devait considérer comme une simple vermine, souffrir tous les tourments de la terre ? ça lui semblait quand même bien peu probable. Ceci dit, il ne prendrait pas trop de risque non plus.

Si menace il y avait vraiment dans les propos de son interlocuteur, il serait définitivement stupide de ne pas en tenir compte. Il avait bien l'intention de répéter cette petite conversation à sa soeur, en tout cas. Si en temps normal, il se fichait assez d'avec qui elle couchait, même si ça devait être des personnes qu'elle n'appréciait pas, il se reprocherait éternellement de ne rien avoir fait si sa soeur devait vraiment se faire avoir.

-J'adore constater tous les efforts que tu es prêt à faire pour moi, vraiment, je suis flattée. Mais ne sous-estime pas Ely, par contre. Moi je suis sûrement une proie facile, je te le concède, mais tu aurais tort de croire que tu peux avoir le dessus sur elle si facilement.

Ou sur eux deux... Oh, bien sûr qu'il en était capable, mais tout jeunes vampires qu'ils étaient, ils avaient de la ressource, eux aussi, et Tristan avait bien l'intention de faire le nécessaire pour que ces menaces ne soient qu'en l'air et que lui et sa soeur continuent de mener leur mort comme bon leur semblait.    

   

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L

a remarque d'Eric fit sourire Tristan. Il ne voulait pas forcément connaître le détail des positions que les deux vampires appréciaient le plus dans la plus pure intimité (enfin, surtout, s'il voulait des détails, il irait immédiatement les demander à Ely - ils étaient plutôt partageurs quand il s'agissait de se confier sur leurs aventures respectives), mais il avait toujours eu un certain goût pour ces remarques qui pouvaient s'entendre à double sens. En réalité, dans une autre vie, ou dans une autre mort, ils auraient certainement très bien pu s'entendre, Eric et lui. Mais les choses étaient ainsi faites, et il fallait savoir s'en satisfaire.

-Tu as l'impression que je la défends ? Je n'en avais pas le sentiment, répondit Tristan avec un haussement d'épaules. Je me contente d'établir un fait. Je sais pertinemment qu'Ely n'a besoin de l'aide de personne pour se défendre, elle en est tout à fait capable par elle-même. Et si elle a pu te laisser penser qu'avoir le dessus te donner vraiment l'ascendant, c'est qu'elle se débrouille vraiment à la perfection. Je me contente de complimenter ma soeur, je ne vois pas où est le mal, ajouta-t-il avec nonchalance.

C'était le cas, il ne considérait pas que son discours tendait à prendre la défense d'Ely, plutôt à faire entendre à son interlocuteur qu'en s'attaquant à elle, il s'en prendrait éventuellement à plus forte que lui, ce qu'il avait tendance à croire... avec une certaine réserve tout de même. Evidemment, par certains aspects, Tristan était bien obligé de veiller aux intérêts d'Ely. Il ne voulait pas qu'il lui arrive ce qui était arrivé à Hope. S'il devait perdre sa deuxième soeur, il savait pertinemment qu'il ne s'en remettrait pas : ce serait définitivement trop pour lui. Ce qui prouvait bien que le meilleur moyen de s'en prendre à lui était encore de s'attaquer à sa soeur. Mais on en était pas là, pas vrai.

-T'es un grand sensible, en fait, hein ? Tu veux un mouchoir pour essuyer tes petites larmichettes de pauvre vampire fragile ou ça ira ? demanda-t-il toujours avec cette même nonchalance affichée.

Pour lui, ça restait bon enfant, il répondait à une pique par une autre, tout simplement, c'était de bonne guerre, n'est-ce pas ?  

   

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-T

u devrais, pourtant, je ne suis pas généreux si souvent, ni avec n'importe qui, c'était peut-être ton opportunité, répondit Tristan de son ton le plus insolent quand Eric, pour répondre à sa farce qu'il n'&avait pas l'air de trouver très amusante (étrange comme les gens avaient tendance à ne pas trouver cela drôle quand on s'amusait à leurs dépens).

En vérité, il se moquait bien de ce qu'Eric pensait - si cela ne s'était pas déjà vu -, il avait dit ce qu'il pensait, avait joué la carte de la provocation sans que cela ne fasse beaucoup d'effet, et comme il semblait bien qu'il n'y aurait pas grand-chose d'autre à attendre de cette situation, il était à présent plutôt impatient de pouvoir mettre un terme à cette conversation et reprendre le cours de sa vie. La provocation constante n'était amusante que si l'on vous provoquait en retour, et en l'occurrence, il avait tout de même la nette impression d'avoir fait le tour de la question. Insister encore davantage serait très certainement sans effet, alors il n'était sans doute pas nécessaire de perdre encore plus son temps que cela.

-C'est bien, tu es brave et courageux, reprit Tristan d'un ton léger, toujours un sourire en coin. Je vais te laisser, quand même, des fois que tu veuilles essuyer une larme discrètement, je m'en voudrais de remettre en question ta très grande légitimité en assistant à un spectacle que nous trouverions tous les deux déplorable - enfin, plus déplorable que ce spectacle ci, je veux dire, ajouta-t-il alors, qui ne savait jamais quand s'arrêter.

Il en avait fait et suffisamment dit. A force de jouer avec le feu, on finissait invariablement par se brûler : ce n'est pas comme s'il l'ignorait, mais ça ne l'empêchait pas, malgré tout, d'en rajouter toujours une couche, constamment, à croire qu'il ne savait tout bonnement pas faire autrement. Mais bon, il allait quand même se calmer. Il y avait des ennemis qu'il était bon de provoquer de loin , mais dont il restait préférable de ne pas attiser la colère, tant qu'à faire.

-C'était un véritable plaisir de discuter avec toi, assura-t-il sans en penser un seul mot - on se reverra prochainement, je suppose ?

Tristan n'attendit pas la réponse d'Eric. Il tournait d'ores et déjà les talons.  

   

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