Il est temps de parler un peu (Jane)

E

lle ne pouvait pas continuer ainsi... Il fallait qu'elle dise la vérité, qu'elle vide son sac, qu'elle laisse exploser la bombe, avant qu'elle-même n'explose, ce qui aurait toutes les chances d'arriver... Elle avait réalisé qu'elle avait un véritable don quand il était question de mentir... mais même si elle savait sortir un milliard de bobards et être crue malgré tout, par Léo en particulier, elle n'en éprouvait pas moins une profonde culpabilité, t cette-dernière allait véritablement la dévorer. Encore un peu, et ces mensonges allaient l'ensevelir, la ronger, la dévorer jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien d'elle. Il fallait qu'elle en parle, elle ne pouvait plus vivre comme ça, elle avait, plus que jamais, besoin d'un confident... Et à dire vrai, elle savait pertinemment à qui elle avait envie de s'adresser. Le soir-même de son mariage (ses mariages, plutôt), Jane avait eu l'intention de se précipiter chez Gwenn pour tout lui dire... Mais elle ne l'avait pas fait. Parce que c'était sa nuit de noce, bien évidemment, mais pas seulement. Elle avait peur, et encore maintenant, alors qu'elle attendait derrière sa porte, elle était terrifié. Tous les gens qu'elle aimait avaient tendance, un jour ou l'autre, à la fuir, quand ce n'était pas elle qui les fuyait. Elle souffrait d'un profond complexe d'abandon, et elle craignait que, si elle lui parlait, sa meilleure amie ne décide de la fuir à son tour... Et elle aurait toutes les raisons du monde de lui en vouloir. Jane n'était pas quelqu'un de bien. Elle était même certaine d'être l'une des pires personne que notre terre ait jamais porté, mais elle le cachait du mieux qu'elle le pouvait. Là, ce serait flagrant, et la lycane ne voudrait sans doute pas d'une amie comme ça. Qui voudrait d'un amie comme ça ? Personne. Même elle n'était pas certaine qu'elle voudrait d'elle-même. Mais tant pis, il fallait qu'elle parle. Gwenn était la seule personne au monde à qui elle ne voulait vraiment rien cacher, et elle allait s'y appliquer. Dès ce soir.

À peine la porte s'ouvrit-elle que la jeune femme se précipita dans ses bras. Un sourire sincère s'afficha sur son visage alors qu'elle profitait de cette étreinte. Non, elle ne savait vraiment pas ce qu'elle ferait si elle ne devait plus l'avoir à ses côtés... Mais non, elle ne flancherait pas malgré tout, elle se laissa entraîner à l'intérieur espérant que, malgré les circonstances, elles pourraient en effet boire sans trop se prendre la tête. Mais il allait falloir éviter d'avoir un trop gros coup dans le nez et de reporter les choses à plus tard. Il fallait qu'elle parle, et puisqu'elle était venue là pour ça, autant ne pas tourner trop longtemps autour du pot, et lui parler tant qu'elle avait le courage, tant pis si, en contrepartie, elle se montrait impolie, et négligeait, par eemple, de lui demander comment elle allait. Elle se rattraperait si l'occasion lui en était donnée. Si elle n'était pas juste fichue à la porte dans la seconde.

-Il va nous falloir plus d'un verre, je crois. Elle esquissa un fin sourire, même si elle se sentait en vérité trop angoissée pour sourire. Écoute... J'ai un truc à t'avouer... Un truc important.

Et Jane n'utilisait jamais le mot "important" à la légère.

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G

wenn était inquiète. Jane le voyait bien. En quelques mots, elle avait su lui faire envisager le pire... mais le pire qu'elle puisse imaginer n'était sans doute pas à la hauteur de ce qu'elle avait à confesser. Oui, elle pouvait pas avoir peur. Mais elle ne devait pas s'inquiéter. Ce n'était pas comme si Jane courait un danger quelconque. Elle foutait sa vie en l'air certes, mais tout était de son fait. Ce qui la terrifiait tant, dans ce qu'elle s'apprêtait à dire à cette amie à laquelle elle se refusait catégoriquement de cacher quoi que ce soit, c'était que son attitude était sur tant d'aspects répréhensible qu'elle craignait fort que lui avouer la vérité ait pour résultat de lui faire perdre une amie qui comptait pourtant terriblement pour elle, plus que n'importe qui. Elle ne savait vraiment pas comment elle ferait, si elle ne l'avait pas dans sa vie. Et en même temps, comment ne pas voir cette perspective lui pendre au nez. Son regard toisa celui de sa meilleure amie, où elle continuait de lire cette insoutenable inquiétude, puis tomba sur les deux verres qu'elle venait de leur remplir. Bon... Elle but le sien cul-sec dans l'espoir de se donner du courage. Pas sûr que cela ait été très efficace, mais à présent qu'elle était là, il était de toute façon hors de question de faire machine arrière. Elle devait aller jusqu'au bout. Un soupir... et il était temps de se jeter à l'eau.

-Mon mariage avec Léo est une imposture. Et, avant que Gwenn ne lui demande plus de précisions. Enfin... Moi je le sais, pas lui... On est pas vraiment mariés parce que j... Elle tournait et retournait son alliance autour de son doigt. Celle de son mariage avec Edward. Car oui, c'était celle qu'elle portait à chaque fois qu'elle n'était pas avec Léo, ce qui en disait sans doute long, en définitive. Je me suis mariée juste avant la cérémonie. Elle marqua une pause. Avec Edward... Elle se sentit blanchir, c'était la première fois qu'elle exposait les faits à haute voix, et ça les rendait tout à coup si réel. Il est venu me voir avant la cérémonie... et... il m'a demandé de l'épouser, j'ai dit oui... Voilà qui était dit... maintenant, sa meilleure amie était libre de la juger autant qu'elle le voulait. Et je ne regrette rien... Elle poussa un soupir. J'aime Edward Baker, voilà... et quand il m'a demandé de l'épouser, c'était comme une évidence. Je sais, c'est horrible, ce que j'ai fait à Léo. Elle se resservit d'elle-même un nouveau verre. C'était la première fois qu'elle disait si librement cela à quelqu'un d'autre. Même son âme soeur ne l'avait jamais entendu parler en ces termes. Dis-le, je suis la pire personne qui existe sur cette terre.

Et elle le pensait. Léo était quelqu'un de bien. De fondamentalement bon. Il ne méritait pas ce qu'elle lui faisait subir. En faisant du mal à quelqu'un de bien, elle était forcément une mauvaise personne. Oui, les faits étaient simples. Elle était prisonnière de ses sentiments, de sentiments plus forts que le reste.

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L

es questions que lui posait Gwenn étaient des questions que Jane s'était posée encore et encore, un bon milliard de fois, sans discontinuer. Sa réaction n'avait rien de logique, et surtout, était immensément nocive. Comment lui trouver des circonstances atténuantes alors qu'elle était très clairement en train de ruiner la vie de Léo... Elle ne pouvait pas faire comme si elle n'en savait rien, elle ne pouvait pas prétendre ne pas avoir conscience du mal qu'elle lui faisait. Elle le savait... Et si elle l'avait épousé, ou avait fait semblant de l'épouser, c'était pas pure lâcheté, parce qu'elle était tout simplement incapable d'assumer ses actes ainsi qu'ils étaient et d'affronter le regard de Léo en lui apprenant la vérité... Et par égoïsme, parce qu'elle était incapable de se séparer de Léo. Il n'y avait plus grand chose à sauver chez elle, elle savait pertinemment qu'elle ne connaîtrait plus jamais le chemin de la rédemption... mais avec Léo, elle avait le sentiment de goûter dans la lumière, au moins à quelques rares moments, quand sa vie semblait autrement plongée dans la plus totale des obscurités... Mais comment l'expliquer à sa meilleure amie et espérer qu'elle comprenne ? Jane n'avait pas d'excuse. Ell était une femme ignoble, et elle s'enfonçait dans cette ignominie... Et comme toujours, au bout du compte, elle allait tout perdre... à commencer par sa meilleure amie.

-Bien sûr que si, ça aurait été mieux... Léo mérite pas ça. soupira-t-elle. La main qui tenait son verre tremblait sans qu'elle parvienne à se calmer. Quand je suis avec lui, avec Edward... je ne suis plus moi-même, ou alors je le suis... j'en sais rien... C'est dur à expliquer... C'est comme si tout était évident tout à coup, puis quand il est loin, je me rends compte que rien ne l'est. Elle poussa un soupir. Je ne peux pas l'aimer, je peux pas. Si je dois aimer quelqu'un, je veux que ce soit Léo et j'essaye, j'essaye vraiment... Elle marqua une pause. Mais j'y arrive pas. Pourtant, c'est l'homme parfait, et je le sais bien, et il est adorable avec moi. J'avais envie d'être sa femme, j'avais envie que ça marche... même maintenant...

Mais elle devait bien se rendre à l'évidence, son coeur et son âme étaient l'entière propriété d'un autre. Et elle ne pouvait rien faire pour l'empêcher, juste se leurrer. Léo méritait mieux qu'un rôle d'artifice, de simple illusion... Elle savait ce qu'elle pouvait, et devait faire, même, pour rétablir l'ordre des choses. Tout avouer à Léo, le quitter, le libérer de ses chaînes... supporter qu'il la haïsse à juste titre pour tout le mal qu'elle lui avait fait. Oui, elle savait que c'était cela qu'il fallait qu'elle fasse, de toute façon, ils y viendraient un jour, puisque ça ne pouvait pas durer éternellement... Mais chaque fois qu'elle l'avait envisagé, elle avait rebroussé chemin et avait joué les lâches... En le perdant, elle allait perdre pied, elle en était sûre. C'était une idée des plus insupportables.

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J

ane s'était attendue à ce que sa meilleure amie agisse comme chacun finissait par le faire, pour son propre salut, sans doute, qu'elle la juge, qu'elle la condamne, et qu'elle se détourne d'elle (à juste titre). Elle ne serait pas la première à l'"abandonner", et Jane ne pourrait pas l'en blâmer, vraiment pas... parce qu'elle n'aurait que ce qu'elle méritait. Elle accumulait les conneries, il était normal que, à un moment ou à un autre, elle en subisse les conséquences. Elle ne méritait pas l'affection d'autrui, même si elle la rendait toujours avec sincérité... oui, même Léo, à qui elle mentait sans cesse, elle ne feignait pas l'aimer, seulement, il n'y avait rien qui sache rivaliser avec la relation qu'elle et son âme soeur partageaient, et qui en profitait pour détruire insidieusement sa vie toute entière. Pourtant, Gwenn n'eut pas cette réaction attendue et redoutée, bien au contraire. Elle la prit dans ses bras. Jane, qui ne s'y était vraiment pas attendue resta là quelques secondes, les bras ballants, avant de finalement serrer ses bras derrière son dos. Elle ne pensait vraiment pas avoir fait quoi que ce soit qui lui suffise à mériter une amitié pareille, mais elle trouvait là une preuve de plus, s'il lui en fallait encore, que Gwenn était une amie vraiment exceptionnel. Jane savait bien que son amie ne pouvait pas cautionner la manière dont elle avait agi, mais elle tentait de la comprendre au lieu d'immédiatement la juger. C'est certain, plus jamais elle n lui cacherait quoi que ce soit. Tout comme il était certain que, en effet, elle aurait dû en parler, mais elle n'en avait tout bonnement pas été capable, parce que pour cela, il aurait fallu que le constat qu'elle avait prononcé à haute voix quitte plus tôt que son inconscient. Bien sûr, qu'elle n'avait pu deviner que les choses allaient aussi loin avec l'autre myrihande du feu, Jane n'en avait rien laissé paraître, et laissé ce feu la consumer trop longuement.

-J'aurais dû t'en parler, tu as raison. confirma la jeune femme d'un voix tremblante. Mais je commence seulement à admettre tout ça. Elle poussa un soupir. Je voulais croire que j'arriverais à y échapper mais... ce serait comme m'ôter une part de moi-même, tu comprends ? Jane ne savait pas si elle pourrait véritablement comprendre. Pour elle, c'était si obscur, et plus la situation s'éclairait plus elle était dérangeante... Ne m'en veux pas, s'il te plaît. Lui demanda-t-elle alors en resserrant plus encore son étreinte.

Elle avait progressivement perdu tous ses piliers potentels, tous ceux qui auraient pu lui permettre de ne pas sombrer... et ceux qu'elle n'avait pas perdu encore lui échapperaient sous peu, elle en était certaine... Léo en premier lieu, mais elle ne pouvait pas se résoudre à voir Gwenn s'éloigner à cause de ses conneries. Elle savait à peine lutter contre sa nature, mais cela restait un fait malgré tout, Jane pouvait accepter bien des sacrifices pour sa meilleure... et aurait tôt fait de le prouver d'ailleurs.

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h, ça, Jane pouvait sans mal entendre que sa meilleure amie ne soit pas à même de comprendre ce qu'elle vivait exactement, et ce que le fait d'être une myrihande impliquait précisément. C'était tout à fait normal. C'était au-delà de ce qu'il était possible de décrire, tout simplement. Il n'y avait pas de mot pour cela, sans doute parce que trop peu d'individus parmi le commun des mortels avaient pu éprouver cela. Seul un autre myrihande serait à même de comprendre ce qu'elle et Edward traversaient... Et encore, cela semblait varier d'un élément incarné à l'autre, il suffisait de voir combien Iris et Jonathan répugnaient à entendre qu'ils ne savaient tout simplement pas être ensemble... Non, elle ne pouvait pas reprocher à Gwenn de ne pas comprendre, elle ne pouvait que la remercier d'essayer de le faire, très sincèrement, et par pure amitié. Elle lui donnait la preuve, une fois de plus, qu'elle était la meilleure amie qu'elle pouvait espérer. Si attentive... prête à la soutenir en n'importe quelles circonstances.Tout comme Jane se sentait prête à inversement le faire... Jane, armée de son habituelle peur de l'abandon, peinait à croire que l'on puisse accepter ce qu'il y avait de plus sombre et de déplorable en elle, et pourtant... Pourtant, elle restait là, amie immuable, prête à tout accepter, prête à tout pardonner, parce qu'elle tenait à elle, tout simplement. Autant dire que les propos de Gwenn touchaient profondément Jane. Tout à coup, elle se sentait soutenue. Elle pouvait livrer à quelqu'un ses peurs, ses angoisses, ses erreurs (qui n'étaient pas moindres), ses déboires, et ne pas voir l'autre se détourner comme tant d'autres l'avaient fait. Elle se sentait acceptée, y compris avec ses failles. Elle ne pouvait pas espérer davantage, personne ne devait avoir de meilleure amie en ce monde.

-Merci. répondit Jane dans un sourire. Je sais pas ce que je ferais sans toi.

C'était plus que vrai. Gwenn lui donnait de l'amitié des perspectives qu'elle n'avait jamais envisagées, elle se sentait plus libre, soulagée d'un véritable poids. Ça faisait du bien. Elle avait l'impression que c'était la première fois depuis longtemps qu'elle était parfaitement elle-même, qu'elle ne mentait pas, qu'elle se présentait à quelqu'un en étant qui elle était, elle-même et c'est tout. Il était si épuisant de constamment lutter contre sa nature... Il n'y avait qu'avec Edward qu'elle abandonnait d'ordinaire ces apparences, et pour quelles conséquences... Avec Gwenn, elle avait trouvée une oreille attentive, et surtout une amie fidèle.

-Tu sais que je serais toujours là pour toi, moi aussi, pas vrai ?

C'est qu'elle ne voulait surtout pas que Gwenn puisse en douter à cet instant. Pour elle, toute cette confiance, cette affection, ce n'était certainement pas à sens unique. Jane était peut-être une ordure, mais au moins, elle était entière auprès de qui elle affectionnait vraiment. Jane n'avait pas besoin de ce qu'elle venait de lui dire pour le penser, mais elle voulait que ce soit bien claire, jamais une amie n'avait à ce point compté pour elle.

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A

vec toutes les emmerdes qu'elle portait avec elle et répercutait sur tous les autres, avec tout le mal qu'elle était capable de faire aux autres, Jane pensait que, si karma il devait y avoir, celui-ci devait lui rendre au centuple ce qu'elle faisait subir aux autres. Cette théorie s'avérait plutôt vraie en règle générale. Et cela justifiait que les personnes auxquelles elle tenait le plus, invariablement, finissaient par lui tourner le dos et ne plus jamais vouloir entendre parler d'elle... Mais là, pour une fois, le karma lui avait foutu la paix, et même après avoir entendu le plus sombre de ses secrets, Gwenn était toujours là, fidèle au poste, amie loyale, amie en or. Jane ne voyait vraiment pas ce qu'elle avait pu faire pour mériter qu'elle ne lui échappe pas, mais elle comptait bien en profiter pleinement. C'était certain, c'était décidé, à partir de maintenant, elle ne cacherait plus jamais rien à Gwenn, et serait parfaitement honnête. Même si venir la voir chaque fois qu'elle avait un problème risquerait fort de la faire fuir, pour le coup. Mais ça ferait tellement de bien de pouvoir se confier à quelqu'un, enfin ! Elle n'en pouvait plus, de garder tout cela pour elle. Il y avait bien les Caldwell, pour être au courant de la situation, c'est vrai, mais si c'était pour les entendre lui répéter toutes les deux minutes qu'elle devrait quitter Léo (ce qu'elle allait finalement être décidée à faire, même si elle ne s'en rendait pas compte pour le moment et n'envisageait pas du tout cette possibilité alors) et filer l'imparfait amour avec Edward, ce n'était vraiment, mais alors vraiment pas la peine.  Elle préférait, dans tous les cas, l'oreille attentive et l'amitié infaillible de Gwenn. Alors qu'elle s'emparait de la bouteille pour en boire une (très) grande gorgée, elle fut bien contente de ne pas avoir bu de suite, sans quoi elle aurait sans doute tout recraché d'un coup tout en laissant s'échapper le rire nerveux qui quitta alors ses lèvres quand elle parla de "ses..." Ouais, y'avait pas vraiment de mots, pour ça. Les hommes de sa vie ? Bordel que c'était niais.

-Ne prévois plus de faire quoi que ce soit pour le siècle à venir alors, parce que si je viens à chaque fois que j'ai un soucis, j'aurais plus vite fait de camper directement chez toi. Elle plaisantait, bien sûr. Enfin, presque, quand même, parce que si elle devait vraiment se lancer en long, en large et en travers sur le sujet, elle qui était normalement peu bavarde pourrait bien devenir intarissable. Enfin, elle but une bonne rasade d'alcool avant de reprendre la parole. Mais je te promets que je ne te cacherai plus rien, et que quand j'aurais besoin de parler, j'irai directement te voir plutôt que de ronger mon frein en espérant que ça passe.

C'était une promesse ce qu'il y a de plus sincère, même si elle ne manquait évidemment pas d'être alcoolisée. Elle avait la chance d'avoir l'amie et la confidente la plus exceptionnelle du monde, si elle restait dans son coin et ne se dévoilait pas, alors, clairement, elle serait la personne la plus stupide de notre terre. D'accord. Il lui arrivait de l'être. Mais pas là.

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J

ane regrettait vraiment d’avoir mis si longtemps avant de tout avouer à Gwenn, de lui apprendre en détails les événements qui tourmentaient son existence. Ça faisait tellement du bien de se confier, pourtant ! C’est sûr, ça ne résolvait rien, mais tout de même, sur l’instant, ça soulageait comme elle ne pensait pas que ça pouvait être possible. Ça y est, elle n’avait plus le moindre secret pour sa meilleure amie ! Et cette-dernière, en découvrant combien la jeune femme savait être horrible, pourtant, ne se détournait pas mais, bien au contraire, veillait sur elle et promettait de ne jamais l’abandonner. Non, c’est certain, elle ne lui cacherait plus jamais rie, elle n’en avait pas l’intention, elle ne l’avait jamais voulu, elle ne s’était seulement pas sentie le choix. Elle avait craint d’être jugée, elle avait eu peur d’être abandonnée par l’une des personnes qui comptaient le plus à ses yeux. À présent, les craintes s’étaient évaporées, et elle savourait ce don précieux qui lui avait été fait sans qu’elle l’ait vraiment mérité, le don d’une amitié sincère et entièrement désintéressé. Qu’espérer de plus ? Que vouloir de moins ? Sa vie était imparfaite, c’est certain, et elle ratait absolument tout ce qu’elle entreprenait, mais ça, elle l’avait parfaitement réussie. Elle avait une amie, une amie fidèle, prête à tout accepter pour elle, tout comme Jane accepterait toujours tout de Gwenn, parce qu’elle ne s’imaginait tout simplement pas une autre attitude, un autre comportement vis-à-vis d’elle.

Bien sûr, sa remarque concernant le fait de passer la majeure partie de son temps chez Gwenn s’il lui fallait se lamenter sur son sort chaque fois que cela était nécessaire avait été une plaisanterie, mais on pouvait sans mal la prendre au mot tout de même… Et elle entendait l’offre de Gwenn comme une offre réelle. Sa porte lui serait toujours ouverte. C’était un soulagement. Plus d’une fois, il lui faudrait sans doute échapper à cette vie étouffante, qui s’apprêtait à prendre un tournant qu’elle n’aurait guère pu deviner, c’est certain, et qui allait plus encore compliquer ses affaires. Jane regrettait de ne pas pouvoir lui rendre la pareille. Son foyer était également devenu celui de Léo, et s’il fallait qu’elles parlent à coeur ouvert comme maintenant, mieux valait, sans l’ombre d’un doute, qu’il ne soit pas dans les parages.

-Et si je te prends au mot et que je reste ici cette nuit, t’en penses quoi ? J’préfère pas rentrer dans cet état.

Dans cet état, c’est à dire plutôt bien alcoolisée, et encore bouleversée par la conversation qu’elle et sa meilleure amie venaient juste de tenir. Non, vraiment, elle se voyait mal rentrer chez elle, là, elle avait besoin d’une présence amie, et d’oublier ses emmerdes, même si les reléguer à un coin éloignée de son esprit ne les faisait pas disparaître. Ce n’était pas un mal, malgré tout, de faire un break parfois, non ? Et c’était bien dommage, d’ailleurs, elle aurait bien aimé… Quoiqu’il était des choses, si difficiles soient-elles, qu’elle n’avait aucune envie d’effacer, c’était même tout l’inverse.

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n sourire franc s'afficha sur le visage de Jane quand sa meilleure amie lui confirma qu'elle n'avait pas l'intention de la laisser partir dans cet état. Tant mieux, s'il avait vraiment fallu que la jeune femme rentre chez elle (pour peu qu'elle retrouve le chemin, ce qui n'était pas à parier, étant donné son degré d'alcoolémie), Léo aurait retrouvé devant sa porte une "épouse" sentant l'alcool à plein nez, et complètement perturbée, qui n'aurait sans doute pas manqué de faire rejaillir sur lui son état en faisant preuve de cette agressivité passive qu'elle adressait vraiment trop régulièrement au jeune homme, qui était pourtant avec elle un ange de gentillesse et de patience. Non, mieux valait qu'elle décuve tranquillement chez sa meilleure amie. Jane lui avait dit qu'elle allait passer la soirée chez elle, il ne s'offusquerait sans doute pas de ne pas la voir rentrer du tout. Il supposerait ce qui (pour une fois) était la plus stricte vérité : à savoir que Jane avait trop bu et avait préféré ne pas rentrer seule, par conséquent. Il était aussi bien placé qu'elle pour savoir qu'il n'était jamais bon, en notre terre, de se promener seul en pleine. Il ne lui en voudrait pas. Il ne lui en voulait jamais, de toute façon (parce qu'il n'avait pas en main tous les excellents prétextes qui lui suffiraient à la maudire sur un bon milliard de générations, bien sûr). Et elle, elle pourrait passer une soirée agréable et plus apaisée avec sa meilleure amie. Parler à Gwenn, lui apprendre toute la vérité, lui avait fait le plus grand bien, ceci dit, elle se sentait... l'esprit vide, ça faisait longtemps que ça ne lui était pas arrivé. Bon, l'alcool n'y était peut-être pas pour rien non plus, mais Jane appréciait autant l'ivresse liée à l'alcool que celle de ses confidences. Gwenn revint avec des couvertures bien chaudes, et de quoi boire plus encore.

-Merci !

Ni une ni deux, Jane s'emmitouffla dans une des couverture et bu à pleine gorgée le contenu de l'une des bouteilles. Elle se sentait bien, cette soirée, comme une pause dans son existence que l'on pouvait sans craindre de se tromper qualifier de moisie. Demain, il serait toujours temps de retrouver ses angoisses et ses craintes. Mais demain était un nouveau jour qu'elle devrait croire lointain, même s'il arriverait certainement trop vite, en vérité. Elle ne se sentit plus rien obligée de dire, elle appréciait tout simplement de se laisser porter par les effets de l'alcool, par cet espèce de sentiment d'apesanteur qu'elle ressentait tout à coup, et par la présence appaisante de sa meilleure amie. Une amie que, contrairement à tous les autres, elle n'avait pas perdu. Une amie prête à l'aider à affronter toutes les intempéries, tout comme Jane était prête à le faire pour Gwenn en retour, sans aucune restriction. Et plus jamais elle ne lui mentirait. Plus jamais.

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