La nouveauté trouve ses racines dans le passé. [pv Alice]

O

n ne pouvait pas dire que la conversation qu’Eponine avait eu avec ses parents avait été des plus sereines, loin s’en faut, elle avait même été des plus mouvementées. Il faut dire que leurs relations étaient tendues depuis un moment déjà. Mr et Mrs Hayes n’avaient jamais approuvé les lubies de leur fille (enfin « fille », c’était manifestement vite dit), et ils avaient voulu l’en dissuader jusqu’à l’inévitable rupture), c’est certain, et leurs conversations n’étaient jamais posées ou agréables, elle n’était pas venue leur parler depuis un moment quand elle avait enfin décidé de faire l’effort de les trouver. Et bien sûr, ce ne fut pas pour de grandes effusions larmoyantes ou des retrouvailles bouleversantes d’émotion. Elle rentra rapidement dans le vif du sujet, et l’embarras dans lequel elle retrouva ceux qu’elle avait cru être ses géniteurs ne tarda pas à l’éclairer sur la vérité de la situation, sur sa cruauté, aussi. Il ne fut pas simple de leur tirer les vers du nez, mais la persévérance était l’une des qualités maîtresses de la jeune humaine, qui ne manquait pas de virer au défaut pour peu que le sujet qu’elle cherche à tirer au clair soit trop indiscret (et c’était bien souvent le cas). Alors oui, elle eut le fin mot de l’affaire. Sa mère n’avait jamais pu avoir d’enfants, alors ils l’avaient adoptée, alors qu’elle était encore bien trop petite pour s’en souvenir. Pourquoi ne lui avoir rien dit ? Parce qu’ils n’en avaient pas eu la force au moment où cela aurait été possible, et le temps avait fini par si bien les éloigner les uns des autres que ces révélations auraient certainement brisé tout lien entre eux. La situation n’était pas rose entre la fille Hayes et ses parents d’adoption, mais au-delà de l’incompréhension, il restait un peu d’amour, un amour filial qui n’avait jamais su s’exprimer convenablement, peut-être parce qu’il leur manquait à eux ce qui ne posait pas forcément problème à d’autres : autrement dit, les liens du sang.

C’était entièrement troublée par la situation, mais au moins fixée à ce sujet, que la jeune femme avait frappé à la porte des Steele, à l’heure où le rendez-vous avait été fixé avec ce qui était manifestement sa véritable famille. Éponine n’était pas vraiment à l’aise. Elle ignorait de quelle manière il conviendrait qu’elle agisse et réagisse vis à vis de ceux qui l’avaient certes mis au monde, mais n’avaient jamais pris soin de l’élever, alors même qu’ils avaient su accorder toute l’attention nécessaire (en tous cas c’était ce qu’elle se disait) à sa sœur. Elle ne leur sauterait pas dans les bras, c’est certain, mais au moins aurait-elle l’occasion de mettre les choses à plat, et de leur poser ces multitudes de questions qui lui sautaient à l’esprit. Elle n’avait pas besoin de ça pour être excessivement curieuse, c’est vrai, mais là, le prétexte était total, et elle ne pouvait pas faire l’impasse. Anxieuse, troublée, tendue, mais en même temps… un peu impatiente et fascinée, elle attendit tout simplement qu’on lui ouvre, se demandant de quelle manière elle serait accueillie.

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A

lice faisait les quatre cent pas dans la maison, elle commençait à donner le tournis à sa mère.
-ne stress pas ça va aller! sa mère était toujours optimiste.
Alice ne stressait pas pour la rencontre avec ses parents, elle savait que ça irait, elle avait peur de la réponse, est-ce qu'Eponine était bel et bien sa grande-soeur. Elle avait dû se renseigner pendant la soirée avec ses parents, qui c'est elle n'a peut-être pas été adoptée et là tous les espoirs s'envoleront. Alice était assise dans le rocking chair devant la fenêtre dans la chambre de son père, elle voulait passer le plus de temps possibles avec son père car, il était de plus en plus fatigué. Pour aujourd'hui, il avait fait l'effort sur-humain de s'habiller, car d'habitude il reste en pyjamas, car se vêtir était une vraie difficulté.

-Comment te sens-tu papa? Alice s'inquiéta pour son père
-ne tant fait pas ma fille, ton vieux père n'est pas encore près à partir! Alice fit une grimace, elle détestait quand son père faisait ce genre d'humour.
Elle n'a pas eu le temps de répondre quand on frappa à la porte. La jeune adolescente dévala les escaliers mais, sa mère a été plus rapide.

-Bonjour, tu dois être Eponine? moi je m'appele Amy! Viens entre!
Alice se deplaça vers Eponine pour la saluer elle aussi.
-Je suis contente que tu sois venu! Alice était sincère, elle voulait absolument le savoir, pour pouvoir rattraper le temps perdu, si elle le veut bien.
Alice entendit un bruit qu'elle entendait très rarement, elle se tourna vers sa mère, elle avait les yeux completement boursouflé, elle était en train de pleurer, est ce qu'elle l'avait reconnu!
-Maman ?[/color] Sa mère voulant faire disparaitre ses pleures parti dans la cuisine, chercher ses petits biscuits elle avait passé toute sa matinée à cuisiner.

L

a femme qui venait de lui ouvrir la porte était sans doute sa mère. En fait, il était certain que c'était sa mère. Elle avait l'âge adéquat, et il ne devait y avoir aucune autre femme de cet âge dans la demeure des Steele. Sa mère... Éponine sentit son cœur s'emballer étrangement à cette pensée. Elle était sans cesse guidée par la logique. Elle était une scientifique dans l'âme. Pour elle, tout avait forcément un sens, une explication, elle ne supportait pas que son univers repose sur quelque chose qui ne soit pas complètement acquis. Ce n'était pas pour rien qu'elle voulait en savoir tant sur les créatures, c'est parce qu'elle ne supportait pas la notion de mystère, même si elle faisait partie de la vie. Et pourtant, maintenant, il fallait qu'elle se fasse à l'idée que ce qu'elle avait tenu pour acquis tout au long de sa vie, ces bases qu'elle avait crues solides et inébranlables, étaient capables comme de rien de s'effondre, tel un château de carte. Mrs Hayes n'était pas sa mère, et cette femme, qu'elle rencontrait pourtant pour la toute première fois, était sa génitrice.

-Je ne serai pas venue s'il y avait eu un doute. se permit-elle de reconnaître, le cœur légèrement serré à la vue de ce spectacle, cette famille dans laquelle elle faisait irruption comme un boulet de canon, un intrus envahissant.

Non, en effet, si elle n'avait pas eu de certitude quant au fait qu'elle était bel et bien la sœur d'Alice, Éponine ne serait pas venue trouver les Steele chez eux, par respect pour cette famille, et par égard pour ses propres parents (qui donc l'étaient d'adoption), mais aucun doute ne pouvait encore planer sur la situation. Tous, dans cette pièce, appartenait à une seule et même famille. Disharmonieuse, certes, mais malgré tout. Il fallait bien qu'elle l'accepte. Alors qu'elle prononçait ces mots, Éponine vit la mère, sa mère, s'éclipser dans un coin, visiblement assailli par l'émotion. Éponine pouvait le comprendre, elle qui était si froide et distante d'ordinaire avait bien du mal à contenir ce que cette situation lui faisait éprouver d'inédit, elle aussi.

-Peut-être que c'était une mauvaise idée... se permit-elle de suggérer d'un ton assez hésitant.

Peut-être qu'il était trop tôt... Ou plutôt, qu'il était trop tard. Que ces retrouvailles familiales ne devaient pas avoir lieu, que c'était une erreur. Elle ne savait pas trop quel rôle elle devait tenir, quelle place elle était tenue d'avoir. Elle avait mille questions pour lui traverser l'esprit, et elle n'osait pas les poser. Pourtant, c'était en partie pour cela qu'elle se trouver ici. Un besoin quasiment vitale de réponses. De trouver la clé des épais mystères qui l'environnaient jusque dans sa vie directement.

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É

ponine se sentit un peu prise de court lorsque la mère... sa mère... la prit dans ses bras. Elle ne sut trop quoi faire de cette étreinte et, très maladroitement, se contenta de laisser ses bras ballants traîner de part et d'autre de son corps, complètement décontenancée. Éponine était visiblement l'inverse de sa mère. Pour sa part, elle n'était pas tactile du tout, et la notion de contact physique lui était difficile. Elle tentait d'analyser les sentiments qui lui traversaient l'esprit en cette seconde, mais c'était trop difficile, trop embrouillé, la situation était trop étrange. Un enfant s'étant toujours su abandonné de ses parents et les cherchant désespérément y aurait sans doute goûté à leur juste valeur, mais jusqu'à la veille, Éponine avait été convaincue d'avoir une famille, et même de la connaître sur le bout des doigts... Elle hocha doucement la tête au propos de Mrs Steele. Oh que oui, elle sentait des milliers de questions fourmiller dans son esprit. Elle était plutôt satisfaite que son interlocutrice paraisse ainsi prête à y répondre. Elle ne répondit rien verbalement pour autant, elle se contenta de se laisser entraîner dans la chambre où se trouvait le père... son père. Alice lui avait dit qu'il était malade, même, qu'il était en phase terminale. En effet, il ne semblait pas au mieux de sa forme. Éponine s'assit dans la chambre, toujours relativement mal à l'aise, avec encore ce sentiment de s'immiscer où elle ne devrait pas avoir le droit d'être, alors que c'était sa place légitime. Elle hocha à nouveau la tête quand le père...son père... lui demanda si il pouvait la tutoyer. Décidément, ils allaient penser qu'elle n'était vraiment pas très loquace, leur fille. La mère... sa mère... reprit la parole alors. Était-elle fâchée de cet abandon, en colère ? Elle n'en savait rien, elle se prenait ça sur le coin de la figure d'une façon telle qu'elle se sentait plus désarçonnée que véritablement émue ou énervée. Ces émotions se feraient certainement jour quand elle aurait eu le temps d'assimiler pour de bon les faits.

-Alors pourquoi l'avoir fait ? demanda-t-elle alors, déliant enfin sa langue après ces quelques minutes de silence.

C'était à contrecœur, disait-il, et elle voulait bien le croire, car l'émotion qu'ils manifestaient était tangible, et Éponine voulait croire en leur sincérité. Mais qu'est-ce qui pouvait bien justifier que ces deux parents l'aient abandonné s'ils n'en avaient pas l'envie, alors que, manifestement, ils n'avaient eu aucun problème à garder Alice plus tard. Avait-il pensé comme ses parents adoptifs ? Qu'elle était anormale ? C'était cette question là qui s'imposait à son esprit bien plus que toutes les autres, quand bien même il y en avait beaucoup, et elle espérait bien qu'on allait lui apporter les réponses qu'elle attendait, de quoi alléger son âme, peut-être. De quoi comprendre, tout du moins. Enfin...

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É

ponine écouta sans rien dire les explications de Mrs Steele... de sa mère, en somme. C'était étrange que de l'entendre parler de cet enfant abandonné, et des circonstances de cet abandon. Elle avait beau pertinemment savoir qu'elle était l'enfant concerné par cet abandon, elle avait beau avoir conscience qu'elle était cette petite fille qui, à défauts de moyens pour l'élever dignement, avait été conduite à l'orphelinat, une part d'elle faisait comme un blocage, et ne pouvait s'empêcher d'entendre ce récit comme s'il fallait l'attribuer à quelqu'un d'autre, comme si elle n'en était pas le sujet majeur. Il lui faudrait du temps, beaucoup de temps, même, pour assimiler tout cela, pour l'intégrer entièrement, pour ne pas laisser son passé faire obstacle à l'évidente vérité. Pour le moment, elle faisait comme elle le faisait toujours, comme elle le ferait pour quelqu'un qui ne serait pas elle, elle récoltait le plus d'informations possibles, pragmatique, essayer de comprendre, de tout comprendre... Et c'était si compliqué. La situation, au fond, n'était pas si complexe et même compréhensible. Sauf que ça la concernait, elle, et forcément, ça changeait tout, absolument tout.  Oui, elle pouvait comprendre. Ils n'avaient pas les moyens, elle commençait à tomber malade, ils avaient seulement voulu s'assurer qu'elle aurait la meilleure vie possible, ils avaient privilégié leur bonheur avant le leur... elle ne pouvait pas leur en vouloir pour cela. Et pourtant.

-Je ne sais pas... Oui, elle ne savait vraiment pas si elle saurait ne pas en vouloir à ses géniteurs, parce qu'une part d'elle avait bien du mal à supporter l'idée d'avoir vécu si longuement dans le plus parfait mensonge. Tout ce qu'elle avait cru, tout ce sur quoi sa vie s'était fondée jusqu'alors, était un tissu de mensonge. C'était difficile à assumer. Non, elle ne savait vraiment pas. Il allait falloir qu'elle se mette les idées en place, avant cela. Et ce pourrait bien mettre un certain temps, pour tout dire. Pourquoi vous n'êtes jamais revenus vers moi ensuite ?

Son regard se tourna évidemment vers Alice. Elle avait quoi ? Seize ans ? Elles n'avaient que trois ans d'écart, toutes les deux. Alors oui, la situation des Steele avait pu changer, entretemps, suffisamment pour qu'ils puissent concevoir de garder leur seconde fille, mais pourquoi n'étaient-ils jamais allés la retrouver elle ? Non pas qu'ils auraient pu la soustraire à ses parents adoptifs, mais au moins le mensonge aurait-il été levé plutôt, elle n'aurait pas l'impression d'avoir ainsi passé sa vie dans le brouillard. Et puis, tout simplement, n'avaient-ils pas eu l'envie de revoir leur fille aînée, juste cela ?

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L

a peur du rejet, Éponine pouvait le comprendre, et d'ailleurs, elle l'avait un peu connu. Le connaissait même régulièrement, car si la jeune femme était loin d'être très entourée, choisissait ses amis avec parcimonie et possédait un tempérament asocial, avec les personnes qui comptait vraiment pour elle, elle craignait toujours que son sale caractère ne leur rappelle qu'elle ne méritait pas leur attention et leur affection. Peut-être parce que ses parents non biologiques n'avaient pas manqué de la rejeter et de la considérer comme une véritable hérésie dès lors qu'elle avait fait montre de sa fascination envers ces créatures auxquelles elle voulait tant ressembler, quitte à se mettre en danger. Elle avait été rejetée par ceux qui, elle s'en rendait compte maintenant, l'avaient pourtant sciemment recueillie au sein de leur foyer alors que rien ne les y obligeait... Et elle se sentait un rien rejetée par ces parents biologiques qui n'avaient pas pu l'assumer mais avaient laissé toutes leurs chances à une autre enfant. Elle savait bien qu'elle ne devait pas le leur reprocher, elle comprenait bien que leurs excuses et leur désarroi étaient sincères. Mais elle se sentait perdue, complètement désorientée.

Elle prenait sur elle pour ne pas fondre en larme ou éclater de colère, et à la place demeurait relativement impassible, ou en donnait l'air, en tous cas. Ces années à contenir au mieux ses émotions portaient leurs fruits. Elle comptait qu'il en soit ainsi tant qu'elle n'aurait pas décidé de la meilleure solution à adopter. Et elle était loin d'être encore décidée. Elle se trouvait désemparée et dans le flou total, et en même temps, elle éprouvait de la compassion et de la sympathie pour cette famille, à laquelle il semblerait qu'elle appartienne. En tous cas, il est certain qu'elle devait ces retrouvailles à Alice, sa sœur tombée du ciel. Celle à qui elle ne pouvait pas en vouloir dans tous les cas, puisqu'elle n'était pas responsable de cet abandon et avait tout de suite voulu la retrouvé. Éponine se retrouvait bien dans la description d'Alice. Ce côté borné, qui ne lâche rien avant d'avoir obtenu ce qu'elle voulait. Pas de doute, le même sang coulait dans leurs veines.

-Et comment ça va se passer, maintenant ? Comment vous voyez les choses... ensuite ?

Ils ne pouvaient pas se contenter de jouer à la petite famille unie comme si de rien n'était, c'est une certitude. Et en même temps, ils ne pouvaient pas non plus reprendre le cours de leur vie comme avant. Il fallait sans doute trouver une option transitoire, qui se satisfasse d'un peu des deux situations. Mais trouver son équilibre quand on l'a ignoré si longtemps, ce n'était clairement pas une mince affaire.

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Ç

a oui, Eponine en avait, des choses à encaisser, et plus d'une. La jeune femme se sentait vraiment perdue. Elle aimait les situations claires, carrées, faciles à analyser, mais là, dans son esprit, c'était le chaos total, les pensées se bousculaient dans tous les sens, et il faudrait certainement du temps avant qu'elle ne parvienne à les ordonner et de savoir quoi en faire. Elle appréciait, de ce fait, l'attitude de l'homme et de la femme qu'elle découvrait être ses parents, qui exhortait leur fille à la patience et affirmaient lui laisser tout le temps dont elle avait besoin. Oui, c'était exactement ce qui lui fallait, en effet : du temps. Du temps pour assimiler l'information, du temps pour accepter la situation, du temps pour faire le tri dans ses pensées, du temps pour prendre une décision claire et précise. Mais ce n'était manifestement pas une prise de position du goût d'Alice, si Eponine devait en juger par sa réaction plutôt vive, et la jeune femme ne pouvait pas franchement le lui reprocher, au fond. Il était évident qu'elles étaient sœurs, ça sautait aux yeux, au final. Si la situation avait été inversée, Ponine, armée de sa curiosité naturelle, aurait sûrement été incapable d'attendre sagement que sa sœur tout juste retrouvée prenne le temps de se sentir au clair avec elle-même. C'était normal, et Ponine pouvait accepter de faire quelques concessions, se mettant à sa place. Il ne fallait pas lui demander la lune malgré tout, ceci dit, car Éponine Hayes n'avait jamais été quelqu'un de très sociable de manière générale, alors les grandes discussions, quel que puisse en être le sujet, ce n'était pas vraiment sa tasse de thé. La jeune femme tourna donc son regard en direction d'Alice et lui adressa un pâle sourire, le mieux qu'elle sache lui accorder.

-Qu'est-ce que tu veux savoir ? lui demanda-t-elle alors, lui donnant ainsi l'opportunité d'en apprendre plus sur elle.

Bon, il ne faudrait pas trop lui en demander pour autant, ça va sans dire, Eponine était encore sacrément remuée par tout ce qu'elle venait de subir ou du moins de découvrir. Elle n'était pas prête encore à encaisser un interrogatoire trop complet, mais elle pouvait bien accorder quelques réponses aux questionnements de sa sœur, d'autant que c'était une façon comme une autre de lui signifier qu'elle comptait bien trouver sa place dans sa vie. En effet, si Eponine ne savait pas si elle parviendrait à pardonner entièrement ses parents biologiques, elle se sentait prête, par contre, à laisser Alice prendre une place dans sa vie.

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ponine comprenait sans mal la curiosité de son interlocutrice, au vu des circonstances, c'était parfaitement normal, et Eponine étant elle-même plus que curieuse de nature ne pouvait que songer au fait que cette caractéristique devait leur être commune, quelque chose de génétique, peut-être (car il est certain que ce n'était pas la curiosité qui étouffait ses parents adoptifs, par contre). Cette curiosité prenait la forme de questions multiples, qui s'écoulaient des lèvres d'Alice à une telle vitesse que la jeune femme n'avait pas le temps de formuler la moindre réponse. C'était assez inconfortable que d'être à ce point le centre de l'attention, la jeune femme devait bien le reconnaître, mais en la circonstance, elle acceptait. Ces questionnements étaient après tout ce qu'il y a de plus naturels, et Ponine aussi sentait bien qu'elle avait mille questions à poser à ceux qu'elle découvrait comme étant sa famille biologique. Elle afficha un léger sourire à l'adresse de sa mère (ce que ça pouvait être étrange de qualifier ainsi cette femme qu'elle n'avait jamais vue avant), qui pourrait vouloir dire "ce n'est rien" avant de tourner son regard vers celle qui se révélait être ni plus ni moins que sa sœur.

-C'est normal, ajouta-t-elle simplement pour accompagner son sourire, s'adressant là à Mme Steele avant de vraiment se focaliser sur Alice, pour laquelle elle ne savait que se prendre de sympathie. Je suis fille unique, répondit-elle alors. Enfin, je pensais l'être, en tout cas... Pourtant, elle n'avait jamais eu grand-chose d'unique aux yeux de ses parents, du moins pas dans le bon sens du terme. Elle comprenait mieux pourquoi à présent. Avec mes parents, c'est compliqué, en fait... ils ne m'ont jamais vraiment comprise, je crois... Et le fait que, sans s'en rendre compte, elle ne soit pas au clair avec sa propre identité n'y avait sans doute pas été pour rien. Qu'elle cherche à ce point à se réfugier dans ces univers ésotériques dont ses "parents" ne voulaient pas entendre parler prenait soudain un sens nouveau, qu'elle ne comprenait pas à l'époque. J'ai quitté la maison assez rapidement, on se voit très peu. Puis elle ajouta enfin, dans un sourire de connivence. Et oui, j'ai un petit ami. Ce sur quoi elle ajouta, dans l'espoir de ne plus accaparer toute l'attention. Et toi alors ? Est-ce que je dois m'attendre à voir d'autres frères et sœurs débarquer de nulle part ?

Elle tentait d'en rire, mais ce n'était pas si simple. La situation continuait de la décontenancer sérieusement.

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ponine n'était pas quelqu'un de très sociable. Elle ne l'avait jamais été. Avec qui que ce soit. Aussi était-ce assez difficile pour elle de dialoguer comme elle le faisait en ce moment, tout en devant constater qu'elle était au centre de toutes les attentions. Ceci dit, plus elle s'exprimait, plus elle en éprouvait de la facilité, en grande partie parce qu'elle devinait qu'Alice, même si elle était bien plus exubérante qu'elle (pour le peu que la jeune femme pouvait en juger, tout du moins, ce qui ne voulait pas forcément dire grand-chose), avait quelques traits communs avec son aîné. Elle était convaincue du fait que, sur le long terme, et si on lui laissait un certain temps d'adaptation (car ça c'est sûr, elle en aurait tout de même besoin), elle serait capable de réellement se lier d'amitié avec elle, de construire même ce lien fraternel qu'elle ne s'était pas imaginée construire avec qui que ce soit. Elle parvint même à esquisser un sourire quand Alice réprima un fou rire en l'entendant lui demander si elle avait d'autres frères et sœurs cachés (même si au fond, la perspective serait bien loin de la réjouir si la réalité devait rejoindre la fiction. Ce ne fut pas sa sœur qui répondit finalement, mais sa mère (c'était vraiment étrange). Et manifestement, elle avait touché un sujet difficile sans s'en être rendue compte.

Elle comprit pourquoi quand Mme Steele reprit la parole. Elle était tombée malade après la naissance d'Alice. Elle ne pouvait plus avoir d'enfants. Eponine devrait sans doute se sentir désolée de l'apprendre, mais pour tout dire, ce n'était pas le cas. C'était sans doute cruel à affirmer, mais elle n'y pouvait rien, elle ne contrôlait pas ses pensées, et ses pensées n'étaient pas douces, à ce moment précis. Elle n'aurait pas aimé apprendre que cette famille avait finalement eu une flopée d'enfants et qu'elle avait été la seule à avoir été rejetée. C'était déjà suffisamment difficile d'encaisser le fait qu'une autre personne ait eu le droit à la vie de famille qu'elle n'aura jamais eue (car avec ses parents adoptifs, même s'ils l'aimaient sans doute, rien ne s'était jamais réellement passé au mieux). Ce n'était pourtant pas Alice qu'elle en voulait, c'était bien à ses géniteurs, même si elle s'efforçait de les comprendre et de se laisser apprivoiser par eux. Si bien que oui, elle peinait à compatir aux malheurs de sa mère, même si c'était atroce.

-J'aurais aimé que ce soit vous qui cherchiez à me trouver, admit-elle alors, sans faire vraiment mine de compatir, consciente que ce n'était pas la chose à faire que d'afficher son amertume mais incapable de la réprimer. Puisque vous teniez tant à avoir d'autres enfants, j'aurais trouvé ça normal...

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