Je te l'avais bien dit. (Coraline)

U

ne errance constante. C'était un peu ce à quoi ressemblait sa vie (ou du moins sa mort, plutôt). Une errance qui avait de longues années durant été insupportable, et qui était devenue plus belle, plus agréable, depuis qu'elle avait retrouvé Scott. A présent, ses journées (ou plutôt ses nuits, quand elle n'avait rien à craindre des rayons du soleil) se partageaient ainsi. Entre simple errance, quête d'une proie de laquelle se nourrir, missions pour le sorciers de grottes (avec un peu de chance, cet aspect-là ne durerait pas, encore que se mettre au service de Julian ne lui serait pas forcément plus bénéfique que d'être au service de Dean Appers)... et rendez-vous avec Scott. A l'heure actuelle, elle était partagée entre errance et chasse éventuelle. Sans forcément chercher impérativement une proie dans laquelle planter ses crocs, elle n'était pas réfractaire à l'idée, avant tout parce qu'elle était bien placée pour savoir qu'il valait mieux se nourrir avant que d'avoir faim, quand on était un vampire, si l'on voulait empêcher au pire de se produire. Mais ses plans allaient clairement être bouleversés, et à une vitesse folle. Alors qu'elle marchait dans la forêt, elle vit une silhouette évoluer à toute vitesse à travers les arbres... une silhouette familière... mais son odeur, elle, n'avait rien de familière. Coraline sentit une vague d'angoisse l'envahir tandis qu'elle en tirait des conclusions l'espérait-elle trop hâtives. Non... ça ne pouvait pas...

Il fallait qu'elle en ait le coeur net. La jeune femme se précipita à la poursuite de cette silhouette, qui se précisait un peu plus à mesure qu'elle la rejoignait... malheureusement. C'était lui, elle en était sûre, maintenant. C'était lui... mais en même temps, ce n'était plus tout à fait lui. La buveuse de sang fit les derniers pas qui la séparaient de son petit ami au pas de course.

-Scott ! l'interpella-t-elle pour le retenir. Encore quelques pas, et elle parvint à agripper son poignet pour l'obliger à s'arrête et à tourner son regard dans sa direction.

Son poignet était glacial... Si elle avait eu besoin de la confirmation de ce qu'elle pressentait déjà... Scott n'avait plus rien d'humain... Elle sentait sur ses lèvres l'odeur métallique d'un sang qui aurait pu être le sien, mais sensiblement différente. Elle le savait, elle le sentait, le comprenait. Scott était devenu un vampire.

-Qu'est-ce que tu as fait... ? demanda-t-elle d'une voix tremblante, à la fois horrifiée et inquiète.

Peut-être qu'il avait été victime d'une mauvaise rencontre, mais elle n'y croyait pas. Scott lui avait trop souvent fait comprendre qu'il voulait embrasser sa nature pour pouvoir rester auprès d'elle... Mais il n'aurait jamais dû faire, ça... surtout pas... D'autant qu'elle ressentait qu'elle n'avait découvert que la part émergée de l'iceberg.

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cott n'avait pas besoin de lui apprendre qu'il était un vampire, Coraline le voyait, le sentait, et même si ses pouvoirs ne lui avait pas donné les indices nécessaires, elle n'aurait eu aucun doute en regard de la lueur paniquée qu'il lisait dans ses yeux... cette lueur qu'elle avait lu dans d'autres regards, et qui avait brillé dans le sien aussi, juste avant sa transformation. Cette nouvelle lui faisait du mal, l'inquiétait beaucoup... mais pas seulement pour ce qu'elle découvrait,mais pour ce qu'elle appréhendait de découvrir... et qu'il ne tarda pas à lui apprendre, par ailleurs. Il pensait avoir tué son père. Coraline sentit un immense frisson la traverser à cette pensée. C'était ça, l'odeur familière qu'elle avait sentie chez Scott sans l'identifier totalement à l'homme qu'elle aimait... Il n'avait pas besoin de lui donner plus de détails, le fil des événements était malheureusement bien trop simple à retracer. Scott avait été transformé, de son plein gré sans doute, et il avait été saisi de cette soif terrible que connaissent tous les vampires à leurs débuts : une soif folle, terrible, absolument inextinguible... qui vous rendait capables des pires horreurs. Qui justifiait notamment le meurtre de ses parents par Joachin... et le meurtre de M. Barnes... par son propre fils. Coraline était totalement dépassée par ce qu'elle découvrait, partagée entre des émotions contradictoires. Elle était horrifiée, elle souffrait pour Scott... et quelque part, elle était en colère, aussi. En colère parce qu'il ne l'avait pas écoutée. En colère parce que cette situation ne lui laissait aucun droit de lui en vouloir sous peine de culpabiliser Scott qui n'avait pas le moindre besoin de subir une chose pareille.

-Où est-ce qu'il et ? demanda-t-elle alors quand elle osa reprendre la parole. Il serait temps de discuter de la nouvelle condition de Scott plus tard... Mais là... Là, il y avait plus urgent à gérer.

Coraline ne se faisait pas d'illusions, et elle n'avait pas réellement d'espoirs à ce sujet... si Scott s'était attaquée à son père, il n'y avait aucune chance que ce dernier s'en soit sorti. Les vampires expérimentés (comme elle avait fini par l'être, à son corps défendant) étaient capables de limiter la casse ou au moins de se contrôler, mais on ne pouvait rien contre les pulsions d'un jeune vampire. M. Barnes ne devait pas avoir eu la moindre chance de s'en sortir. Malgré tout, il était sans doute important qu'elle se rende sur les lieux du "crime", ne serait-ce que parce que les retombées pourraient être terribles pour Scott si quelqu'un découvrait ce qui s'était passé. Il fallait vraiment qu'ils fassent quelque chose, qu'elle fasse quelque chose. Essayer de gérer cette situation avant qu'elle ne les dépasse. Si vraimnt c'était possible.

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cott était affreusement troublé, Coraline le sentait, et elle était complètement démunie face à la détresse de l'homme qu'elle aimait. Elle avait envie d'affirmer qu'il était responsable de son malheur, mais elle était loin de le penser totalement. Dans ce cas, elle était tout aussi responsable que lui, puisqu'il l'avait fait pour elle. Rejeter sans cesse la faute sur quelqu'un ne changerait rien. Pour le moment, la situation exigeait de garder la tête froide, au maximum du moins. Il avait une vie humaine en jeu. Avec un peu de chance, le père de Scott survivrait à l'attaque de son fils... et ils pourraient au moins pallier à ce terrible "accident". Elle ne pouvait que cherche à en avoir le coeur net. Que Scott ait pris la fuite était normal. Quand on était jeune vampire, c'était juste... insupportable, la soif était à peine concevable, et il était impossible de ne pas se sentir à ce point désorienté. Il n'avait pas fait les bons choix ni pris les bonnes décisions, mais ils pouvaient peut-être réparer les choses à présent. En tout cas, il était encore temps d'essayer, et donc, c'était ce qu'elle allait faire... elle allait essayer. Elle faisait de son mieux pour garder son sang froid, pour que sa voix ne tremble pas trop. Ce n'était pas le moins du monde évident pour elle, vraiment pas. Mais elle devait être forte pour deux... parce que clairement, Scott n'était pas en état de l'être de son côté. A son grand regret.

-Reste ici, je vais aller voir, dit-elle alors d'un ton qui ne tolérait pas la moindre réplique.

Elle n'était vraiment pas à l'aise avec le fait de le laisser seul ici, alors qu'il était clairement bouleversé, encore en train d'épouser ses pouvoirs, bref, sans doute incapable de faire autrement, tout simplement. Mais elle ne pouvait pas prendre le risque de l'amener avec elle. Dans le village, et même s'il faisait nuit noire, la tentation serait trop grande pour un jeune vampire comme lui, c'était aussi simple que ça... et va savoir comment il réagirait en voyant son père, qui devait baigner dans son propre sang à l'heure actuelle. Qu'il soit vivant ou non, c'était tout simplement trop dangereux.

-Je reviens très vite, d'accord ? lui promit-elle en le regardant dans le blanc des yeux. Surtout, ne bouge pas d'ici.

C'était impératif. Elle n'irait nulle part s'il ne pouvait pas lui faire cette promesse. Elle regrettait véritablement de ne pas avoir la possibilité de se dédoubler. Elle en aurait grand besoin à l'heure actuelle. Mais elle s'en passerait, elle ferait de son mieux, un point c'est tout. Elle n'avait pas le choix, de toute manière, chaque seconde qui passait réduisait les chances de retrouver Mr Barnes en vie...

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uand Scott affirmait qu'il allait effectivement l'attendre, il semblait y croire et être sûr de lui... Coraline, elle, ne réussissait pas à être totalement convaincue, et pour cause, elle était déjà passée par là, elle savait très bien tout ce que cela pouvait bien signifier, elle savait combien les tentations étaient grandes et pour ainsi dire irrésistibles quand on était encore un jeune vampire qui avait tout à découvrir de ses capacités, quand on était dépassé par toutes ses sensations, c'était difficile de juste... rester là. Mais Coraline n'avait pas le choix. Si Scott l'accompagnait, le risque était trop grand pour son père, qui, avec un peu de chance, était encore en vie. Avec un peu de chance, même s'il s'égarait un peu, il ne trouverait que des animaux dans lesquels planter ses crocs avec l'espoir de s'abreuver d'un peu de sang. Dans tous les cas, elle n'avait pas le choix, le temps était compté. Alors, après une légère hésitation, elle décida de se mettre bel et bien en route, mémorisant précisément l'endroit où son petit ami l'attendait. Elle courut, aussi loin que ses jambes pouvaient la porter, pour rejoindre la maison de Scott. Sur place... elle vit que les autorités avaient encerclé la maison. Elle dut faire preuve d'une immense discrétion et eut le temps de voir le corps de Mr Barnes, emporté sur une civière... Les cris de l'homme avaient peut-être alerté des voisins. Coraline espérait en tout cas que personne n'avait vu Scott quitter sa demeure dans l'état où il se trouvait.

Les larmes aux yeux, elle fit le chemin inverse. C'était la deuxième fois qu'elle devait annoncer à Scott que l'un de ses parents était mort... et cette fois, c'était pire encore, car c'était Scott lui-même qui l'avait tué. Et Coraline le savait, c'était entièrement de sa faute. Si il ne l'avait pas retrouvée, s'il n'avait pas voulu à tout prix partager son éternité avec elle, ils n'en seraient pas là. Les sentiments qui se bousculaient dans son esprit étaient terribles et éprouvants. La peur, le désarroi, la colère, l'empathie, elle ne savait plus où donner de la tête, et pourtant, elle savait qu'il fallait qu'elle réussisse à garder la tête froide. Parce que Scott avait besoin de son soutien, parce qu'il fallait impérativement qu'elle l'aide à dépasser cette épreuve, comme Joachin l'avait fait pour elle, à l'époque. Sans un guide pour nous aider à apprivoiser nos nouvelles sensations, elle ne savait pas si c'était possible.

Mais quand elle arriva sur place, à l'endroit exact où elle avait laissé son petit ami, il n'était plus là. L'angoisse de Coraline monta encore d'un cran supplémentaire. Elle jeta son regard tout autour d'elle, chercha à le repérer à l'odeur.

-Scott ? cria-t-elle en reprenant sa course, morte d'inquiétude. T'es où ??

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oraline faisait de son mieux pour garder la tête froide, l'esprit clair, et ne pas paniquer. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'était pas une mince affaire, loin de là. Elle savait qu'il fallait qu'elle reste solide, parce qu'un des deux devaient l'être, mais entre ce qu'elle venait de voir au village et la panique de ne pas retrouver Scott où il avait promis de l'attendre, c'était beaucoup, pour elle. Beaucoup trop, même. Où avait-il bien pu disparaître ? Elle n'en avait qu'une trop bonne idée. Elle ne savait que trop combien était insassiable l'appétit d'un vampire, surtout à ses débuts. Le jeune homme avait peut-être trouvé une proie potentielle... Alors qu'elle progressait dans la forêt à sa recherche, elle sentit l'odeur de son petit ami, mais pas seulement, elle sentit également une odeur plus diffuse et plus... alléchante, disons. Celle d'une humaine. Si son coeur avait pu battre, il aurait manqué un battement. Elle n'avait qu'une trop bonne idée de ce qui allait arriver. Sauf que non, elle avait sous-estimé la force de Scott, ou bien l'influence qu'elle pouvait avoir sur lui, car finalement, Scott répondit à ses appels. Ni une ni deux, guidée par son odeur et par sa voix, Coraline se précipita dans sa direction aussi vite qu'elle le pouvait. Elle avait rarement couru aussi vite de sa vie, et sa rapidité de vampire aidant, elle parvint à rejoindre le jeune homme, qu'elle retrouva plus égaré encore qu'au moment de l'avoir quitté. Le voir dans un tel état lui faisait un mal incroyable... Elle était aussi égarée que lui en cet instant, mais c'était forcément lui qui souffrait le plus.

-Je t'avais dit de m'attendre, souffla-t-elle une fois parvenue à son niveau, tout en sachant bien qu'il ne servait à rien de le dire, parce qu'ils le savaient tous les deux. Scott n'avait pas pu s'en empêcher, c'est tout. Dans les prochains temps, Coraline ne devrait pas lâcher Scott dune semelle, lui servir de mentor comme Joachin l'avait fait pour elle à l'époque, il n'y avait que comme ça qu'elle arriverait à lui faire accepter sa nouvelle condition, en dépit de ce qu'elle impliquait... des conséquences qu'elle avait déjà eues. Scott... Ton père... Elle n'avait même pas la force de poursuivre, de prononcer les mots si violemment, de lui apprendre qu'il était mort, tout simplement, c'était si cruel... Elle lui avait annoncé la mort de sa mère, et maintenant, c'était le tour de son père. Je suis arrivée trop tard... je suis désolée...

Mais en même temps, même au moment de partir, il devait déjà être trop tard. Il n'y avait déjà plus rien à faire. Rien du tout.

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oraline avait le sentiment de ne jamais apporter quoi que ce soit de bon dans la vie de l'homme qu'elle aimait. Elle avait déjà eu cette douloureuse impression à la mort de la mère de Scott, mais là, c'était encore pire, car rien de tout ça ne serait arrivé si elle n'était pas revenue dans sa vie. Et, une fois de plus, c'était elle qui jouait les oiseaux de mauvais augure. Elle avait vraiment le sentiment de ne rien lui apporter de bon dans la vie... seulement, maintenant, leurs destins étaient liés pour de bon, et un jour ou l'autre, elle ne serait pas étonné qu'il le lui reproche. Elle n'imaginait même pas combien il devait être horrible de prendre conscience du fait qu'on avait assassiné son propre père, et elle ne savait pas quoi lui dire tant elle se sentait mal, désespérée pour lui. Si quelqu'un méritait de ne pas souffrir, c'était bien lui. Elle songea à lui répondre qu'il n'y était pour rien, qu'il avait été dominé par ses pulsions, elle savait que ça ne changerait rien... qu'il ne se pardonnerait pas malgré tout (comme elle ne réussissait pas à pardonner à Joachin alors qu'il avait été victime des exactes mêmes pulsions).

En fait, elle ne savait pas quoi faire, parce qu'elle avait honte, même d'être ici... Elle sans qui
Scott mènerait une existence bien plus équilibrée et beaucoup plus heureuse. Et elle s'en voulait d'autant plus que, quelque part... elle se sentait un peu vexée, à vrai dire. C'était idiot, elle était la première à ne pas avoir voulu qu'il commette une telle folie, elle était la première à l'avoir prévenu, et elle le pensait bel et bien. Mais il l'avait fait pour elle, et puisque c'était le cas, elle aurait aimé qu'ils sachent tous les deux concevoir le meilleur aspect de la situation, la raison pour laquelle Scott avait voulu être mordu en premier lieu : ils pourraient passer leur éternité ensemble... Mais à quel prix ? Scott serait éternellement malheureux, et c'était entièrement de sa fait. Coraline voulut répliquer que c'était de sa faute, parce qu'elle le pensait, mais Scott ne lui laisserait pas endosser le blâme, et ça aussi, elle en avait bien conscience. Son rôle, maintenant, était d'endosser la responsabilité de cette situation, parce qu'elle était responsable, et d'agir.

-Tu vas vivre avec moi, d'accord ? dit-elle aussi posément que le pouvait sa voix tremblante. Je ne vais pas te lâcher d'une semelle, je vais t'aider à... gérer tout ça, je trouverais de quoi te nourrir, je... Au fur et à mesure qu'elle parlait, elle sentait que le calme qu'elle tentait d'adopter se muait en légère panique, alors que les larmes affleuraient au bord de ses yeux. Je suis tellement désolée..., répéta-t-elle, mais pas pour lui présenter ses condoléances cette fois, seulement parce qu'elle avait détruit l'existence de la personne qu'elle aimait le plus au monde.

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oraline était bien souvent dans le contrôle. De ses pensées, de ses actes, de ses émotions... de tout, mais cette fois, elle peinait à faire illusion. Elle y serait parvenue, peut-être, en présence de quelqu'un d'autre, en cet instant. Mais Scott la connaissait par coeur, ou en tout cas mieux que personne, et ses nouveaux sens faisaient le reste. Elle aurait voulu qu'il ne discerne pas toute l'ampleur de sa culpabilité et aussi les raisons qui la poussaient à se sentir d'autant plus mal, mais il comprit tout, et sans qu'elle ait rien besoin de dire. Elle ne savait pas vraiment si elle devait se sentir soulagée ou culpabiliser encore davantage. Sa peau frissonna légèrement au contact des doigts du jeune homme sur sa joue. Il n'imaginait même pas combien elle avait envie, en cet instant, de l'embrasser, de s'emparer de ses lèvres et de ne plus les lâcher. Pour le calmer, le rassurer, lui communiquer la certitude qu'elle serait toujours là pour lui. Il le savait sans doute sans avoir besoin de tout ça, ce n'était pas moins frustrant pour autant.

Scott clarifia sa pensée, prononça exactement les mots qu'elle avait besoin d'entendre. Bien sûr, qu'il s'en voulait de ce qu'il avait fait à son père, évidemment qu'il se le reprocherait éternellement (et "éternellement" n'était dorénavant plus un euphémisme, c'était bel et bien l'éternité qui les attendait tous deux). Mais il ne regrettait pas d'avoir pris la décision d'embrasser sa condition pour demeurer auprès d'elle. Ca la soulageait de l'entendre, même si, dans le fond, il aurait tout de même mieux valu que le jeune homme ne se transforme pas. Elle s'en voulait de l'entendre la rassurer alors que, clairement, à l'heure actuelle, ce n'était pas lui de remplir ce rôle mais bien l'inverse. Elle esquissa un fin sourire, prit la main de Scott dans la sienne, faute de pouvoir mieux à l'heure actuelle (même si ce n'était pas l'envie qui lui manquait pour cela à l'heure actuelle) et plongea son regard dans le sien.

-Tout va bien se passer, promit-elle avec fermeté.

Elle ne pouvait pas le promettre avec une entière certitude, bien sûr, mais elle ferait ce qu'il faudrait. Ils ne pouvaient pas revenir en arrière, ils ne pouvaient pas effacer ce qui étaient, ils ne pouvaient pas fermer les yeux sur le crime, même involontaire, que Scott avait commis, et Scott aurait besoin de temps pour faire le deuil de son père, mais Coraline serait là, maintenant, à chaque instant, pour l'aider et le soutenir.

-Comment tu te sens ? demanda-t-elle avec douceur.

Elle n'était pas idiote, elle savait qu'il allait mal, mais elle voulait se montrer attentive à tout ce que le jeune homme vivait en cet instant pour pouvoir répondre judicieusement à ses besoins immédiats.

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oraline n'avait aucun mal à comprendre Scott quand il lui décrivait l'état dans lequel il se trouvait actuellement, quand bien même son discours pourrait sembler un peu flou. Elle n'avait aucun mal à le comprendre parce qu'elle était passée par là, elle aussi, et qu'elle avait perçu exactement les choses de la même manière. Le sentiment d'être un peu hors de soi, l'apprivoisement de sensations si puissantes qu'elles vous retournait les sens, et cette sensation de soif inextinguible, l'impression d'avoir la gorge en feu, et que tout le sang de notre terre ne suffira jamais à apaiser cette douleur. Oui, Coraline s'en souvenait encore, même si cela faisait maintenant de nombreuses années que cette situation lui était arrivée et que, pour la peine, certains éléments s'étaient dissipées. Elle s'était faite à sa condition, elle s'était adaptée à son nouveau statut, elle avait apprivoisé ses nouvelles sensations, alors forcément, puisqu'elles lui étaient devenu coutumières, elles n'avaient plus le même impact sur elle, mais malgré tout, elle se rappelait suffisamment bien l'égarement intense qu'elle avait éprouvé pour s'identifier au jeune homme, et surtout ne pas prendre ses paroles à la légère.

Elle devait reconnaître quand même être par certains aspects intriguée... elle savait que sa perception de tout y compris des autres avaient changé après sa transformation, attentive soudain à des détails infimes, à des parfums subtiles, à un panel de caractéristiques qui lui échappaient avant. Mais quand elle avait connu Scott, elle était déjà un vampire, et elle l'avait toujours observé dans cette multitude de détails, dans toute la complexité de son être, et ça l'avait attirée d'autant plus. Elle se demandait ce que cela faisait que de passer d'un regard humain à celui d'un vampire quand on observait la personne qu'on aime. Est-ce que les sentiments s'en voyaient renforcés, amplifiés ? Se dégraderaient-ils parce qu'il la verrait sous un jour différent ? Ou est-ce que de ce point de vue, rien ne changeait ? Il n'était pas temps de se poser cette question, en réalité. Il y avait clairement plus urgent à faire à l'heure actuelle, dire combien il avait la gorge sèche, c'était comme tirer une sonnette d'alarme. Il fallait impérativement qu'ils évitent que la situation ne devienne une fois de plus insurmontable pour Scott.

-Il faut te nourrir, déplora Coraline. On a besoin de beaucoup de sang, au début.

Après, l'appétit se calmait, mais jamais complètement non plus, l'odeur du sang frais faisait toujours en vie, mais on pouvait se retenir. Sans quoi, Coraline aurait perdu tout contrôle et mordu Scott depuis bien longtemps.

-Je vais nous trouver... quelqu'un.

Elle se rendait compte que pour la première fois, Scott allait la voir à l'oeuvre. C'était facile de prétendre être d'accord avec le fait qu'elle ôtait des vies quand on n'était pas témoin du spectacle, mais qu'est-ce qu'il penserait quand il la verrait agir ? Trop tard pour reculer, de toute manière.

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I

l y avait longtemps que Coraline n'avait plus ressenti cela, cette nervosité extrême à l'idée de partir en chasse. C'était un sentiment qui l'étreignait constamment au tout début, à l'heure où Joachin remplissait pour elle le rôle qu'elle cherchait maintenant à endosser avec son petit ami. Dans les premiers temps, elle avait éprouvé de la peur, de l'horreur, du dégoût, et plus encore du regret. Et puis, c'était triste à dire, mais ça lui était passé. Elle avait cessé de se demander si telle ou telle personne avait de la famille, si telle ou telle personne avait des projets, des rêves... elle trouvait sa cible, elle l'attaquait, elle la mangeait, comme le ferait n'importe quelle créature sauvage en présence d'une proie. Parce que c'était ce qu'elle était bel et bien, après tout, une créature sauvage... Indigne. Scott allait être le témoin "privilégié" de ce qu'il y avait de plus horrible et inhumain en elle. Elle n'était pas du tout sereine à cette idée. Il pensait être prêt, mais il ne le serait pas, parce qu'il allait le comprendre, et voyant toute la maîtrise et l'efficacité dont elle était capable (sans vouloir se jeter des fleurs, c'était le cas, et son entraînement auprès de Dean Appers avait forcément aidé à ce titre). Bon, dans tous les cas, ce n'est pas comme s'ils avaient vraiment le choix. Il fallait que Scott se nourrisse, et pour éviter que la situation ne dégénère, il était logique que la plus expérimentée des deux mène la danse.

Dans un premier temps, Coraline ne dit rien, elle se contenta de fermer les yeux et de se concentrer sur ce que lui dictaient ses sens, oreilles et narines aux aguets, en quête du moindre indice. Et indice il y eux. Le craquement d'une branche au loin, et l'odeur familière du sang qui bouillonne dans un corps encore frais et bien vivant. Il y avait quelqu'un, qui se promenait non loin, et c'était pas lui qu'ils commenceraient.

-Suis-moi, se contenta-t-elle de lui intimer.

Et pour s'assurer qu'il le ferait bel et bien, elle lui agrippa le poignet aussi fermement que possible et l'entraîna à toute vitesse vers sa cible. Elle s'arrêta à quelques mètres. Un homme d'une quarantaine d'années, un sorcier, peut-être, s'appliquait à cueillir des champignons au sol. Peut-être un sorcier car ils étaient les plus aventureux et ceux qui s'amusaient le plus à cueillir tout et n'importe quoi. Les plus dangereux aussi, donc, pour la peine. Mais il était toujours possible de les prendre par surprise.

-Ne bouge pas, ajouta-t-elle.

Et la seconde suivante, elle se précipitait sur sa proie et lui arrachait la jugulaire d'un coup de dent parfaitement maîtrisé. La force de l'habitude. L'homme n'avait pas eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait. C'était... sa vision de la clémence.

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L'

odeur du sang lui titillait les narines, et même si elle n'avait pas particulièrement faim, elle ne pouvait s'empêcher de sentir son appétit s'aiguiser à la vue de ce cadavre, au parfaim si singulier de l'hémoglobine, mais elle se retint quoi qu'il en soit de goûter à la moindre goutte de ce sang si alléchant. c'était à Scott que devait profiter ce festin de choix. Même si le souvenir était à présent lointain pour Coraline, elle savait combien les premiers moments pouvaient être éprouvants, et ce qu'importe la manière dont on avait goûté au sang pour la toute première fois. La soif était quasiment constante, un tiraillement insupportable qui pouvait vraiment vous pousser à faire absolument n'importe quoi et à perdre tout vos moyens. Pour que Scott puisse avoir l'esprit clair et mieux appréhender la suite, il était plus que nécessaire qu'il mange à saciété. Alors elle laissa le cadavre très frais à la merci du nouveau vampire, et Scott, manifestement affamé, ne se fit pas prier pour boire tout son soul, à même la gorge de l'humain fraîchement décédé. Coraline voulait le regarder, le surveiller, mais elle en fut incapable et ne put en définitive que détourner le regard.

Ce qu'il faisait, ce n'était rien moins que ce qu'un vampire normalement constitué faisait tous les jours ou presque de son éternité, ce n'était rien, c'était ce qu'elle-même faisait toujours et depuis des années... mais quand il s'agissait de Scott... eh bien, elle ne réussissait pas à y réagir de la même façon. Elle se sentait terriblement mal, horrifiée, même, par ce qu'elle voyait. Scott était un homme bon, quelqu'un de bien, qui n'aurait pas fait le moindre mal à une mouche s'il ne s'était pas sacrifié par amour pour elle... Et voilà qu'il devenait un monstre. Comme tous les autres... comme elle... Cette pensée lui glaçait le sang... Mais il était trop tard... Et elle se promettait de faire du moins tout son possible afin qu'il souffre le moins possible, afin qu'il ôte le moins de vie possible. Ce ne serait pas assez, bien sûr... mais ils n'avaient pas le choix. Elle détourna les yeux, donc, et attendit que ça passe. Elle sentait les larmes lui monter aux yeux... Elle était au fond heureuse de pouvoir partager son éternité avec lui, mais c'était un bonheur terrible, un bonheur coupable. Parce que Scott était damné, à présent. Et le resterait toujours. Par sa faute. Il allait vraiment falloir qu'elle s'organise pour le protéger au maximum... En attendant, elle attendait seulement qu'il signale qu'il en avait fini avec son dîner, pendant qu'elle-même contenait ses larmes, ses bras croisés. Il allait vraiment falloir qu'elle se montre forte, autant que possible, mais ce n'était pas simple. Elle savait que c'était pire pour Scott que pour elle, mais elle avait quand même le sentiment que le ciel lui tombait sur la tête.

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C

oraline n'avait pas envie de montrer à Scott à quel point cette situation la touchait, mais elle était tout bonnement incapable de cacher ses sentiments. Elle se sentait mal, perdue, démunie, coupable, et rien ne pouvait lui ôter cette pensée de l'esprit, même tous les propos que son interlocuteur prononcerait dans le but de la rassurer au maximum. Visiblement, elle n'était pas convaincante, non, puisque, une fois son repas achevé, le jeune vampire se rapprocha d'elle, posant ses mains sur ses joues avec douceur. La jeune femme tenta de soutenir le regard de Scott, mais c'était difficile, parce que les images d'il y a un instant s'étaient imprimées dans son cerveau, et il n'était pas dit que cela change. Il s'excusait de lui imposer tout ça, mais elle n'estimait pas qu'il doive s'excuser. Ce n'était pas lui qui lui imposait la situation, c'était elle qui la lui avait été imposée, en étant qui elle était... Elle ne voulait pas qu'il s'en veuille, il avait suffisamment à rgérer comme cela. Raison pour laquelle elle ne savait que se reprocher de n'avoir pas su garder contenance, elle qui en avait pourtant vues des vertes et des pas mûres tout au long de sa vie vampirique, qui commençait à être bien longue.

-Ne t'excuse surtout pas, répondit-elle d'un ton ferme.

elle devait prendre cette situation à bras le corps, elle devait faire ce qu'il fallait pour que Scott apprivoise sa condition sans éprouver de doute. Il était qui il était, à présent, aucun retour en arrière n'était possible, alors le mieux n'était pas de blâmer Scott mais de faire en sorte qu'il supporte le mieux possible l'homme qu'elle aimait. Alors non, il ne fallait surtout pas qu'il s'excuse, ssurtout pas de lui faire du mal. C'était un fait que cette situation lui faisait du mal, mais elle l'apprivoiserait en même temps que Scott, et tout irait pour le mieux.

-Tu ne m'imposes rien du tout, assura-t-elle, qui réussissait à calmer les tremblements de sa voix. Je suis fière de tout ce que tu fais pour moi. Heureuse de passer mon éternité à tes côtés.

Elle n'avait pas envie de le culpabiliser, elle se doutait que son interlocuteur saurait parfaitement le faire tout seul de son côté... Alors elle devait plutôt ne pas faire regretter son interlocuteur sa situation. Ils ne pouvaient rien y changer, alors autant en admettre les meilleurs aspects. Oui, elle allait pouvoir passer toutes son existence en présence de l'homme qu'elle aimait, elle n'aurait pas à pleurer sa disparition, elle n'avait plus à envisager de se supprimer pour ne pas lui survivre... Quand on y réfléchissait, ce n'était pas rien, c'était même loin d'être rien. C'était un bonheur, c'était une chance... Et ils ne devaient pas l'oublier.

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a seule chose qui comptait pour lui... Coraline ne le croyait pas. Oh, elle était convaincue que Scott le pensait, ou essayait de s'en convaincre, mais non, elle n'avait pas été tout ce qu'il désirait. Il y avait sa famille aussi, ses parents, ce père qu'il avait tué pour elle, quand bien même ce n'était jamais qu'un accident... En fait, c'était tout ce qu'il désirait maintenant parce qu'il avait perdu tout le reste, et cette pensée lui tordait le coeur à un point inimaginable. Si seulement elle était humaine, juste humaine, tout serait beaucoup plus simple, des milliards de fois plus simple. Mais ils devaient prendre la situation comme elle était, à présent, ils n'avaient juste pas le choix...

Et heureusement, ce qui subsistait, dans tout ça, au-delà de tout le reste, c'était l'amour qu'ils avaient l'un pour l'autre. Maintenant, ils devaient vraiment faire ce qu'il fallait pour tirer le meilleur de la situation à laquelle ils étaient confrontés. Ils devaient être heureux, quoi qu'il advienne, et le rester, quoi qu'il arrive. Mais c'était dur d'être complètement heureux à l'heure actuelle. Scott souffrait du décès de son père, il s'habituait à une nature nouvelle et singulière qui allait faire de lui un assassin à temps plein. Le bonheur, par rapport à tout ça, ça avait vraiment l'air loin, beaucoup trop loin, en réalité. Mais il fallait qu'ils se rappellent sans cesse pour quoi tout ça avait eu lieu, pourquoi ils en étaient là, et pourquoi c'était ce qu'ils pouvaient vivre de meilleur. Elle l'aimait plus que tout, elle vivrait éternellement à ses côtés. Pour toujours. Et ça, c'était une chance, ça, c'était beau. Et ça, ils ne devaient surtout pas l'oublier.

-C'est tout ce qui nous attend, affirma Coraline avec un immense sourire aux lèvres, même si elle devait encore le feindre un peu. Même si on va devoir s'ajuster un peu... J'ai pas vraiment de "maison" à moi. Mais pour nous deux, je crois que ce serait mieux. Et je préfèrerais qu'on se distancie du repère des vampires.

Tout comme Joachin l'avait tenu à l'écart de ce genre de choses au tout début. Elle voulait lui accorder la vie la plus équilibrée possible, mais pour cela, ils ne pouvaient pas juste se contenter de suivre le train de vie qu'avait mené Coraline jusque-là. Il était trop imparfait, trop dissolu, ce n'était tout simplement pas possible, et surtout, ce n'était pas concevable. Oui, elle essayait de se focaliser sur ces projets concrets, car elle se disait qu'il n'y avait que de cette manière qu'ils réussiraient à s'en tirer à bon compte, qu'ils s'en sortiraient, qu'ils composeraient bel et bien leur bonheur, un bonheur qui en vaudrait la peine.

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