Et maintenant... {pv Cael}

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haque fois que Cael laissait Zoile à sa nourrice, il éprouvait une sorte de déchirement. Il n'aurait jamais cru s'attacher autant à un autre être en si peu de temps. Découvrir qu'il était père, ça avait tout changé dans sa vie. Tout à coup, il avait compris que tout ce qu'il avait déjà voulu devenir, il l'était déjà. Il était né pour devenir père, et il était heureux de l'être, sincèrement, même s'il regrettait que sa fille n'ait plus aucune nouvelle de sa mère. Il se doutait, à ce stade, que ça n'arriverait plus jamais. Malheureusement, en notre terre, les disparitions du genre, c'était de notoriété publique. Oui, s'il s'écoutait, il serait sans doute un père beaucoup trop présent dans la vie de sa fille.. ne serait-ce que parce qu'il avait été absent durant une trop longue période. Mais il ne fallait pas qu'il oublie ses autres impératifs, et c'était pour cette raison que pour ce soit, il allait prendre du temps pour lui.

Prendre du temps pour lui, ce n'était pas forcément quelque chose de très passionnant au sens où l'entendait Cael. Il en avait profité pour régler quelques formalités administratives, plus ou moins. Il était aussi passé sur la tombe de son frère. Et ça avait été l'occasion de voir Owen, de passer voir Nessa... En vérité, le temps avait filé à une vitesse monstrueuse, mais à aucun moment, il n'avait réussi à s'ôter Zoile du coin de sa tête. Pourtant, il ne devait la récupérer que le lendemain.

Pour l'heure, Cael était finalement seul après beaucoup de visites et d'impératifs. Il aimait bien, aussi, sa solitude. Cela lui permettait de penser, de réfléchir, de faire le bilan de sa situation... par certains aspects, il estimait qu'elle n'avait jamais été meilleure, par d'autres (sa vie sentimentale chaotique en tête), il pouvait bien reconnaître que c'était absolument n'importe quoi et qu'il faudrait sans doute qu'il se ressaisisse. Mais à part en faire le constat, il ne voyait pas vraiment ce qu'il pouvait faire d'autre. Il se promenait donc aux abords du lac, la tête pleine de centaines de pensées différentes, quand une voix familière le sortit de sa rêverie. Ah. Ophélie. Il était content de la revoir, mais il n'oubliait pas non plus comment s'était achevé leur dernière conversation, au point de se sentir un peu embarrassé.

-Ophélie. Comment vas-tu ?

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ael n'était pas certain de pouvoir croire Ophélie sur parole quand cette dernière affirmait aller bien. Il avait le sentiment qu'elle était plus... apaisée que durant leur dernière conversation, mais il se doutait aussi que ce ne devait toujours pas être la grande forme malgré tout. Quand on avait perdu son enfant, ça devant sans doute toujours être comme ça. Il y avait du mieux, il y avait du pire, mais la douleur devait demeurer, quelque part. A présent qu'il se savait père, le fé s'en rendait douloureusement compte. Il ne pouvait que compatir avec Ophélie, malheureusement, elle ne pouvait pas en dire beaucoup plus. Elle allait mieux que la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Il s'en rendait compte et il en était sincèrement soulagé pour elle. Il allait répondre quelque chose... d'un peu bateau, sans doute... Mais Ophélie avait d'ores et déjà repris la parole.

Elle s'excusa pour son geste de la dernière fois... Elle n'avait pas besoin de le faire. Elle avait eu un accès de faiblesse, ça pouvait arriver à tout le monde, après tout. Bon, il ne nierait pas qu'il avait du mal à ne pas y penser quand il la voyait, et c'était préférable qu'elle ait mis cela à plat, mais malgré tout, elle ne devait pas s'excuser. Il ne lui en voulait pas.

-Ce n'est rien, ne t'en fais pas, dit-il avec un sourire qu'il voulait rassurant aux lèvres.

Il n'avait aucune envie que son interlocutrice se prenne la tête pour rien. D'autant plus qu'elle n'avait rien à se reprocher en soi. Avoir un accès de faiblesse, ça pouvait arriver à tout le monde. Et dans son cas, c'était d'autant plus compréhensible qu'elle allait vraiment mal à ce moment-là.

Ophélie changea de sujet et lui parla de sa fille. Un sujet intarissable qui convenait parfaitement à Cael. De toute façon, ça ne le dérangeait jamais de parler de Zoile. Elle était sa plus grande fierté, même s'il ne voulait pas ennuyer les autres avec non plus. Et encore moins une personne qui elle n'avait plus son enfant à ses côtés.

-C'est possible, on me le dit à chaque fois mais je ne m'en rends pas compte. Elle est chez sa nourrice, ce soir. Tu la verrais, elle est tellement intelligente. Quand on parle avec elle, on dirait qu'on discute avec un adulte miniature.

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ael se contenta d'esquisser un très léger sourire face aux compliments que lui adressait Ophélie. Il tentait de ne pas se montrer trop embarrassé par ses propos, mais ce n'était pas chose facile, non seulement au vu des circonstances, mais également parce que le fé était plutôt humble de nature. Quoi qu'il en soit, il ne savait pas trop s'il se considérerait lui-même comme quelqu'un d'intelligent et de bienveillant... disons qu'il faisait de son mieux, en tout cas, et il avait envie de croire que la petite Zoile deviendrait plus tard un petit bout de femme exceptionnel. Elle était déjà une enfant exceptionnelle, après tout, alors ce serait dans la droite logique des choses. Ophélie n'ajouta rien tout d'abord, elle s'installa aux abords du lac et finalement évoqua sa fille.

Le sourire de Cael se figea puis se décomposa finalement. C'est sûr, ça devait être difficile pour elle d'entendre parler de sa fille bien vivante quand Ophélie, elle, avait perdu la sienne pour toujours. Il vint s'asseoir à côté d'elle. Ce n'était pas parce que leurs derniers échanges s'étaient achevés sur une note disons singulière qu'il voulait cesser d'être présent pour la jeune femme, bien au contraire. Il ne pouvait avoir une idée précise de ce qu'elle endurait, même si lui-même avait perdu son frère et savait ce que cela faisait de se voir fauché trop tôt quelqu'un qui vous était cher, mais il se disait que le seul fait de pouvoir compter sur une oreille attentive ferait déjà du bien à la lycane.

Elle lui parla donc de sa fille, de ses rêves, de ce qu'elle avait eu l'intention d'accomplir, et ses propos eurent le don d'attendrir Cael, même si son coeur se serra un peu en entendant Ophélie ajouter qu'elle aurait voulu que son enfant réussisse où elle-même avait échoué. Il n'acceptait pas qu'elle soit si amère à son propre sujet.

-Bien sûr que non, répondit Cael après qu'Ophélie se soit excusée de s'appitoyer ainsi sur son sort. Personne n'est jamais condamné à être seul. Il faut croire en les surprises que la vie nous réserve. Regarde-moi, je pensais que j'étais passé à côté de ma chance d'être père, et pourtant... Pourtant, il avait découvert l'existence de Zoile. Et je suis sûr que trouveras la personne qu'il te faut et avec qui tu partageras ta vie...

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e n'était pas la première fois que Cael entendait un discours similaire à celui que lui adressait son interlocutrice. C'était sans doute difficile de penser autrement quand on était capable de devenir une créature au potentiel particulièrement sanguin et destructeur, et c'était le cas des loups-garous comme des vampires. Et c'était d'ailleurs au discours d'un vampire que Cael pensait, présentement. C'était bel et bien des mots de cet acabit que Joachin avait prononcés quand il avait parlé de sa situation, pour s'exprimer sur les raisons qui l'avaient poussé à quitter sa famille à l'époque où il avait été mordu. Il avait eu peur de faire du mal à son entourage, il avait cru que plus personne ne serait jamais capable de l'aimer, mais ça avait été une erreur. La preuve, Joachin était de retour chez lui, et son épouse et lui s'aimaient comme au premier jour. Il n'y avait pas de raison pour que les choses se passent autrement pour Ophélie... Sauf que dans son cas, elle ne pouvait malheureusement pas espérer retrouver sa fille. Mais Cael ne savait pas tout.

Ophélie lui avait dissimulé certaines choses sur les circonstances de sa transformation, qu'elle paraissait prête à assumer à présent. Cael n'eut rien le temps de dire quand la lycane le pria de ne pas la détester pour ce qu'elle allait dire. Comment est-ce que ça pourrait seulement être possible ? Ophélie était une bonne personne, et Cael le savait. Il ne dit rien, attendit qu'elle vide son sac. Et elle le fit en effet, sans omettre aucun détail. Et ce qu'elle avait à lui dire dépassait l'entendement... Ophélie avait tué sa propre fille. Elle n'était pas consciente de ce qu'elle faisait, bien sûr, mais cela n'ôtait certainement rien au traumatisme qu'était dorénavant le sien. Cael était sonné... bouleversé... il ne s'était absolument pas attendu à ça, et il n'avait pas la moindre idée de quoi lui dire pour l'apaiser. Ce qu'elle lui apprenait ne lui donnait pas envie de la voir comme un monstre, cela accentuait en revanche la pitié qu'il ressentait pour elle. Perdre un enfant était une épreuve insurmontable... mais dans ces circonstances, c'était tout bonnement impossible...

-Tu n'es pas responsable de ce qui s'est passé.... Je regrette et j'imagine combien ça a dû être horrible pour toi, mais ce n'est pas ta faute, ça ne fait certainement pas de toi un monstre et ça t'interdit encore moins d'être heureuse ou de continuer à vivre.

Et il pensait chaque mot prononcé.

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ael avait le sentiment que tous les mots qu’il aurait pu prononcer en cet instant n’auraient pu que sembler plat et ne pas avoir l’impact qu’il espérait. Le fé pensait ce qu’il avait dit, il le pensait vraiment, mais sans le pouvoir tout à fait, il pouvait au moins essayer de se mettre à sa place. Il se doutait que s’il avait provoqué indirectement la mort de Zoile, il serait tout simplement incapable de vivre avec ce poids sur la conscience, ça le poursuivrait éternellement, sans l’ombre d’un doute. Malgré tout, il voulait faire tout son possible pour rassurer Ophélie. Il la connaissait suffisamment, tout de même, pour savoir qu’elle était une bonne personne, et qu’elle ne méritait pas les tourments dont elle souffrait irrémédiablement. Il voulait l’aider à remonter la pente, à se sentir mieux. Il ne se faisait pas d’illusions. Il se doutait bien qu’il en faudrait bien plus pour bel et bien la tirer de ce cauchemar éveillé qu’était sa vie, pour la débarrasser de ses démons. Il l’avait toujours trouvé triste et mélancolique, et c’était normal, elle souffrait de la perte de sa fille, mais il comprenait à présent que le deuil qu’il lui fallait faire dépassait de très loin celui de n’importe quel parent ayant dû enterrer son enfant si jeune.

Il eut tout de même le sentiment que ses mots avaient fait mouche car la jeune femme, tout en le regardant dans le blanc des yeux, lui adressa un sourire et le remercia, et il n’eut pas le sentiment qu’il y ait quoi que ce soit d’hypocrite dans son propos. Est-ce qu’il était un ami, un homme en or ? Est-ce qu’il s’en rendait compte ? Pas vraiment, mais il faisait en tout cas tout son possible pour être la meilleure personne possible, et ce n’était pas toujours facile. Ce monde pervertissait tout… Lui, il essayait juste… de rester à la surface… Et d’entraîner le plus de personnes avec lui.

Elle l’étreignit, il ne l’en empêcha pas. Vu les circonstances, il était normal qu’elle ait besoin de soutien, de contact humain, il ne se voyait pas lui refuser cela sous prétexte qu’elle l’avait embrassé la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Ce serait sérieusement présomptueux de se croire aussi irrésistible. Non, elle était juste vulnérable et avait besoin d’une épaule sur laquelle se reposer. Et donc, c’était ce qu’il se permettait de lui accorder. Tout en lui caressant doucement le dos, il répondit.

-Tu n’as aucune raison de me remercier, c’est normal. Et il le pensait. Tu le mérites.

Ce qu’elle mettrait peut-être du temps à admettre.

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ael avait peut-être eu tort, avait sans doute envoyé à Ophélie de signaux contradictoires en la serrant dans ses bras. La jeune femme avait besoin d'attention, de compassion, de chaleur humaine, et face à sa détresse, il avait fait ce qu'il pouvait pour lui en apporter, mais il réalisait à présent que c'était sans doute une très mauvaise idée... Ce n'est pas comme s'il ne se souvenait pas de la manière dont s'était achevée leur dernière conversation. Ce n'est pas qu'il se pensait irrésistible, loin s'en faut. Mais en revanche, il pensait Ophélie fragile, et incapable de savoir encore ce qui était bon pour elle. Destabilisée, elle avait sans doute besoin de se sentier aimée et soutenue...

Mais Cael ne pouvait pas aimer Ophélie. Bien sûr, il la trouvait charmante, sympathique, intelligente. Elle avait de très nombreuses qualités, et peut-être, dans d'autres circonstances, elle aurait en effet pu lui plaire. Mais les sentiments ne se contrôlent pas. Et Cael aimait déjà une autre femme. Une femme mariée et qu'il n'aurait jamais, c'est vrai.... mais quelle importance, ce n'est pas comme s'il pouvait lutter contre, c'était comme ça. Son coeur était pris, et la dernière de ses envies était de donner des faux espoirs à son interlocutrice. De fait, il se sentait coincé. Oui, il ne voulait pas lui faire de mal, mais c'est ce qui arriverait forcément, il fallait bien qu'il le reconnaitre, du moins si les choses se poursuivaient ainsi. Il avait envie de l'aider et d'être présent pour elle, d'être digne de la confiance qu'elle avait placé en lui, en lui racontant toute son histoire, mais il ne voulait pas tricher non plus. Il fallait qu'ils réussissent à tirer cela au clair, et ce n'était pas simple.

-Ophélie..., dit-il en s'écartant, un peu mal à l'aise. Pour le coup, il ne savait pas quoi dire. Il ne voulait pas se montrer blessant ou la mettre mal à l'aise, mais ce baiser devait demeurer unique. Je suis désolé, mais...

Mais il ne voulait pas que leur relation dérape ainsi, et il ne voulait pas lui faire de mal non plus. Il ne voulait pas que cette situation brise ce qu'il estimait être une belle amitié. Au final, il ne savait pas exactement comment l'exprimer sans paraître indélicat.

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ael n'avait pas la moindre intention d'embarrasser Ophélie. Avec ce qu'elle traversait, avec la confiance qu'elle avait bien voulu placer en lui, il s'en voudrait terriblement si, au bout du compte, il devait la mettre mal à l'aise dans l'état de fragilité où elle se trouvait. Malheureusement, il faut dire ce qui est, les circonstances n'encourageaient pas particulièrement un retour apaisé sur la situation, il était normal qu'ils se sentent l'un comme l'autre embarrassés, ils ne seraient pas humains, dans le cas contraire. Et le moins que l'on puisse dire de l'un comme de l'autre, c'était que s'il fallait vraiment leur trouver des défauts, on n'irait pas compter leur éventuel manque d'humanité comme une lacune. Tous deux en possédaient sans doute bien trop, ce qui en notre terre n'était malheureusement pas une chance, et bien davantage un fardeau la majeure partie du temps.

Elle l'admettait elle-même, ce genre de comportement ne lui ressemblait pas. Elle avait le sentiment de ne pas se ressembler, dernièrement, et Cael n'avait aucun mal à la croire. Avec tout ce qu'elle devait traverser, il était sans doute impossible de rester complètement soi-même, on perdait sans doute à coup sûr une part d'humanité dans le processus, et l'on n'avait alors d'autre choix que de faire avec quoi qu'il en soit. Et cela ne faisait d'elle ni un monstre, ni une folle tout juste bonne à être internée. Non, cela faisait, bien au contraire, d'elle quelqu'un d'humain... et une fois encore, ce n'était pas forcément une chance que de trop l'être. Elle était bouleversée, et elle cherchait de l'affection où elle pouvait en trouver, ça s'arrête là. Quiconque d'autre à sa place aurait été présent et à son écoute aurait certainement écopé d'une réaction similaire. Ce n'était pas une affaire de sentiments (autre qu'amical, du moins), c'est juste que... eh bien, il avait été là, un point c'est tout. Et il le comprenait parfaitement.

-Ne dis pas n'importe quoi, répondit doucement Cael. Tu as toutes les raisons du monde d'être bouleversée, je ne vais pas t'en tenir rigueur, et encore moins te prendre pour une folle. Ce n'est pas grave, tu sais.

Il ferait bien une blague - de mauvais goût - sur le fait qu'elle n'y pouvait rien s'il était irresistible, après tout. Mais ce n'était définitivement pas son genre.

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