La famille nous poursuit où que l'on aille. [pv Annabelle]

I

l n'était pas rare qu'Andrew songe avec nostalgie, et non sans un certain remords, au passé. Oh, il ne regrettait pas les choix qu'il avait faits. Quand il s'endormait dans les bras de Penny, quand il serrait sa fille contre lui, il savait qu'il n'aurait pas pu en faire d'autre, et qu'il se trouvait à la place qui devait être la sienne. Mais tout de même... ce serait évidemment mentir que de prétendre que sa vie d'avant ne lui manquait pas, elle lui manquait.

Cela lui manquait de ne plus s'entraîner avec Kathleen, de ne plus chasser avec Aaron (et le fait qu'ils aient remis ça récemment - ce qui au passage n'avait pas été un franc succès - n'arrangeait certainement pas les choses, puisqu'il ne pouvait qu'admettre que la chasse en elle-même lui manquait tout autant), même les repas de famille des Hellsing, pour ce qu'ils pouvaient avoir de houleux parfois, lui manquaient tout autant. Ils avaient vécu à un rythme et selon des coutumes singuliers, que beaucoup ne seraient pas à même de comprendre, mais ça avait été sa vie, une vie qu'il avait aimée, un contexte dans lequel il avait grandi et s'était épanoui.

Mais c'était derrière lui, maintenant, et il devait faire avec. Il ne se passait certes pas un jour sans qu'il pense à son quotidien auprès des Hellsing, mais Andrew se faisait à son nouveau quotidien, avec l'appréhension, tout de même, toujours, de voir se confronter un passé encore ancré et un présent compliqué. C'était déjà arrivé, quand Aaron avait découvert le pot-aux-roses, Andrew ne se doutait que trop du fait que son père serait le prochain sur la liste.

Et puis, le village n'était pas si grand, il savait bien que, à un moment ou à un autre, il croiserait un membre de sa famille. Et si quelque part il en avait envie, il était vrai tout de même qu'il les évitait au maximum. Il n'avait pas envie de leur mentir en face... sauf que ce cas de figure était forcément inévitable. Ce que les circonstances lui prouvèrent quand, faisant ses courses sur le marché, il se retrouva nez à nez avec Annabelle. Un sourire s'afficha sur ses lèvres. S'il serait plus prudent, peut-être de l'ignorer, il n'en avait aucune envie. Elle lui manquait, comme chacun des membres de sa famille.

-Annabelle ! Je suis heureux de te voir.

Et c'était sincère.

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A

ndrew n'avait pas été certain du tout de ce que serait la réaction de sa tante en le revoyant, et il se sentait soulagée de l'entendre lui répondre. Il n'y avait pas de mépris ou de colère dans sa voix, et rien que ça, c'était déjà un soulagement à ses yeux. Elle lui avait manqué, il n'aurait pas voulu devoir se disputer avec elle alors même qu'ils avaient l'occasion de se parler... quand bien même cette occasion serait forcément fugace.

Le jeune homme ne se leurrait pas, jusqu'ici, il avait su miraculeusement garder son secret (exception faite de Aaron), mais il savait pertinemment qu'il ne faudrait pas grand-chose pour que ce dernier éclate, et dès lors, il ne devrait plus rien atteindre des Hellsing... si ce n'est la perspective terrifiante de les voir le priver de Penny et de Dorothy. Oui, la donne avait changé, et Andrew savait par conséquent que très vite, son secret allait être su. Il ne pourrait cacher éternellement l'existence de Dorothy à ses proches... et il savait qu'il était égoïste de laisser Aaron (et Eponine également, puisqu'il savait qu'elle vivait maintenant avec les Hellsing) mentir pour lui, compromettant sa place par la même occasion si qui que ce soit devait découvrir le pot aux roses.

Enfin, ils n'en étaient pas là, et à l'heure où Annabelle se trouvait juste devant elle, Andrew savait pertinemment que ce ne serait pas là, en cet instant, qu'il passerait aux aveux, il en serait bien incapable. Non, à la place, il voulait juste saisir l'occasion de parler un peu à celle qu'il avait fini par considérer comme une mère, et prendre par la même des nouvelles de tous les autres membres d'un clan qu'il avait certes déserté mais qu'il portait malgré toujours dans son coeur. On ne cessait pas d'être un Hellsing, un chasseur, du jour au lendemain. C'était une chose qui devait rester en vous éternellement... et les circonstances allaient bien vite confirmer cette affirmation.

-Je vais bien, très bien même. Et il ne pouvait pas en dire plus, malheureusement, s'épancher sur sa vie, c'était dévoiler des centaines d'informations qui se devaient de rester confidentielles. Et toi ? Et... toute la famille ?

Ils lui manquaient tous, et même s'il avait des nouvelles via Aaron, il se disait que ce ne serait évidemment pas pareil que ce que Annabelle saurait lui en dire de son point de vue.

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A

ndrew était rassuré du comportement d'Annabelle. Il savait qu'il ne devrait pas en attendre autant de la part de son père ou de sa cousine, mais ça lui faisait du bien de retrouver sa tante comme il l'avait laissée quand il avait décidé de quitter le foyer familial : une deuxième maman, qui s'inquiétait pour lui, qui prenait soin de lui, et qui mettait tout éventuel ressentiment de côté pour s'intéresser tout d'abord à son bien-être à lui. Il savait qu'il lui devait beaucoup, à elle et à l'amour maternel qu'elle lui avait adressé. Elle lui avait inculqué des valeurs qu'il n'avait pas oubliés encore aujourd'hui, de ces valeurs qu'il n'oublierait jamais, contrairement à d'autres, qu'il avait choisi de négliger, d'oublier, d'enterrer... même si ce n'était pas toujours si simple que cela.

Andrew esquissa un léger sourire tandis qu'Annabelle lui parlait des différents membres de la famille. Aaron fidèle à lui-même, ça, il le savait, puisque son frère était le seul membre de sa famille avec lequel il était resté en contact (même s'il s'abstiendrait de le souligner, au nom de tous les risques que son cadet prenait pour lui). Encore qu'il avait tout de même un peu changé : sa relation avec Eponine, le fait qu'il avait décidé de protéger son secret, cela prouvait bien qu'il n'était plus tout à fait le même qu'avant. Kathleen lui en voulait à mort, ça non plus, ce n'était pas une surprise. Connaissant sa cousine, il se doutait bien qu'elle devait ruminer et lui en vouloir depuis son départ. Andrew aurait eu la même attitude si les rôles avaient été inversés. Maybell vivait sa vie sans être trop perturbée, ça c'était rassurant, quant à son père... et bien, c'était vis-à-vis de lui qu'Andrew avait le plus de remords et de scrupules, à vrai dire, et savoir qu'il avait tendance à s'isoler, entendre qu'il lui manquait (chose qu'il ne lui dirait sans doute jamais en face), c'était... difficile.

-Vous me manquez aussi, répondit-il avec toute l'honnêteté du monde. Enormément.

Bien sûr qu'ils lui manquaient, il était passé de tout à rien les concernant, et même s'il avait décidé de s'éloigner, ça ne l'empêchait pas de les aimer, chacun d'eux.

-J'avais l'intention de venir vous revoir, tu sais. J'attendais juste d'être prêt.

Sauf qu'il avait toujours de bonnes excuses pour reculer le moment...

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ndrew afficha un sourire qui se voulait détendu quand Annabelle suggéra que ses paroles laissaient supposer qu’il avait quelque chose à annoncer. En vérité, il cherchait surtout à dissimuler sa gêne. Mentir ne le dérangeait pas particulièrement, en tout cas ça ne l’avait jamais dérangé quand il avait été question d’amadouer les quelques créatures qu’il était parvenu à détruire par ces moyens, tout comme ça ne l’avait jamais dérangé de dissimuler à la plupart ce qu’il faisait dans la vie, au même titre que le reste de sa famille. Mais aux Hellsing, c’était autre chose. Il avait envie de se montrer complètement honnête, il avait envie de tout dire, mais il n’était pas idiot, il savait pertinemment quelles en seraient les conséquences.

Des choses à annoncer, Andrew en avait, oui, dangereuses et inacceptables pour n’importe quel chasseur qui se respectai (et il faut croire qu’Andrew ne se respectait plus vraiment. L’idée l’effleurait parfois, dans ces moments où il n’avait que trop conscience de faire entorse à la moindre règle familiale, lui qui les avait suivies très scrupuleusement presque tout au long de son existence. Oui, il avait des choses à dire, mais comment les dire ? « Chère famille, je sors avec l’ennemi, et je suis le père d’une adorable petite fée auquel j’ai donné le nom de ma mère. »… Ils deviendraient fous. Ils ne le supporteraient pas.

Annabelle avait beau assurer qu’ils seraient tous prêts à l’accueillir à bras ouverts le jour où il déciderait de revenir, il savait que c’était faux, pas s’il devait leur dire toute la vérité. Et un jour ou l’autre, il le ferait bien. Il se trouvait toujours des excuses pour ne pas affronter sa famille, et ses excuses étaient bonnes. Il ne voulait pas mettre Dorothy et Penny en danger, c’était un fait, et c’était sincère. Mais en attendant, Dorothy, justement, grandissait. On ne dissimulait pas un être de chair et de sang éternellement à la face du monde, même sous le prétexte de le protéger. Et même s’il rentrait sans rien dire, il était convaincu que ni son père, ni l’aînée de ses cousines ne lui déroulerait le tapis rouge.

-Je te remercie, répondit-il alors. Il fut tenté d’ajouter que, dans tous les cas, il ne reviendrait pas tout de suite. Mais il avait le sentiment que c’était évident, et que sa tante l’avait parfaitement compris. Est-ce que… tu accepterait de ne pas dire à papa, qu’on s’est vus ? demanda-t-il d’une voix hésitante.

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ndrew, pendant très longtemps, n'avait utilisé le mensonge qu'à deux fins bien précises (et qui n'éveillaient en lui presqu'aucun scrupule, parce que sa cause était juste, du moins l'estimait-il alors) : pour manipuler ses victimes et pour protéger le secret de sa famille. Autrement, il s'était toujours estimé intègre et honnête. Et il l'avait été. Pendant très longtemps, il n'avait rien caché à sa famille... et pour cause, il n'vait absolument rien à leur cacher... Mais ça, c'était avant.

Maintenant, le secret avait pris le pas sur la transparence, et c'était une chose qu'Andrew vivait très mal, quand bien même, évidemment, c'était entièrement de sa faute. Ce n'était pas pour rien si Andrew évitait d'avoir tout contact avec sa famille. Les regarder droit dans les yeux et leur mentir, c'était presqu'au-dessus de ses forces... il n'y arrivait pas. Et en même temps, il était impensable de tout simplement leur apprendre la vérité. Oui, Aaron avait miraculeusement accepté de le protéger, mais les circonstances avaient rendu cela possible, et ce n'est pas parce qu'il gardait lèvres closes qu'il ne saisirait pas l'occasion de s'en prendre à Penny ou Dorothy s'il le pouvait.

Alors non, lui non plus n'aimait pas les cachotteries, et il n'aimait pas engager Aaron, et encore moins Annabelle, dans ce genre de cercle vicieux... Mais le pire qui pourrait arriver à l'heure actuelle, c'était tout de même que son père découvre la vérité. Et pour l'éviter à tout prix, mieux valait qu'il ne sache rien, y compris de cette discussion, même si on ne pouvait pas dire qu'Andrew s'exprimait à coeur ouvert sur sa situation. Ce qui était peut-être sensiblement frustrant pour sa tante. Il pouvait le comprendre, vraiment. C'était frustrant pour lui aussi. Il aurait aimé pouvoir parler de sa vie... Il aurait aimé... que Penny soit humaine. Que sa fille soit humaine... Que sa famille demeure ce qu'elle avait toujours été pour lui.

-J'irai lui parler, très bientôt, je te le promets.

Il le fallait. Il ne pouvait pas demander constamment aux personnes autour de lui de mentir afin de le protéger. Aaron, Annabelle... il ne pouvait pas. Le secret, dans tous les cas, finirait forcément par éclater. Il fallait juste... qu'il prenne les dispositions nécessaire pour que Penny et Dorothy n'aient rien à craindre le moment venu.

-Tu as raison, j'ai quelque chose à annoncer. Mais c'est... compliqué.

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ndrew, en vérité, n'avait jamais remis en question l'affection que son père lui portait. Il avait appris à faire avec son caractère froid et distant, et il avait appris à lire entre les lignes le concernant. Il savait qu'un compliment de sa part devait être chéri comme un trésor, il savait qu'un simple sourire, à peine perceptible, était un précieux signe d'approbation. Il savait tout cela, il l'avait compris plus facilement que Aaron (mais en même temps, William s'était toujours montré plus dur avec Aaron - cercle vicieux, car de fait, Aaron se braquait, et plus il se braquait, plus leur père était dur), qui lui avait encore toute la peine du monde à comprendre qu'en dépit de son caractère froid et autoritaire, le patriarche des Hellsing aimait ses deux enfants...

Mais affection ou pas, Andrew savait que l'estime qu'il avait de lui ne survivrait pas à ce qu'il avait à apprendre à sa famille. Annabelle n'en avait pas idée, elle ne s'imaginait pas combien sa trahison était grande, et comme il lui était impossible de revenir en arrière, d'emprunter un autre chemin. Il avait choisi sa voie, et celle-ci n'était pas compatible avec celle sur laquelle on avait voulu qu'il s'engage à sa naissance... et sur laquelle il avait cru s'engager toute sa vie, aveuglément, sans l'ombre du moindre début de commencement de doute.

Andrew n'aimait pas entendre que son départ avait beaucoup affecté son père. Certes, il appréciait cette preuve implicite d'affection paternelle, mais son but n'était pas et ne serait jamais de faire souffrir sa famille. Seulement, il lui était devenu impossible de prendre soin de toutes les personnes qu'il aimait à la fois. D'autres seraient bien obligé d'en pâtir, c'était impossible autrement.

Peut-être Annabelle comprenait-elle la gravité de ses actes, car ses avertissements, qui arrivaient trop tard, le concernaient d'office. Malheureusement. Et que dire ? Il avait envie d'être d'accord avec Annabelle, et il l'avait trop longtemps été... mais ses actes et ses choix contredisaient tous ses principes d'autrefois. Cette conversation était révélatrice de tout ces conflits intérieurs qui n'avaient pas attendu qu'il revoit sa tante pour le tourmenter.

-Je le sais, répondit-il. Ma famille comptera toujours plus que tout pour moi.

Sauf que, aujourd'hui, sa famille, c'était Penny, et Dorothy.

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es mots, "si tu le dis", faisaient mal à entendre, car ils étaient la preuve qu'Annabelle ne le croyait pas vraiment. Et comment pourrait-elle le croire, en même temps, alors qu'il ne faisait que donner à sa famille des preuves du contraire de ce qu'il avançait ? Son amour envers les Hellsing restait chose inchangée, même son sens de la famille, s'il avait évolué, n'en restait pas moins la valeur la plus grande qu'il cherchait à défendre, et cela n'aurait sans doute pas tant été le cas s'il n'avait pas été éduqué ainsi. Mais ses priorités étaient à ce jour étaient différentes, des priorités qui faisaient barrage à la volonté de ses proches de le voir revenir, et à sa propre envie de revenir. Lui ne demanderait que cela, de pouvoir enfin présenter Dorothy au reste de sa famille, pas avec honte mais avec fierté, pas avec crainte mais avec joie. Malheureusement, cela n'arriverait jamais.

Et il ne pouvait s'illusionner, en dépit de toutes les marques d'affection que lui adressait sa tante, celle qu'il considérait comme une mère de substitution. Elle serait bien moins douce et compréhensive si elle devait avoir une vue d'ensemble de la situation, si elle devait avoir connaissance de ce qui lui échappait encore. Oh, quand ça arriverait ! Et évidemment, que ça finirait par arriver, c'était inévitable. Andrew avait beau vouloir que ce soit le plus tard possible, à un moment ou à un autre, il n'aurait tout de même pas d'autre choix que de laisser échapper toute la vérité, avec les évidentes et terribles conséquences que cela engendrerait forcément.

Il esquissa un fin sourire quand Annabelle demanda à ce qu'il prenne soin de lui. Même dans ces circonstances, alors même qu'elle avait les meilleures raisons du monde de lui en vouloir (mais pas encore les pires), elle continuait de se soucier de son bien-être. Et ça le touchait, vraiment. Pourtant, prendre soin de lui-même n'était absolument pas un problème. Non, là où allait sa considération, c'était dans la manière dont il pourrait réussir à prendre soin de tous les autres. Comment veiller également sur Penny, sur Dorothy, sur Aaron, sur son père, sur sa tante, sur ses cousines, ou même sur Léo... C'était une tâche impossible, et pourtant il voulait qu'elle soit la sienne.

Avec une légère hésitation, Andrew se rapprocha et prit sa tante dans ses bras. Il avait besoin de cette brève étreinte, qui ne changeait rien à leur situation mais lui faisait tout de même du bien. Il ne s'écarta qu'après plusieurs secondes, toujours hésitant.

-Je crois que je ferais bien d'y aller.

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