Âmes torturées toujours se trouvent | Vincent

S

e promener dans les bois, à notre terre, était un pari. Car il n’y avait rien de plus dangereux, que l’obscurité qui régnait dans les sous-bois, et toute les créatures qui y pullulaient, gueule béante, en attendant qu’une victime leur tombe dans les bras.
Cela était dangereux, pour les proies, mais Jean était tout en haut de la chaîne alimentaire. Le prédateur, le monstre sous l’oreiller.
Et elle adorait ça.

Pourtant la voilà qui suivait un mortel sous sa forme de petite chauve-souris, s’assurant que le garçon-fée arrive en un seul morceau à leur lieu de réunion. Cela faisait un moment, qu’elle le connaissait. Elle se souvenait parfaitement de leur première rencontre, alors qu’elle l’avait trouvé dans ces mêmes bois, au milieu de la nuit, en pleurs après une terrible vision. Il l’avait intriguée, la détresse qu’il dégageait. Le paradoxe, entre candeur et profonde maturité due à ces visions qu’un enfant n’aurait pas dû à affronter.

Elle était infiniment supérieure à cette fée naïve. Infiniment plus âgée, aussi, que ce garçon, qui, pourtant, lui ressemblait. C'était pour cela que Jean s'était sentie attirée vers lui. Il avait cette part d'ombre, ce nuage étouffant de souffrance qui lui rendait la vie impossible. Il ne se sentait pas à sa place, dans son corps, dans sa vie.
Il était comme Jean, d'une certaine façon, tout en étant tellement différent.
Tellement pur, malgré son terrible pouvoir.

Elle ne savait pas toujours quoi penser de lui mais, ce qui était certain était que Jean se retrouvait plus souvent que non près du village ou dans la forêt, non loin de là ou Vincent se rendait lorsqu’il avait des insomnies. Comme cette nuit-là.

Elle se retransforme non loin de la clairière et ajuste sa tenue pour être irréprochable. Lorsqu’elle voyait Vincent, et elle était obligée de modifier un peu son style vestimentaire, car il aurait sûrement trouvé suspicieux qu’elle s’habille comme une femme vu son âge apparent. Quoique, peut-être qu’il aurait gobé ça aussi, il était désespérément naïf. « Bonsoir Vince. Encore une insomnie ? » Elle avait cette manie de se faufiler, telle une ombre, dans un silence absolu. A force de fréquenter les morts, on oubliait comment bouger comme un humain. Après six siècles, les habitudes étaient dures à perdre. Elle sort du sous-bois comme une ombre, peau pâle illuminée par la lune, doux sourire, image parfaite de la douce, innocente enfant. « Besoin de ma charmante compagnie pour te tenir éveiller ? » propose-t-elle sans la moindre modestie (elle ne connaissait pas ce mot). Jean s’approche lentement du garçon, qui ignorait tout d’elle alors qu’elle savait tout de lui. Se sentait-elle mal ? Avait-elle l’impression d’abuser de sa confiance ? Non. Ce n’était pas comme si elle l’approchait pour l’utiliser. Elle n’avait comme seul gain personnel que d’être témoin d’un malheur autre que le sien, mais, bizarrement, Vincent éveillait la plupart des quelques rares éclairs de compassion encore possibles dans son cœur désseché.

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J

ean sourit de plus belle lorsque Vincent sursaute. Comme toute proie qui se mérite... Car quand Jean chassait, elle aimait que ses victimes réalisent ce qui leur arrivait, que leur dernière vision soit celle d'une "enfant" démoniaque plantant ses crocs dans leur cou.. Du moins quant elle était dans ses "humeurs sadiques"... Oui, Jean adorait jouer avec sa nourriture. Sauf quand elle était déprimée.

Mais Vincent n'était pas a proie, et il était presque inquiétant qu'il n'ait jamais réellement peur, comme si la mort n'avait rien d'effrayant... Ce nuage noir qui entourait presque constamment l'enfant-fée était bien familier à la vampire... Et si les battements du cœur de Vincent et le sang pulsant dans ses veines la faisait facilement saliver, Jean se contenait. Elle n'était pas lasse de sa compagnie. Elle aimait avoir un compagnon de souffrance.

Elle glousse légèrement à la phrase de Vincent et s'assoit près de lui sur sa branche d'arbre, proche mais pas assez pour le toucher. « Comme quoi ? Qu'est-ce qu'une insomniaque à de mieux à faire en pleine nuit que la passer avec un autre insomniaque ? » Chasser, tuer, se cultiver, se perdre dans ses siècles de mémoire.... Bien des choses.

Mais ça, Vincent ne pouvait pas le savoir car Jean se gardait bien de lui dire que la raison de ses "insomnies" était qu'elle était un vampire... C'était l'une des rares personne avec qui elle n'éprouvait pas le besoin de mettre en avant sa suprématie d'âge et de race, avec qui elle se faisait passer pour ce qu'elle n'était pas, une enfant. Elle n'avait pas peur mais, l'ignorance de Vincent était agréable. Elle le comprenait parce qu'elle était comme lui, d'une certaine façon, il n'avait pas besoin d'en savoir plus. Ils étaient des créatures damnées, malheureuses, écartelées. Ils étaient les enfants perdus de l'univers, happés par une obscurité que les autres ne pouvaient pas même imaginer.

« Alors... Tu n'as toujours pas eu de vision sur ma personne ? » qu'elle demande, curieuse. Profondément curieuse. Il n'avait même pas vu sa tentative de suicide. Etais-ce parce qu'il ne pouvait pas voir les vampires ?

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