Réunion de famille ou règlement de compte ? | Les Baker

-E

h merde !

La douce voix de Jane résonna dans toute la maison tandis qu'elle s'évertuait du mieux qu'elle pouvait à sauver le plat qu'elle avait passé la journée à élaborer, tout ça pour foirer la cuisson. Les légumes étaient trop cuits, le riz avait accroché à la casserole, et la viande sentait le rance... une catastrophe absolue. Sa maîtrise encore existante du feu n'aidait pas du tout à sauver la mise. Pour cela, il aurait fallu qu'elle ne se laisse pas distraire et qu'elle se montre plus assidue... Elle avait voulu jouer les cordons bleus alors qu'elle était à peine capable de faire cuire des pâtes... ça lui apprendrait.

Tout en tempêtant, elle partit en quête de son "plat de secours"... déplorable cuisinière, c'est sûr, elle avait au moins le mérite d'avoir conscience de cela et d'avoir prévu le coup. Bien sûr, vu les circonstances de ce dîner, elle aurait voulu être capable de déposer sur la table un plat qu'elle aurait préparé elle-même avec amour, mais ils se rattraperaient avec un produit de traiteur qui serait sans doute cent fois meilleur que tout ce qu'elle aurait éventuellement pu réussir dans tous les cas.

Avec agacement, Jane s'appliquait à ranger la cuisine, manifestement nerveuse. Heureusement, Edward était là pour l'épauler, sans quoi elle aurait sans doute déjà abandonné. Et pour cause... Déjà que les Baker n'avaient pas pour habitude de recevoir à dîner, quand ils le faisaient, il fallait que ce soit dans des circonstances où la situation avait quatre-vingt-dix-neuf pour cent de chances de dégénérer. Déjà, ça avait été le cas quand ils avaient invité sa mère... mais là, ce serait forcément pire. Parce que ce soir, les Baker au grand (petit) complet allaient être réunis autour de la même table.

Au moins, elle ne serait pas soupçonnée d'avoir cherché à les empoisonner, c'était un début. Ce dîner avait été son initiative, et Jane en était d'autant plus nerveuse. Pour des milliers de raisons, cette situation pourrait bien échapper à tout contrôle. Elle estimait qu'il était important qu'ils aient une conversation tous ensemble... à coeur ouvert... mais pas à couteau tiré, il fallait l'espérer.

A l'heure dite, la table était mise, l'odeur de brûlé avait été étouffée par quelques bougies parfumées et le repas était prêt. Ambre et Preston était ponctuelle. Jane prit le parti de leur ouvrir, accrochant au passage un sourire à ses lèvres. Ne restait plus qu'à espérer que cette petite réunion de famille ne soit pas juste un fiasco total et absolu.

-Bonsoir Preston, bonsoir Ambre. Entrez. Vous allez bien ?

Ambre tirait la tronche, mais au fond, Jane était sûr qu'elle tenait autant qu'elle à ce que ses frères communiquent. Elle aurait surtout voulu que Jane ne fasse pas partie du tableau. Mais ça... eh bien c'était cuit. Plus cuit que le plat qu'elle avait cramé.

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A

mbre était franchement plus que mitigée à la perspective de ce dîner. Certes, l'adolescente avait voulu que les circonstances offrent à ses frères de rester dans la même pièce plus de cinq minutes sans se sauter à la gorge, et elle se disait que sa présence - et celle de Jane, oui d'accord, elle voulait bien l'admettre - permettrait de jouer les intermédiaires. Mais elle n'était pas forcément la plus douée pour ce qui était de jouer les entremetteuses, cela dit. Elle était tout de même tout sauf ravie de passer une soirée entière à regarder Edward et Jane jouer les parfaits tourtereaux. Certes, elle préférait largement qu'ils fassent cela chez eux plutôt que chez elle, comme ça avait été le cas pendant de trop longs mois, mais ça ne changeait tout de même pas grand-chose à l'affaire. Ce n'était pas parce que les choses se présentaient de cette manière qu'elle comptait se montrer beaucoup plujs conciliante avec sa belle-soeur. Et l'idée de passer toute une soirée avec elle ne la ravissait absolument pas, définitivement pas.

Elle avait comblé la moindre possibilité de silence sur le trajet qui les avait conduits jusque devant la porte d'Edward et Jane tandis qu'elle cheminait jusque chez eux avec son frère. Pour elle, c'était une sorte d'entraînement - et heureusement, elle était particulièrement bavarde, c'était son truc. Elle parlait de tout, de rien, et plus encore pour ne rien dire. Mais surtout, elle voulait éviter le moindre silence gênant qui s'éterniserait sur des plombes et elle avait le sincère sentiment que c'était ce qui les attendait.

Si elle devait parler pour tout le monde, elle le ferait. Elle n'avait pas envie de faire l'animation, elle tenait surtout à ce que ce soit Preston et Edward qui parlent, mais elle les connaissait, du moins suffisamment pour savoir que ça n'allait pas être simple, et certainement pas une partie de plaisir. Ils arrivèrent donc finalement devant ladite porte et ce fut Jane qui ouvrit, bien vite rejointe par Edward. Pour l'instant, c'étaient civilités sur civilités : à voir si cette situation allait réellement durer ou non. Pour l'instant, elle avait presque le sentiment de dîner chez des étrangers tant la conversation était banale et formelle.

- Ca pourrait être pire, répondit Ambre quand Jane demanda comment ils allaient. On va voir si ça dure, ajouta-t-elle dans un haussement d'épaules avant de se laisser guider jusqu'à la salle à manger où la table était mise. A peine assise sur sa chaise, elle reprit la parole. Ca sent bizarrement bon, je parie que c'est pas vous qui avez cuisiné, suggéra-t-elle sans détour avant de remplir son verre d'eau sans attendre que quelqu'un l'invite à le faire. Bon, on brise la glace tout de suite où on passe le dîner à échanger des banalités à crever d'ennui ? Non, parce que voir Jane en parfaite petite ménagère, ça me file de l'urticaire.

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ane sentait bien qu'Edward était tendu - en même temps, il ne pouvait absolument rien lui cacher - mais elle sentait aussi, malgré tout, qu'il voulait faire des efforts, faire de son mieux pour que la situation s'apaise entre eux tous. Ce soir, ils hissaient le drapeau blanc, et même s'ils avaient tous des tempéraments de feu (Edward et elle n'en étaient pas les myrihandes pour rien), elle avait envie de croire qu'ils avaient tous, au fond d'eux, la même volonté que les choses s'améliorent : au-delà de la rancoeur et des ressentiments, il y avait tout de même beaucoup d'amour au sein de cette famille, et Jane espérait de tout coeur que ce serait ce sentiment qui finirait par primer au-delà de tous les autres.

-Eh bien, ça va bien, ça me fait plaisir que vous soyez là, répondit Jane à Preston, déjà soulagée de voir que, tout comme Edward qui avait accueilli son frère et sa soeur avec certes un peu de distance mais amabilité tout de même, il avait l'air de vouloir mettre de l'eau dans son vin.

Quelle étrange position que celle de médiatrice ! Jane n'était vraiment pas certaine que ce soit le rôle approprié pour elle. Et pour cause, elle avait tout de même beaucoup plus souvent tendance à provoquer les conflits qu'à les résoudre. Mais bon, elle était capable de beaucoup quand c'était pour Edward, et cela allait naturellement s'étendre à sa nouvelle famille, c'était ainsi. Elle ne savait pas combien de temps elle parviendrait à tenir ce rôle sans finir par commettre une de ses proverbiales maladresses, mais elle avait quand même l'intention de faire du mieux qu'elle pouvait.

-Non non, elle a raison, répondit Jane qui ne le pensait pas le moins du monde et essayait du mieux qu'elle le pouvait de ne pas sauter à la gorge d'Ambre en retour. Elle se devait d'être la plus mature des deux, pas vrai ? En l'occurrence, elle devait quand même lui reconnaître ça : oui, il était essentiel de briser la glace d'entrée de jeu, même si l'agressivité et les remarques déplaisantes n'étaient pas forcément la bonne méthode. J'avoue que moi aussi je suis pas spécialement à l'aise dans mon rôle de ménagère. Et t'as absolument raison, Ambre, j'ai absolument pas cuisiné le repas, et croyez-moi, c'est mieux pour tout le monde. Vous n'avez aucune envie de voir à quoi ressemble la cuisine en ce moment. Elle eut un léger rire nerveux. Elle s'offrit de servir à boire à tout le monde en reprenant la parole. On ne va pas faire comme si on ne savait pas pourquoi on était tous là, pas vrai... Je crois... qu'on devrait tous se dire une bonne fois pour toutes ce qu'on a sur le coeur, afin de... d'apaiser les tensions une bonne fois pour toutes, vous voyez ?

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