Moins un homme sent son mal, plus il est malade. (Eponine)

É

ponine était quelqu'un d'infiniment pragmatique, une scientifique convaincue. En ces temps troublés où notre terre souffrait d'un mal infectieux de plus en plus répandu, le mot d'ordre aurait dû pour elle être la prudence, en toutes circonstances... Sauf que la jeune femme n'avait accordé aucune importance à cette maladie qu'elle avait choisi de considérer comme lointaine, parmi ces choses qui n'arrivent qu'aux autres... tout simplement parce que sa vie connaissait déjà bien assez de bouleversements comme cela pour s'imaginer que ce nouveau mal puisse avoir une nouvelle incidence dramatique sur son existence. Elle aurait dû apercevoir les signes, elle aurait dû comprendre, son instinct aurait dû se mettre en branle et elle aurait dû deviner... Mais ça n'avait pas été le cas. Oui, bien sûr, elle avait constaté que son petit ami n'était pas très bien, mais elle n'avait pas un seul instant fait le lien avec cette maladie. En d'autres circonstances, elle aurait peut-être directement compris, mais là, elle avait simplement songé que cette période n'était pas propice à la santé du jeune homme : il venait d'apprendre que son frère sortait avec une créature, que cette créature lui avait sauvé la vie. Il faisait face à un dilemme tel qu'il ne pensait pas en connaître un jour, c'était normal qu'il soit chamboulé, qu'il ne soit pas bien... et elle, de son côté, faisait de son mieux pour le soutenir, même si elle savait qu'elle était en partie responsable de son mal, parce qu'elle lui avait menti, parce qu'elle avait le sentiment de ne pas savoir le soutenir comme il le fallait...  Elle ne savait pas vraiment comment réagir vis-à-vis de lui, depuis ses révélations. Elle savait qu'elle ne pouvait qu'être présente et lui laisser du temps, c'est tout, mais elle se sentait tellement impuissante par rapport à lui...

Ils se promenaient sur le port, un moyen comme un autre de tenter d'échapper à la chaleur insoutenable qui pesait sur le village ces temps derniers. Malheureusement, ça ne fonctionnait qu'à moitié, Éponine mourrait de chaud. Elle ne tarda pas à s'installer à côté de Aaron pour mettre également ses pieds dans l'eau. C'était agréable, même si l'apaisement était tout relatif. Ce fut alors que le jeune homme fut pris d'une quinte de toux, aussitôt, la jeune femme sentit l'angoisse lui étreindre le cœur, elle avait compris, en même temps que Aaron, elle avait compris.

-Qu'est-ce qu'il y a ? Est-ce que ça va ?

Ce qu'il y avait, elle s'en doutait, malheureusement, et la réaction de Aaron ne laissait pas mille interprétations possibles. Il était malade. Vraiment malade. Elle déposa doucement sa main sur la sienne, elle avait peur... Ils n'avaient pas besoin de ça, vraiment pas. Et surtout, Aaron ne méritait pas ça... Cette épreuve supplémentaire était celle de trop. Ils ne méritaient vraiment pas ça.

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A

aron n'avait en soi pas vraiment besoin de le lui préciser, Éponine ne le voyait malheureusement que trop bien, Aaron n'allait pas bien, il allait mal, suffisamment pour qu'elle devine ces signes qui ne pouvaient pas tromper : s'il ne souffrait pas de la maladie qui se répandait sur notre terre, il le pensait tout du moins... Et à dire vrai... cette pensée partagée avant peu de chances d'être niée. Ce n'était pas une grosse grippe, ce n'était pas une crève qui finirait par passer. C'était pire, bien pire. La jeune femme ne se formalisa pas quand il retira sa main de la sienne. Elle savait bien que c'était par crainte de la contaminer... Mais pour l'heure, à vrai dire, elle se fichait bien d'être contaminée ou non. Il n'y avait que lui qui importait. S'il avait contracté la maladie, il y avait de toute façon de fortes chances pour qu'elle-même soit déjà atteinte, elle n'en ressentait peut-être pas les effets encore, tout simplement, ce qui ne voulait rien dire. Elle ne chercha pas à récupérer sa main malgré tout, elle n'avait pas envie qu'il se concentre sur autre chose que sur son propre état pour le moment, il ne faisait aucun doute que c'était là la priorité absolue. Elle retint donc alors son envie de le serrer dans ses bras pour le rassurer et accepta de maintenir une certaine distance, même si c'était loin de lui plaire. Si les choses empiraient, peut-être que tout s'arrêteraient très vite, et une distance de quelques mètres deviendrait un fossé infranchissable. Non, il ne fallait pas qu'elle laisse de telles pensées l'envahir. Elle devait être positive. Positive... Ils allaient trouver une solution. Et ils trouveraient un remède.

-Et où est-ce que tu voudrais aller ? demanda-t-elle, la voix légèrement tremblante. Elle n'aimait pas, vraiment pas, ce qu'elle voyait se profiler. Malheureusement, ils n'avaient pas trop le choix. Tu ne peux pas retourner chez toi... Mieux valait qu'il la mette en danger elle que sa famille au grand complet, non ? Oui, bien sûr que oui. De toute façon, sa maison, maintenant, devait ne plus être ce qu'on pourrait qualifier de saine et d'hermétique à la maladie. Reste chez moi, je trouverais un endroit où habiter le temps... elle prit une grande inspiration, elle n'aimait vraiment pas ce qui était en train de se profiler. le temps que tu guérisses.

Elle, en attendant, pourrait toujours se réfugier chez Lena (ou Norah, mais elle n'y comptait pas trop, vu l'état de leur relation ces derniers temps) ou, à la limite, chez ses parents (même si leurs relations étaient plus que houleuses depuis que la jeune femme avait appris avoir été adoptée, mais à ce stade)... Ceci dit, elle ne s'imaginait pas isoler Aaron chez elle sans avoir la possibilité de venir le voir. L'air de rien, ce serait d'autant plus difficile maintenant qu'elle avait pris l'habitude de passer tout son temps avec lui. Pour la première fois de sa vie, elle n'avait vraiment pas envie d'être seule. Elle voulait rester avec lui. Elle serait prête à souffrir du même mal que lui, pour ça.

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O

ù irait-elle ? Ponine ne savait pas encore. Cette situation lui tombait dessus comme une enclume au-dessus de sa tête. Elle savait bien que ce n'était rien en comparaison de ce que son petit ami était en train de subir, mais elle se sentait aussi décontenancée qu'impuissante, vraiment, et elle n'aimait pas du tout ce sentiment. Elle éprouvait une réelle angoisse, et même son envie de rationaliser les choses ne suffisait pas à la situation. Elle semblait inextricable, et ça lui faisait peur. Elle ne savait pas où aller, non, mais elle trouverait bien quelqu'un chez qui se réfugier... Lena, sans doute, serait heureuse de l'héberger, même si apprendre son existence à Aaron ne lui plaisait pas forcément. Ou bien, elle pourrait aller trouver sa nouvelle famille, eux ne demanderaient qu'à l'aider. Elle ne savait pas, non, mais elle trouverait quoi qu'il en soit. Ce n'était pas ce qui serait le plus difficile. Le plus difficile serait de rester loin de Aaron, car pour le moment, elle ne demandait qu'à rester auprès de l'homme qu'elle aimait sans se soucier des risques. Sauf qu'il ne la laisserait pas faire, et elle ne l'aiderait pas efficacement en se laissant contaminer, elle le savait.

-Je trouverai bien, ne t'en fais pas pour moi.

Surtout pas. Ce n'était pas à lui de s'en faire pour elle, c'était tout l'inverse. Et par tous les moyens possible, elle l'aiderait, même si elle ne pourrait le faire qu'à distance. La jeune femme avait envie de prendre des risques, si c'était pour Aaron, mais elle savait qu'il n'était pas temps de le laisser s'inquiéter pour elle. Il ne devait se soucier que de lui pour le moment. Il devait être au cœur de leurs priorités respectives. Lui et sa guérison, c'était absolument tout ce qui comptait.

-Et je serai prudente, affirma-t-elle pour le rassurer.

Même si en étant toujours là, présente à ses côtés, elle n'était pas si prudente que cela, elle prenait des risques... mais elle ne se voyait pas faire autrement. Elle n'avait pas envie de le laisser, surtout pas, vraiment pas. Déjà qu'elle se retenait de le serrer dans ses bras et de l'embrasser. C'était horrible, au moment d'avoir besoin de le sentir si proche, de savoir que le plus raisonnable était de s'éloigner.

-On peut... trouver quelqu'un pour s'occuper de toi... quelqu'un qui ne risquerait rien, risqua-t-elle, hésitante, appréhendant d'avance la réaction de son petit ami.

Elle ne pourrait pas veiller sur lui, mais il faudrait bien que quelqu'un le fasse. Certaines personnes étaient immunisées contre la maladie, c'était un fait. Cette catégorie de personne que Aaron avait en horreur, mais dont le salut pouvait bien finir par dépendre. Parmi eux, Eponine songeait à une personne en particulier... mais ça, Aaron allait encore moins l'aimer.

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E

ponine ne s'était pas fait d'illusions, bien sûr, elle savait pertinemment que sa suggestion n'allait pas plaire à Aaron, et c'était parfaitement normal au vu de l'opinion catégorique que le jeune homme se faisait des créatures et qu'elle ne bouleverserait pas en un claquement de doigts sous le prétexte qu'il était malade. Lui qui lui avait affirmé, à un moment où il ne pouvait qu'être honnête, qu'il serait capable de la tuer si elle devenait une créature, ne pouvait certainement pas vouloir que son sort repose entre les mains de l'une d'entre elles. Il le prendrait certainement comme une humiliation autant que comme une trahison à tous ses principes. Eponine n'avait pas envie d'ajouter de l'huile sur le feu, vraiment pas, la relation de son frère avec Penny était déjà difficile à supporter pour lui, mais là, ce n'était pas son égo ou même sa place au sein de sa famille, qui était en jeu, c'était sa vie. Et pour Eponine, cela changeait la donne. Alors qu'elle le voyait tousser à s'en arracher la gorge, il est certain qu'elle n'allait pas simplement l'abandonner à son sort comme si de rien n'était. Sa suggestion était peut-être la seule qui serait susceptible de lui accorder un espoir de guérison. Alors en vérité, si la jeune femme avait employé le ton de l'hypothèse, elle n'avait pas forcément l'intention de laisser le choix au jeune homme. Elle ne laisserait certainement pas partir l'homme qu'elle aimait au nom de son orgueil. Elle avait bien l'intention de faire tout son possible pour qu'il survive au mal qui le rongeait. Décidée, elle se rapprocha de Aaron en dépit de ses avertissements pour s'installer au plus près de lui. Pour l'heure, elle se fichait royalement des risques encourus, il n'y avait que lui qui comptait.

- Alors dans ce cas, c'est moi qui prendrais soin de toi. Et n'essaie pas de m'en dissuader. Elle tourna son regard vers lui. Je vais me battre pour toi, Aaron, que tu le veuilles ou non.

Et son ton était sincère. Il y avait une part réelle de stratégie, dans son propos. Elle espérait, au fond, que pour la protéger elle, il accepterait la présence de Penny à son chevet, mais s'il devait refuser pour de bon cette solution, alors elle s'occuperait de lui, contre son gré, peu importe, quitte à tomber malade à son tour. Ça lui serait bien égal d'être bien portante, de toute façon, si elle devait perdre Aaron. À son contact, sa vie avait changé du tout au tout, et elle n'avait pas envie de revenir en arrière. Sans lui, continuer ne lui semblait pas avoir de sens. Alors s'il le fallait, oui, elle tiendrait le rôle qu'il refusait à ces créatures qui, pour toutes celles qu'il avait tuées, pourraient bien lui sauver la vie, cette fois.

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ponine savait bien que la méthode qu'elle employait vis-à-vis de son petit ami était parfaitement déloyale, d'autant plus que le jeune homme était très faible, son état était en train de se dégrader sous ses yeux à une vitesse alarmante, et qu'il n'était pas forcément en mesure de soutenir le moindre débat avec elle. Mais elle s'en fichait que ses méthodes soient déloyales, parce que tout ce qui importait, c'était la santé de l'homme qu'elle aimait, sa survie, même. Et son petit "chantage" était réel, en effet. Elle aurait bel et bien soutenu le jeune homme physiquement s'il avait refusé qu'une créature le prenne en charge, elle aurait pris soin de lui en se fichant de sa propre santé. En tous cas, Ponine avait obtenu gain de cause, et un léger sourire s'afficha aussitôt sur ses lèvres. Elle n'était pas folle d'enthousiasme, parce que la situation était tout de même grave, mais au moins, elle pouvait caresser le vague espoir que son état s'améliore, parce qu'il serait soutenu au quotidien par quelqu'un qu'il ne contaminerait pas. Ce ne serait pas une partie de plaisir pour lui, ça allait à l'encontre de tous ses principes, mais Ponine l'assumait tant que son petit ami augmentait ses chances de s'en sortir. Elle devait reconnaître qu'en plus de se sentir soulagée, elle éprouvait une certaine fierté à l'idée qu'il accepte de faire une telle concession (et ce n'était vraiment pas une concession de rien du tout) pour elle. Ça la touchait, ça la touchait réellement. Elle acceptait beaucoup de choses pour lui, mais lui aussi pour elle. Il lui adressait, en l'occurrence, la plus belle preuve d'amour qu'il lui ait jamais accordé. Et ça comptait pour elle, même si elle aurait aimé des circonstances moins dramatiques, pour cela.

-Merci, répondit-elle sincèrement, consciente du fait que Aaron n'acceptait vraiment pas de gaité de cœur. Ça compte beaucoup pour moi, ajouta-t-elle, tout simplement parce qu'il comptait plus que tout pour elle. Elle hésita à lui communiquer le nom de la créature à laquelle elle pensait, mais elle décida de ne pas en rajouter. S'il le lui demandait, elle répondrait sincèrement. Sinon... ils verraient. Chaque chose en son temps. Je vais tout faire pour que tu guérisse le plus vite possible. Elle ne savait pas comment, elle ne savait pas de quelle manière, mais il le fallait, alors elle le ferait. Elle le lui avait dit et elle le pensait : elle se battrait pour lui. Je t'aime.

S'il y avait un moment au cours duquel elle pensait important, pour ne pas dire indispensable, de le lui dire, c'était maintenant, parce qu'elle voulait qu'il comprenne que tout ce qu'elle faisait, même ce qui pouvait lui sembler déplaisant, elle le faisait parce qu'elle l'aimait. Aussi parce que ces mots, s'ils n'avaient plus l'opportunité de se voir, allaient sans doute se faire rares.

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ponine serra fermement la main d'Aaron dans la sienne. Elle savait pertinemment qu'ils ne devaient pas s'autoriser un tel contact, mais elle s'en fichait pertinemment. Si Ponine n'avait jamais été quelqu'un de très tactile, s'il y avait bien un moment où elle voudrait pouvoir abreuver Aaron de gestes rassurants, c'était maintenant. Mais c'était parfaitement impossible, bien sûr. Elle ne pouvait pas le serrer dans ses bras, elle ne pouvait se contenter que de ce geste interdit, et elle espérait lui communiquer autant de tendresse que possible, ainsi qu'un peu d'espoir. Si elle devait en payer le prix fort, si elle devait tomber malade elle aussi, ça lui serait égal. Cet instant partagé méritait bien qu'elle prenne des risques. Songer qu'elle allait devoir l'éviter dans les temps à venir, c'était déjà vraiment beaucoup trop pour elle. Elle sourit avec douceur quand son interlocuteur lui répondit qu'il l'aimait aussi. Elle savait pertinemment que c'était vrai. Elle n'avait aucun doute quant à leurs sentiments respectifs, ils ne se les étaient que trop prouvées. Mais c'était tout de même agréable, vraiment très agréable de l'entendre, surtout qu'elle ne savait pas quand il pourrait prononcer ces mots à nouveau. Elle aurait aimé rester sur ces déclarations, que rien ne soit ajouté de plus, car elle savait bien que la suite de leur conversation risquait fort d'être houleuse. Si c'était déjà un exploit que Aaron accepte d'être soigné par une créature, lui faire accepter la créature en particulier qu'elle avait à l'esprit, c'était une autre paire de manche. Elle ne savait vraiment pas comment Aaron allait réagir, mais d'avance, elle n'était pas très rassurée.

-J'ai une idée, oui... annonça-t-elle avec prudence. Elle avait bien envie de se dégonfler et d'annoncer un autre nom, mais elle ne le pouvait pas. Outre le fait que donner d'autres noms, c'était mettre en danger les quelques créatures qu'elle connaissait et avec lesquelles elles s'entendaient, elle ne demanderait jamais à Lena, par exemple, de soigner un chasseur qui n'hésiterait pas à l'assassiner en d'autres circonstances. Penny accepterait de te soigner, si je lui apprenais la situation. Elle prit une grande inspiration, elle savait d'avance que ça n'allait pas être simple de faire avaler ça à son petit ami. Ce avait déjà été compliqué de lui apprendre qu'elle connaissait la relation "contre-nature" de son frère, et l'élue du cœur de ce dernier. Je pense que ton frère doit être mis au courant de toute façon.

Car quel que soit l'état de leur relation, Eponine savait qu'Aaron tenait à Andrew, et que la réciproque était vrai, elle ne pouvait le tenir à l'écart de ce qui se passait. Si Andrew devait tomber malade, elle était certaine que Aaron voudrait en être informé. Et puis, qui sait, Aaron apprécierait peut-être mieux Penny en apprenant ainsi à la connaître.

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ponine serra les dents quand Aaron affirma que son frère pouvait bien aller se faire voir. Au fond, elle espérait vraiment qu'il ne pensait pas ce qu'il disait. C'est sûr, Ponine ne connaissait pas vraiment Andrew, elle ne lui avait parlé que la fois ou Aaron les avait présentés, mais elle savait combien il comptait pour son petit ami, ou combien il avait compté, en tout cas, avant de cruellement le décevoir, elle voudrait vraiment que les deux frères se réconcilient, et surtout, qu'Aaron comprenne les choix de son aîné, qu'il apprenne à apprécier Penny comme elle-même l'avait fait bien malgré elle... Mais c'était des espoirs bien trop importants, qu'elle formulait là, et elle savait bien que c'était loin d'être aussi simple pour son petit ami. Pour autant, ce n'était de toute façon pas comme si elle envisageait une autre solution. Il fallait que quelqu'un soigne Aaron, ce quelqu'un devait être une créature, et elle n'imaginait pas qu'une autre créature que Penny accepterait de venir au secours d'un chasseur... Ça ne lui plaisait pas, c'était évident, et Ponine n'appréciait pas de lui imposer de telles choses alors qu'elle voulait toujours affirmer qu'elle accepterait tous ses choix. Si elle lui imposait tous les siens, alors elle lui mentait, elle le manipulait. Elle poussa un léger soupir. L'ennui, c'est qu'elle ne voyait vraiment pas d'autres solutions. Ou bien, il faudrait en revenir à sa suggestion de départ. Elle s'occuperait de lui par elle-même. Mais il refuserait, bien sûr. Le proposer de nouveau, même si c'était sincère, aurait forcément des allures de chantage, et elle ne pourrait pas réellement le reprocher au jeune homme.

-Je sais... Si j'avais une autre idée, n'importe laquelle, je te jure que je ne te proposerai pas ça... mais je vois pas d'autre solution. Elle baissa doucement les yeux. Je veux juste que tu t'en sortes, c'est tout... Je le supporterais pas, s'il t'arrivait quoi que ce soit...

Une fois encore, ce pouvait quelque peu sembler être du chantage affectif, mais elle ne cherchait pas à l'attendrir ou à l'apitoyer. Elle se contentait d'être parfaitement honnête. Eponine ne savait effectivement pas ce qu'elle ferait s'il devait arriver quelque chose à Aaron... Au-delà de ce qui lui arrivait déjà, parce qu'on ne pouvait pas dire que la maladie dont il souffrait n'était pas rien. Elle voulait simplement éviter qu'il se laisse mourir parce qu'il ne se laissait pas aider par les seules personnes à même de le faire. Aaron avait pris une importance immense dans sa vie, elle n'avait jamais envie d'éprouver ça, pour personne. La jeune femme n'avait pas envie peur de perdre ça, elle n'avait pas envie de le perdre tout court. Ce qu'ils avaient était rare et précieux. Cela méritait certaines concessions, à ses yeux.

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ponine savait pertinemment que la proposition (qui n'était pas vraiment une proposition d'ailleurs, car elle ne lui laissait pas vraiment le choix) qu'elle faisait à son petit ami n'avait rien de simple pour lui, et le confrontait à des dilemmes moraux imposés de longue date par son éducation, elle savait bien qu'il prenait sur lui pour respecter sa volonté... Elle se disait également qu'il n'aurait peut-être pas fait cet effort s'il avait été seul... peut-être aurait-il pris la décision de ne pas se laisser soigner du tout, de ne dépendre de personne... S'il acceptait que l'on prenne soin de lui, s'il acceptait de fermer les yeux sur ses convictions les plus profondes, elle devinait que ce n'était pas seulement parce qu'il espérait survivre, vaincre la maladie, ce n'était peut-être même pas du tout pour cela, il le faisait pour elle, parce qu'il savait, en effet, qu'elle ne serait pas capable de supporter qu'il lui arrive quoi que ce soit... Parce qu'elle ne serait pas capable de lui survivre, même, peut-être. Ponine s'était toujours pensée forte, indépendante, autonome, ce n'était plus le cas depuis que Aaron était entré dans sa vie. Il comptait bien plus à ses yeux que quoi que ce soit d'autre, y compris elle-même, et il est certain que si le jeune homme ne devait pas survivre à la maladie... il n'était pas certain qu'elle-même veuille lui survivre à lui. En fait non, elle ne voulait pas lui survivre ? C'était sûrement excessif, comme manière de voir les choses (ça l'était même carrément), mais à quoi ça rimerait, de continuer s'il n'était plus là ? Les choses n'avaient pas réellement eu de sens avant lui, aucun risque qu'elles en aient après lui. Il fallait qu'il survive, oui, et pour cela, il n'y avait pas mille solutions. Et Aaron accepta de l'admettre lui aussi. Eponine esquissa un fin sourire, elle s'en voulait de lui infliger cette proposition en plus de tout ce qu'il souffrait déjà, mais elle était soulagée qu'il accepte sa proposition. Elle se sentait à présent animée du fin espoir que les choses s'améliorent, même si ce ne serait sans doute pas si simple. Ponine ne sut trop quoi répondre. Affirmer une fois encore que oui, il n'y avait pas d'autre solution n'était pas nécessaire. Il le savait forcément, même s'il se permettait une réponse qui ne soit pas trop définitive... Sans doute plus par fierté qu'autre chose. Elle irait voir Penny, c'était ça ce que ça voulait dire.

-Merci, souffla-t-elle alors, ce simple mot était le seul qui sache s'échapper de ses lèvres, mais c'était finalement le plus juste aussi. C'était réellement de la gratitude qu'elle éprouvait à la perspective de pouvoir l'aider, à l'idée qu'il la laisse faire dans l'espoir d'être guéri bien sûr, mais aussi par amour pour elle, c'était sans doute la plus belle preuve de son affection qu'il pouvait bien lui donner. J'aimerais tellement pouvoir te serrer dans mes bras..., observa-t-elle ensuite.

Là, maintenant, elle en aurait effectivement diablement besoin.

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E

ponine afficha un sourire un peu triste quand Aaron affirma que, lui aussi, aurait voulu la serrer dans ses bas. Elle appréciait de l'entendre dire, mais elle apprécierait plus encore de pouvoir le faire. Le savoir si proche de lui, le voir ainsi sans pouvoir le toucher, l'approcher... songer qu'elle n'en aurait peut-être jamais l'occasion... c'était horrible. Elle n'aurait jamais penser que ne pas pouvoir serrer quelqu'un contre elle lui fera autant de mal, et pourtant, c'était bel et bien le cas. Elle mourait d'envie de mettre à mal toutes ces résolutions quand même, mais elle savait que ce n'était pas une bonne chose. Ça ne la dérangeait pas, en soi, de tomber malade si Aaron de son côté ne devait pas guérir, mais elle ne pouvait pas lui faire ça. Elle savait qu'il se sentirait forcément responsable, et qu'il ne se le pardonnerait pas si elle devait souffrir du même mal que lui. Mieux valait prendre le moins de risque possible... même si Aaron méritait à ses yeux qu'elle prenne tous les risques du monde pour lui. Elle sentit son cœur se serrer quand Aaron lui affirma qu'il valait mieux qu'il rentre. Oui, bien sûr, il le fallait. Aaron était mal, il était primordial qu'il prenne soin de lui et se repose, mais en repartant, elle allait devoir le laisser, et elle ne saurait pas quand ils auraient l'occasion de se revoir, s'ils avaient l'occasion de se revoir... Mais il avait raison, il fallait qu'ils se résignent tous les deux, elle se redressa pour lui faire comprendre qu'elle approuvait son propos, même si elle était loin de s'enthousiasmer à l'idée qu'ils se séparent déjà. Elle se sentait horriblement mal. Elle avait l'impression que son cœur ne serait plus capable de battre un seul instant tant que le jeune homme n'irait pas mieux.

-Oui, il faut que tu te reposes, reconnut-elle à contrecœur, en tentant d'amorcer une esquisse de sourire, qui ressembla bien davantage à une grimace, car il lui était vraiment difficile de faire bonne figure, là. Elle se sentait vraiment trop mal. Je vais t'accompagner, ajouta-t-elle, qui ne pouvait vraiment pas l'abandonner maintenant, d'une part parce qu'elle ne se voyait vraiment pas le laisser partir seul alors qu'il était au plus mal, d'autre part parce qu'elle n'était pas prête à l'abandonner tout de suite. Il faut que j'aille chercher quelques affaires, de toute façon, ajouta-t-elle, surtout pour convaincre Aaron de la laisser l'accompagner, même si chaque minute de plus qu'elle passait auprès d'elle était une nouvelle imprudence.

Mais après tout, quand auraient-ils encore l'occasion d'être imprudents ? Elle craignait que cela n'arrive plus avant longtemps, ou même que cela n'arrive plus du tout, et ça, c'était une pensée bien trop horrible pour elle pour qu'elle sache réellement la supporter. C'était au-dessus de ses forces.

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