Les marraines ne sont pas toutes des bonnes fées [pv Cordelia]

I

l y avait longtemps que Perséphone, dépassée par les nombreux événements auxquels elle avait fait face, n'avait pas pris le temps de voir Cordelia. Elle avait donc donné rendez-vous à sa marraine à la lisière de la forêt, profitant de devoir au passage y faire quelques réserves.

Depuis qu'elle bénéficiait du soutien de Julian (et un temps de Dean, même si à l'heure actuelle, elle préfèrerait ne plus croiser sa route), elle avait vraiment le sentiment d'avoir fait de sérieux progrès, pas seulement dans sa magie, mais également dans toutes les techniques qu'il fallait employer, comme elle parvenait avec bien plus de facilité maintenant à repérer les ingrédients qui pouvaient lui permettre de composer des potions un peu plus puissantes que celles dont elle avait l'habitude. Perséphone réalisait qu'elle avait des compétences, et qu'elle les avait brimées pendant beaucoup trop longtemps et ce n'était pas faute pourtant d'avoir eu à ses côtés des sorciers très compétents, et tout disposés à l'aider à s'améliorer.

À commencer par Cordelia, d'ailleurs, que Perséphone ne pouvait considérer que comme son mentor dans ce domaine. Raison pour laquelle elle s'en voulait un peu de l'avoir laissée si longtemps sans nouvelles, et d'avoir privilégié l'aide de son cousin plutôt que celle de sa marraine. Mais elle avait agi dans l'urgence, et aussi... puisque Cordelia était une amie de ses parents (contrairement à Julian qui était le mouton noir de la famille), elle avait un peu redouté qu'elle soit de connivence avec eux, même si rétrospectivement, elle trouvait cette possibilité plutôt idiote.

Qu'à cela ne tienne, elle avait la ferme intention de se rattraper, et c'est pour cette raison qu'elle avait voulu voir Cordelia (outre le fait qu'elles ne s'étaient pas vues depuis longtemps et qu'elle lui manquait). Elle avait hâte de lui montrer ses progrès, d'entendre ses conseils, et de lui montrer son laboratoire improvisé. C'est les bras chargé d'un panier rempli de champignons et herbes divers qu'elle attendait sa marraine, et un large sourire s'afficha sur son visage en la voyant approcher.

-Salut ! Ça me fait tellement plaisir de te revoir. fit-elle en se retenant de se jeter dans les bras de Cordelia. Pas sûr qu'elle apprécie la démonstration d'affection. Et bon, elle n'avait plus quatre ans non plus, même si elle avait la naïveté d'une simple gamine, bien souvent. Désolée de pas trop avoir donné de nouvelle. se sentit-elle obligée d'ajouter, alors même que Cordelia s'en moquait peut-être. C'était un peu... mouvementé, ces derniers temps.

Ce dont Cordelia se douterait certainement, puisqu'elle n'était pas sans savoir que Perséphone avait accouché, définitivement réduite à un statut de fille-mère qui ne favorisait pas pour elle la meilleure des réputations au sein du village.

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erséphone avait le sentiment que Cordelia était vexée... ou en tout cas un peu plus froide que d'ordinaire. Mais au fond, ça pouvait très bien n'être qu'une impression de sa part, parce que si Cordelia ne reprocherait peut-être pas son silence à sa filleule, Perséphone, elle, culpabilisait beaucoup. Alors oui, c'était vrai, c'était un fait, sa vie était complètement bouleversée, mais au fond, la jeune sorcière aurait dû faire participer sa marraine à tous ces bouleversements. Enfin, même si elle ne pouvait pas revenir en arrière à présent, ce qu'elle pouvait faire en revanche, c'était se rattraper et se faire pardonner son comportement.

Cordelia ne lui faisait pas de reproche après tout, elle se contentait de lui demander pourquoi elle avait voulu la voir, alors même si la tentation de s'excuser par anticipation était grande, la jeune femme préférait largement se focaliser sur l'instant présent et faire en sorte que tout se passe au mieux, le plus sereinement et le plus agréablement du monde. Au fond, c'est vrai, Perséphone aurait voulu que sa marraine lui pose des questions, lui demande comment elle allait, ou comment allait Samuel, quelles étaient ses excuses exactement, ou encore qu'elle s'exprime à son propre sujet, mais chaque chose en son temps, après tout.

-Eh bien, déjà, tu me manques et j'avais envie de te voir, dit-elle des plus sincèrement, car en effet, c'était quand même là la raison première de sa volonté de revoir Cordelia. Ensuite, je me suis dit qu'on pourrait passer un peu de temps ensemble ? J'étais en train de chercher quelques ingrédients... Elle désigna d'un geste un peu maladroit le panier rempli d'herbes et de champignons qu'elle tenait à la main. Est-ce que ça te dirait de voir mon labo ?

Cela lui manquait, de partager ses expériences avec Cordelia, d'apprendre à son contact. Elle avait envie de retrouver ça, de bénéficier de ses lumières. Elle pensait avoir fait des progrès, mais elle savait qu'il lui restait encore un long chemin à faire avant de réussir à se distinguer par sa maîtrise de la magie. Cordelia était un véritable exemple, à ce titre, pour Perséphone, un modèle à suivre, et elle avait hâte de recueillir son opinion, en espérant qu'elle apprécierait ce qu'elle découvrirait et reconnaîtrait ses efforts, et surtout le fruit des efforts en question.

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erséphone, ce n'était pas nouveau, manquait cruellement de confiance en elle et à plus d'un niveau, alors forcément, quand les personnes qu'elle affectionnait le plus semblaient faire montre envers elle de ce qu'elle assimilait à de la froideur, elle n'arrivait qu'à se blâmer et à avoir le coeur serré. Elle n'aimait pas se mettre les autres à dos, elle n'aimait pas blesser ses proches, elle n'aimait pas ce genre de situation. Mais elle encaissait. Que faire d'autre ? Elle savait pertinemment qu'elle l'avait cherché. Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même si Cordelia décidait de lui adressait le minimum syndical en matière de sourires et de gestes engageants. Elle l'avait négligée.

Elle avait été égoïste et dans un premier temps, ça lui avait fait du bien, car à trop dépendre des autres, elle avait fini par se perdre en chemin. Seulement, ici et maintenant, elle n'avait pas envie non plus de perdre bêtement les personnes qui lui restaient, et qui surtout ne lui avaient jamais rien fait. Peut-être qu'elle se faisait des idées concernant Cordelia, mais dans tous les cas, Persy décidait de prendre sur elle et de ne pas céder à la bête envie de se lamenter parce qu'on lui rendait la monnaie de sa pièce. Elles avaient beaucoup de choses à rattraper, et c'était là-dessus que la jeune femme avait envie de se focaliser. Peut-être que Cordelia trouverait son laboratoire ridicule ou ses recherches à peine dignes d'intérêt (après tout, ce n'était pas nouveau que sa marraine était bien plus douée qu'elle), mais au moins, elle partagerait ses progrès, et avec un peu de chance, ça rétablirait le contact entre eux.

-Allons-y, alors, dit Perséphone dans un fin sourire en ouvrant la marche.

Elle la conduisit donc jusqu'à la demeure qui était à présent la sienne, et dont le bureau et le salon avait été entièrement transformés en laboratoire et en remises pour permettre à Perséphone de poursuivre ses expériences, le tout sécurisé comme il se doit afin que Samuel ne puisse en aucun cas y accéder.

-Et voilà. C'est là que je garde mes ingrédients, dit-elle en désignant la remise. Je les ai classés en fonction de leurs propriétés. Là c'est la bibliothèque ou je conserve mes ingrédients, là mes ustensiles... Elle se rapprocha de la table. Et là mon plan de travail. Et quelque part, Persy voulait que Cordelia soit fière d'elle. Tu veux boire quelque chose, au fait ?

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erséphone fit légèrement la moue en entendant la réponse de sa marraine. Ce n'était au fond rien en soi, et elle le savait pertinemment, tout comme elle savait qu'elle ne devrait pas tout surinterpréter sans cesse, mais dans le fond, eh bien, ça lui faisait franchement mal au coeur d'entendre Cordelia lui répondre avec tant de distance. Accepter qu'elle lui propose un verre, ce n'était pas grand-chose, mais elle s'était dit que ça détendrait l'atmosphère, et que ça prouverait également que sa marraine avait l'intention de restr un petit temps avec elle, pas juste de venir et de repartir aussitôt. Elle savait bien qu'elle l'avait cherché, au fond, mais on ne lui ôterait pas de l'esprit que sa situation avait été difficile, que son silence était excusable et compréhensible... en tout cas, elle aurait voulu qu'elle l'excuse et qu'elle le comprenne.

Mais soit, pas de boisson, donc. Ce n'était de toute façon pas pour ça que la jeune femme était là, elle était là pour découvrir son laboratoire, et qui sait, dans la foulée, l'avancement de ses expériences. Persy parvint à esquisser un fin sourire quand sa marraine admit que son laboratoire était plutôt bien agencé. Ce n'était pas le plus exceptionnel des compliments, mais au moins, c'était un compliment tout de même, et ça voulait quand même dire beaucoup aux yeux de la jeune fille. Elle ne devrait pas compter autant après l'approbation des autres et se satisfaire d'elle-même, elle en avait conscience, et c'était Julian le premier (alors qu'il faisait partie de ceux qu'elle avait justement peur de décevoir) qui l'exortait à se soustraire à l'opinion des autres, constamment. Mais elle ne pouvait pas lutter totalement contre son caractère. Elle voulait rendre sa marraine fière, et elle grapillait sa fierté où elle le pouvait.

-Je travaille sur une potion de connaissance, répondit-elle alors avec sérieux.

C'était un projet ambitieux, évidemment, et auquel beaucoup de sorciers bien plus expérimentés s'étaient frottés avant elle sans aucun succès, mais Perséphone avait compris qu'elle avait trop longtemps réduit le champ de ses compétences, elle préférait viser trop haut que pas assez. Une potion qui vous permettrait d'accumuler toutes les connaissances de cette terre, qui n'en désirerait pas, après tout ? Et puis, elle n'était pas la dernière des incapables... elle avait bien réussi à priver des myrihandes de leur pouvoir... bon, avec l'aide de son cousin, mais quand même.

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erséphone hocha la tête avec un sourire timide quand sa marraine observa qu'elle n'avait pas froid aux yeux. C'était le cas, en effet... et c'était nouveau. Il n'y a pas si longtemps, se lancer dans un projet si ambitieux lui aurait donné le vertige. Elle aurait bien vite admis ne pas être à la hauteur, et les choses se seraient arrêtées là, mais elle avait changé, et elle s'efforçait de changer encore, un peu plus chaque jour, pour devenir une sorcière digne de ce nom, pour être à la hauteur des attentes de ses proches, pour être à la hauteur de ses propres attentes vis-à-vis d'elle-même. Les projets les plus accessibles n'étaient pas les plus intéressants, loin de là... Alors même si ça devait lui prendre du temps, elle était déterminée à obtenir un résultat.

C'était parfois insatisfaisant de piétiner, de réessayer, encore et encore, mais ça faisait partie de l'expérience. Se cantonner à des projets basiques, qui réussissaient à coup sûr... ce n'était pas une option réellement intéressante. Elle avait besoin de progresser, de s'améliorer, et même si Perséphone n'arrivait pas à savoir si sa marraine était admirative ou moqueuse, elle avait quoi qu'il en soit envie qu'elle soutienne sa manière de faire et l'encourage dans cette voie autant que possible. Quand Cordelia qualifia son initiative d'intéressante, Perséphone se sentit un peu plus détendue. Elle aurait eu du mal à encaisser une remarque décourageante à l'heure actuelle. Bien sûr, elle devait mener ses propres expériences pour elle-même avant de se soucier de l'opinion d'autrui, mais ça restait tout de même plus facile à dire qu'à faire.

-J'en suis encore au début. Ce n'est pas encore vraiment concluant, mais je pense avoir déjà une base solide d'ingrédients à utiliser, maintenant, je teste surtout les dosages, l'ordre de préparation, aussi... J'imagine que ça va être une entreprise de longue haleine, mais ça me plaît.

Elle s'était découvert un caractère persévérant, et un certain goût pour le challenge, au bout du compte. Il lui manquait encore sans doute ce tempérament qui caractérisait Cordelia, Dean ou encore Julian et qui leur permettait d'aller encore un cran au-dessus, mais elle était jeune, après tout, alors cela pouvait bien finir par venir, d'une façon ou d'une autre.

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ntendre des paroles encourageantes de la part de sa marraine fit un bien fou à Perséphone. Elle le savait, on le lui avait déjà dit (Julian surtout), elle ne devait pas laisser ses émotions, ses choix et ses décisions de l'opinion d'autrui, tout comme elle ne devait pas attendre après l'aval de ses proches pour avancer. D'une manière ou d'une autre, elle serait toujours plus ou moins seule face à ses choix. C'était ainsi, et il fallait faire avec, qu'elle le veuille ou non... Cela dit, ça ne faisait jamais de mal de se laisser booster par les personnes dont l'opinion comptait pour vous.

Et, définitivement, l'opinion de Cordelia comptait énormément pour la jeune sorcière. Même si beaucoup d'étapes différentes l'avaient forgé, elle devait aussi beaucoup à cette femme, et elle ne l'oubliait. Elle tenait à prendre en considération le moindre de ses conseils et à les écouter le plus attentivement possible. Pour elle, c'était une chose hautement importante, et elle n'avait pas la moindre intention d'y déroger, peu importe les difficultés qu'elle pourrait éventuellement rencontrer.

Oui, elle était motivée, c'était un fait, et elle était heureuse que cela se voie, elle n'aurait pas apprécié que l'on prenne ses propos pour des paroles en l'air. Peut-être qu'elle était toujours un peu fragile, pas assez sûre d'elle, mais elle avait tout de même évolué, et elle était capable de beaucoup, de plus que ce que l'on avait bien pu soupçonner d'elle en tout cas. Et elle était d'accord, il ne fallait pas se laisser abattre et accepter de faire face à l'échec. Sur ce point, elle estimait être rodé, ce n'étaient pas les échecs qui avaient manqué à sa vie dernièrement. Pourtant, à chaque, fois, elle s'était relevée, et elle avait le sentiment que chaque coup du sort l'avait rendue plus forte que le précédent. Elle espérait ne pas se tromper sur ce point, mais après tout, même si elle se trompait, ce ne serait qu'un échec de plus à surmonter.

-Je n'ai pas l'intention d'abandonner, jamais, assura-t-elle avec détermination. Elle ne parlait pas seulement de son expérience actuelle en disant cela mais de l'attitude qu'elle avait à présent l'intention d'adopter au quotidien. Sur quoi tu travailles, toi ? demanda-t-elle en se disant que Cordelia serait peut-être plus disposée à lui parler à présent.

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ordelia commença par lui expliquer que ses projets étaient difficiles à expliquer, elle n'en était pas surprise, sa marraine ne choisissait jamais la solution de facilité, et c'était d'ailleurs une des raisons pour lesquelles la jeune femme l'admirait tant. Elle était douée, et elle ne se reposait jamais sur ses acquis. Elle s'imposait toujours de nouveaux défis, et elle s'arrangeait autant que faire se peut pour les relever. Avec brio, qui plus est. Perséphone, de son côté, n'en était pas encore complètement là.

Ses parents l'avaient si longtemps étouffée, sa mère surtout, de par leur inquiétude, qu'elle n'avait pu qu'assez tard s'intéresser à ses pouvoirs et en considérer l'ampleur. Elle avait dû revoir les bases, et elle n'avait pas ménagé ses efforts. A présent, elle se sentait plus à l'aise avec l'idée d'expérimenter, mais elle revenait de loin, et elle ne pourrait certainement pas se prétendre au niveau de Cordelia ou encore de Julian. Mais elle avait soif d'apprendre quoi qu'il en soit, et pour cela, elle comptait vraiment sur eux (même si se tourner vers l'un était occulter la volonté de l'autre, puisque les deux ne pouvaient pas s'encadrer, mais ça c'est une autre affaire).

Finalement, Cordelia lui expliqua les choses de façon très claire. Si l'énoncé était simple, l'enjeu était important. Plonger jusqu'aux origines de la magie, remonter à la source afin de décoder ce que leurs pouvoirs recelaient encore de secrets, c'était une initiative passionnante... et qui ne pouvait qu'être incroyablement complexe. Forcément, Perséphone était intéressée et intriguée, et elle ne pouvait que vouloir en savoir davantage. Cordelia pourrait bien décider de ne pas lui répondre, estimer qu'elle posait trop de questions, mais Persy avait toujours été curieuse, et elle ne réussissait tout simplement pas à étouffer cette curiosité.

-Si quelqu'un en est capable, c'est bien toi, répondit Persy, même pas pour brosser Cordelia dans le sens du poil, mais parce qu'elle le pensait, en toute bonne foi.

Bon, elle estimait que Julian aussi en serait capable, ou Dean Appers, mais ça, ce n'était pas forcément nécessaire de le dire non plus, pas vrai.

-Comment est-ce que tu procèdes ? demanda-t-elle.

Une telle entreprise, il devait être difficile de savoir par quel bout aborder le sujet. Perséphone ne savait pas si elle serait capable de s'atteler, pour sa part, à gravir une telle montagne. C'était une autre affaire.

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e que Cordelia lui apprenait, Perséphone l'avait déjà bien sûr plus ou moins deviné. Même si elle était loin d'avoir atteint le niveau de ses aînés en matière de magie, elle travaillait dur, pour des résultats parfois assez honorables, alors elle pensait ne plus être complètement une sorcière de seconde zone, quand bien même elle avait encore beaucoup à apprendre. Alors oui, elle se doutait que pour le moment, la manière de faire de Cordelia, c'était d'expérimenter. Mais il y avait des centaines de méthodes, et chaque sorcier ou presque avait la sienne, alors ce que Persy voulait vraiment savoir, c'était quel était le mode opératoire qu'utilisait sa marraine.

Mais même quand elle étaya son discours, Perséphone se sentit frustrée de la répondre de Cordelia. Cherchait-elle encore à la punir en lui en disant le moins possible ? Elle se doutait que, faute de résultat viable, sa marraine était forcément à une phase de test, à répertorier le résultat de ses différentes expériences et à recouper ses résultats entre eux. Mais ce que Persy voulait savoir... eh bien, c'était tout. Elle voulait connaître chaque mode opératoire, la nature de chaque échantillon, elle voulait se perdre dans l'étendue des notes que Cordelia aurait prises pour parvenir à ses fins. Même si Persy avait ses réserves, qui la restreignaient sans doute, notamment en ce qui concernait la magie noire, elle restait curieuse, et n'avait pas perdu son envie de s'améliorer. Encore moins maintenant qu'elle était livrée à elle-même, avec un fils en très bas âge à protéger de toutes les menances que concentrait notre terre. Alors oui, tout ce qu'elle pouvait apprendre et assimiler était bon à prendre pour elle. Mais Cordelia n'avait peut-être pas de temps à perdre à tout lui expliquer...

Ou bien c'était encore une fois la preuve que la jeune sorcière manquait juste cruellement de confiance en elle-même (cette option était si évidente qu'elle devait forcément se révéler juste). Car Cordelia laissa échapper le fait qu'elle aurait sans doute besoin d'une assistante. Le regard de Persy s'illumina aussitôt.

-Tu ne trouveras pas meilleure assistante que moi, assura Persy avec un enthousiasme renouvelé. Elle savait que Julian n'aimerait pas que Persy collabore avec Cordelia, mais c'était leurs affaires, Persy, elle, n'avait jamais prétendu vouloir faire un choix entre eux deux (même si, en réalité, elle ferait juste mieux de les éviter tous les deux). Dis-moi ce que je peux faire, je le ferai.

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erséphone était ravie, en effet. Elle était impatiente, elle avait soif d'apprendre. Elle savait qu'elle avait fait du chemin, depuis le jour où elle avait quitté le domicile familiale, et elle savait pertinemment que sans être la plus talentueuse entre tous, elle avait du talent à revendre et voulait s'entourer des bonnes personnes pour laisser s'exprimer son plein potentiel. Elle était vraiment heureuse de voir sa marraine lui laisser cette chance, en espérant ne pas la décevoir. Pas plus qu'elle ne l'avait déjà fait en tout cas. Elle ne savait pas si son rôle d'assistante allait vraiment être compatible avec son rôle de mère, mais quoi qu'il en soit, elle avait la ferme intention de donner le meilleur d'elle-même, quand bien même elle estimait aller plus vite que la musique.

Alors d'accord, la jeune femme comprenait bien qu'elle allait devoir prouver à sa marraine qu'elle en valait la peine. Elle voudrait que sa marraine lui laisse la chance par simple attachement, mais elle ne pouvait pas dire être surprise. Surtout que c'était un peu de cette manière que se profilait nombre de ses relations, à croire que le problème venait d'elle. Elle devait toujours faire des efforts, toujours faire ses preuves dans l'espoir d'obtenir en retour une affection qu'elle-même donnait inconditionnellement. Cela avait été le cas avec ses parents, avec Edward, c'était le cas avec Julian, avec Cordelia. Pour l'heure, il n'y avait qu'auprès d'Owen et de Samuel que la jeune femme se sentait particulièrement à l'aise, sans avoir le sentiment d devoir donner toujours le meilleur d'elle-même. Mais en même temps, il n'était pas seulement question de leur relation marraine-filleule, il était question de magie, et puisqu'il était question de magie, il était normal que ses compétences soient questionnées, il faudrait qu'elles le soient constamment si elle voulait être challengée comme il se devait.

-En dehors des connaissances les plus accessibles, j'ai eu l'occasion de travailler sur des écailles de sirènes, pas seulement pour les utiliser dans des potions mais aussi pour examiner leur sensibilité à différents tests. J'ai encore quelques échantillons, d'ailleurs.

C'étaient des expériences qu'elle avait partagées avec Julian, ce que Cordelia n'avait pas eu envie spécialement d'entendre. Elle avait évité d'interroger son cousin sur les manières dont il avait acquis les échantillons en question. Moins elle en savait sur le sujet, mieux c'était.

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erséphone avait toujours eu cette crainte, peu importe ses interlocuteurs et peu importe les circonstances, de ne pas être à la hauteur, de décevoir les personnes qu'elle estimait le plus. Alors, forcément, elle se mettait une pression toute particulière en présence de ceux qu'elle considérait comme ses mentors, en l'occurrence Julian et Cordelia. Elle avait peur de taper à côté, elle avait peur de faire mal les choses, elle avait peur de ne pas donner à sa marraine les réponses qu'elle attendait.

Si bien qu'elle se sentit sincèrement soulagée quand son interlocutrice répondit par un simple "bien". Ce n'était pas grand-chose, évidemment, mais aux yeux de Perséphone, c'était déjà quelque chose d'important, c'était déjà beaucoup. Perséphone hocha la tête quand Cordelia lui proposa de ramener les échantillons avec elle la prochaine fois qu'elles travailleraient ensemble. Ce n'était pas un souci pour elle. Perséphone était méticuleuse et organisée (au stade de la presque-maniaquerie), les échantillons en question attendaient sagement dans son laboratoire, fin prêts à servir à de nouvelles expériences.

-Comme tu voudras, répondit simplement Perséphone quand la jeune femme lui suggéra (en somme lui ordonna) de ne pas adresser un seul mot à Julian au sujet de leurs futures expériences communes.

Perséphone n'aimait pas faire des cachotteries à son cousin, elle n'aimait pas faire de cachotteries à qui que ce soit, mais la jeune femme connaissait l'animosité qui existait entre les deux personnes qui pourtant avaient tant fait à titre individuel pour elle. Elle songeait que si elle pouvait travailler avec les deux en même temps, ce serait tout bonnement incroyable, et ils pourraient aller très loin. Mais en même temps, elle préférait ne pas être prise entre deux feux. Elle avait bien compris. En présence de Julian, elle ne parlait pas de Cordelia, et en présence de Cordelia, elle ne parlait pas du tout de Julian. C'était mieux comme cela. Du moment qu'aucun d'eux ne lui demandait de faire un choix, alors elle acceptait la situation telle qu'elle était. Ils n'étaient pas seulement des gens desquels elle apprenait beaucoup sur la sorcellerie. Ils étaient aussi sa famille, des personnes qu'elle affectionnait tout particulièrement.

-Je pense qu'il s'en moquerait, mais je ne lui en parlerai pas, c'est promis, ajouta-t-elle alors avec un léger sourire.

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a situation semblait s'être enfin apaisée, et Perséphone se sentait rassurée. La jeune sorcière détestait par-dessus tout le conflit, et pourtant, bien souvent à ses dépens, elle s'y retrouvait confrontée. C'était déjà assez qu'elle le soit quand la situation le justifiait, elle ne voulait pas que ce soit le cas aussi quand elle avait le sentiment de n'avoir rien fait de réellement répréhensible. Oui, elle avait été moins présente, mais elle était devenue jeune maman, et elle avait dû se débrouiller par ses propres moyens pour gérer aussi bien la venue de Samuel dans sa vie que nombre d'autres aspects inattendus.

Elle pouvait comprendre que Cordelia lui tienne rancoeur, mais elle restait sa marraine avant tout, et Persy l'adorait, très sincèrement. Elle avait besoin d'elle, de sa présence et de son soutien, et elle avait peur d'avoir brisé quelque chose alors qu'elle n'avait jamais pu avir une telle intention. Elle comprenait bien, oui, que Cordelia était encore décidée à faire preuve du minimum de distance envers elle, mais elle semblait tout de même un peu plus détendue. Elle acceptait de prendre un verre avec elle, et rien que ça, ça rassurait Persy. Tout comme le geste presque maternel qu'elle lui adressa, et qui faisait beaucoup de bien à la jeune fille, à l'heure où elle ne pouvait définitivement plus compter sur ses parents pour se comporter de la sorte envers elle. Parce que même si, oui, Cordelia était pour elle une sorcière exceptionnelle de laquelle elle voulait tout apprendre, elle était aussi juste... sa marraine, une personne qu'elle affectionnait au-delà de la seule admiration.

Quant au fait qu'elle semblait vouloir tenir compte de Samuel et acceptait de faire sa connaissance, cela avait énormément de valeur pour elle. Elle voulait que Cordelia se sente impliquée dans sa vie, elle avait envie de lui présenter Samuel, tout comme à l'avenir, elle espérait pouvoir lui présenter Owen (qui de toute évidence ne sauterait pas au plafond à cette perspective). Perséphone adressa à sa marraine un franc sourire. Elle se sentait mieux quand elle avait le sentiment que Cordelia ne lui en voulait plus, ou en tout cas lui en voulait moins.

-Pour l'instant, Samuel est chez son père, mais il ne devrait pas tarder à le ramener. Si tu as un peu de temps devant toi, tu pourras le voir, j'ai hâte de te le présenter. Elle attira sa marraine vers le salon afin de lui servir à boire. Qu'est-ce que tu prendras ? J'ai du jus de poire, de pomme... J'ai une bouteille d'hydromel, aussi.

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erséphone leur servit, à elle et Cordelia, deux verres bien remplis d'hydromel, heureuse de constater que la situation s'était apaisée, elle espérait continuer sur cette lancée. Une bonne bouteille et une conversation agréable, c'était tout ce qu'elle demandait. Enfin, elle se serait passée de la bonne bouteille, cette dernière n'avait rien de bien nécessaire pour la jeune sorcière, mais l'essentiel était de faire plaisir à sa marraine dans tous les cas. Ses vieux travers n'étaient jamais bien loin, il faut dire. Constamment, elle craignait de tromper ou de décevoir les attentes de ses proches et se pliait en quatre pour eux alors qu'elle devrait simplement assumer ses choix sans se poser davantage de questions, sans s'excuser de vivre.

Elle hocha doucement la tête quand Cordela suggéra que la garde alternée ne devait pas être une chose simple à gérer. Perséphone avait envie de dire que rien dans sa situation n'était simple à gérer, au point que la garde alternée devenait presque le moindre des problèmes qu'elle avait à gérer. Être maman tout court, ce n'était pas simple à gérer. Elle était beaucoup, beaucoup trop jeune pour ce genre de responsabilités, et même si elle avait acquis par la force des choses une maturité que beaucoup de jeunes femmes de son âge n'avaient pas, elle n'aurait pas dit non aux conseils de sa mère et de ses parents, mais ces derniers ne voulaient plus entendre parler d'elle. Sa relation avec ses parents était difficile à gérer, sa relation avec Edward était difficile à gérer... sa relation avec Samuel, par certains aspects, était difficile à gérer... alors finalement, la garde alternée devenait effectivement la moindre des choses à gérer.

-C'était surtout difficile au début, parce que, pour être honnête, j'avais peur qu'Edward fasse n'importe quoi avec Samuel. Ce n'était pas franchement sympathique pour Edward... en même temps, on ne pouvait pas dure qu'il ait été globalement sympathique avec elle non plus. Quelque part, ses appréhensions n'avaient rien eu d'illégitimes, loin de là. Mais il s'occupe bien de lui. Et même si je l'adore, je reconnais que ça fait du bien d'avoir quand même du temps juste pour moi, et où je peux me consacrer à cent pour cent à mes expériences.

Car Samuel, même si elle l'aimait de tout son coeur, était clairement chronophage. Quand il était dans les parages, elle ne savait pas où le temps disparaissait exactement, mais il semblait comme aspiré dans un trou noir. Elle se sentait parfois égoïste de juste apprécier ne pas avoir Samuel parfois. Mais à Cordelia, elle pouvait bien l'avoier

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erséphone hocha simplement la tête. Evidemment, elle le pensait aussi, elle considérait bel et bien que c'était une bonne chose que de savoir prendre du temps pour soi, même si ce n'était pas forcément très naturel pour elle, qui aimait se tourner vers les autres et qui ne se considérait pas comme égoïste. Elle était dévouée à ses proches, à son fils... Mais c'était aussi pour eux, pour son entourage, qu'elle tenait à devenir la meilleure sorcière possible, et pour cette raison, il fallait qu'elle sache se consacrer à cent pour cent à ses expériences. Donc oui, c'était une bonne chose qu'elle ait du temps pour elle. Elle ne savait vraiment pas comment les choses se seraient bien passé si elle avait dû s'occuper seule de son fils. Le résultat n'aurait sans doute pas été bien probant. Et manipuler des ingrédients délicats et des ustensiles fragiles en présence de son gamin ne l'aurait clairement pas mise à l'aise, bien loin de là.

Cordelia sembla sincère quand elle affirma qu'elle était heureuse pour elle. La jeune femme avait le sentiment que les tensions s'étaient dissipées pour de bon et que sa marraine était totalement honnête. Perséphone préférait ça. Et c'était réciproque, après tout. Perséphone tenait à sa marraine, et elle tenait à ce que tout se passe pour le mieux pour elle. Même si elle ne s'en était jamais inquiétée. Persy avait le sentiment que Cordelia maîtrisait toujours tout dans sa vie, que rien ne lui échappait jamais. Elle ne savait pas comment ça pouvait être le cas, mais ça l'était. C'était sans doute ce qui arrivait quand on ne se laissait pas marcher sur les pieds. On ne laissait pas non plus les aléas de la vie vous surprendre ou vous faire du mal.

-Il n'y a pas grand-chose à ne pas apprécier dans ma nouvelle vie, répondit Perséphone. Et elle le pensait. Cordelia était indépendante, ce qui lui faisait du bien, elle avait trouvé son équilibre, elle se concentrait sur son fils et sur sa magie, elle avait Owen. Non, vraiment, sa nouvelle vie était sur les bons rails. Et toi alors ? Comment ça se passe pour toi ? En dehors de tes expériences, je veux dire.

Cordelia s'intéressait à sa vie, il était normal et légitime que ça l'intéresse également, et c'était sincère.

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