L'événement à venir projette son ombre. (Andrew)

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e bonheur était une simple affaire de destinée, finalement. Le destin d'Andrew avait été de rencontrer Penny et de tomber fou amoureux d'elle, en dépit de tous les problèmes que cela pourrait potentiellement engendrer. Le destin d'Andrew, c'était de devenir le père d'une fille exceptionnelle, qui illuminait son coeur dès l'instant où il posait son regard sur elle... Il s'était rarement senti aussi bien, et maintenant, tout ce qu'il voulait, c'était partager sa joie avec son entourage proche. Avec Penny, bien sûr, qu'il n'avait jamais vue à ce point rayonnante, vraiment, avec Perséphone, leur discrète locatrice dont la présence n'était finalement pas si incommodante, et qui se montrait d'une très grande aide avec eux. Mais surtout avec son meilleur ami, bien évidemment. Il avait hâte de pouvoir lui présenter Dorothy en bonne et due forme (outre le fait qu'ils avaient sans doute beaucoup d'autres choses à dire au-delà de ça), et l'occasion semblait être enfin arrivée parce que le jeune homme frappa à sa porte. A peine Andrew lui ouvrit-il que son meilleur ami le prit dans ses bras tout en félicitant le nouveau papa. Andrew était heureux de voir Léo si enthousiaste en de telles circonstances. Il se disait que la naissance de Dorothy faisait du bien à tout le monde, y compris à leurs proches. Et clairement, Léo devait avoir besoin de bonnes nouvelles, en ce moment, surtout après ce qui était arrivé aux parents de sa petite amie.

-Merci ! répondit Andrew, à la fois fier et ravi. Car oui, il était fier, également, comme il n'avait jamais su l'être tout autant de sa vie, et pourtant, la fierté, ce n'était pas vraiment ce qui lui manquait, loin de là, en règle générale. Tu as de la chance, elle vient de se réveiller, ajouta-t-il.

Ce ne serait pas si souvent qu'il affirmerait que savoir Dorothy réveillait l'enchanterait. Pour le moment, il connaissait l'euphorie du jeune papa, mais il n'accumulait pas encore le nombre conséquent de nuits blanches qui n'allait pas tarder à l'attendre, à un moment ou à un autre. Après avoir refermé la porte derrière eux, Andrew invita Léo à suivre son meilleur ami à travers le salon où Dorothy s'agitait dans son landau, les yeux grand ouverts. Le jeune homme prit sa fille dans ses bras d'un geste sûr. Il n'aurait pas cru que ce geste saurait être si naturel, et pourtant. Il n'avait aucune hésitation quand il prenait Dorothy dans ses bras. C'était simple. Et en même temps, tout finirait forcément par devenir compliqué.

-Juste à temps pour rencontrer ton parrain, dit-il à l'adresse de la petite, qui évidemment ne pouvait rien comprendre, le tout pour présenter Dorothy à Léo.

Des présentations en bonne et due forme, comme de bien entendu.

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e sourire déjà rayonnant d'Andrew s'élargit plus encore quand Léo complimenta sa fille. Certes, c'est sûr, son meilleur ami ne risquait pas de lui dire que Dorothy était moche ou insupportable, mais il avait quand même envie de croire qu'il était sincère, et n'était de toute manière pas capable de croire qu'il puisse ne pas l'être, car Dorothy était clairement ce qu'il y avait de plus magnifique au monde (bon, d'accord, définitivement, il avait perdu toute objectivité). Dans tous les cas, il ne savait qu'être fier de présenter sa fille à Léo, et il ne pouvait qu'être heureux de cette rencontre entre deux personnes qui comptaient à ce point pour lui. Il hocha la tête avec enthousiasme quand le jeune homme demanda s'il pouvait porter sa filleule entre ses bras.

-Bien sûr, dit-il tout en l'aidant à prendre la petite entre ses bras afin qu'il adopte le bon geste.

Il pouvait comprendre que ce soit intimidant de porter un bébé si petit dans ses bras, surtout quand on ne l'avait jamais fait. Andrew avait un peu d'entraînement, parce qu'il avait eu l'occasion de s'occuper de Maybell quand elle était encore toute petite, mais ce n'était pas pareil, de porter l'enfant d'un autre dans ses bras ou le sien. Avec sa cousine, il avait toujours pris des gants, l'avait un peu traitée comme une poupée de porcelaine qu'il serait capable de briser à tout instant s'il n'y prenait pas garde. Avec Dorothy, la question ne se posait pas... c'était juste évident. Comme si son instinct paternel le préservait de toute erreur. Bien sûr, ça ne pouvait pas être complètement vrai, mais il était plaisant de le croire malgré tout, et il ne se privait pas de le faire. Il considéra d'un oeil ravi son meilleur ami qui portait maintenant sa filleule contre lui. Définitivement, son bonheur était tel à l'heure actuelle qu'il avait un peu le sentiment d'être invincible... mais il savait qu'il ne devait pas négliger les autres pour autant. A l'heure actuelle, il était sur un petit nuage et il voulait que tout le monde soit, mais il n'oubliait quand même pas que si le monde s'arrêtait pour lui à sa petite famille, il continuait de tourner autour de lui, et il ne fallait pas l'oublier ni le négliger.

-Comment tu vas, toi ? demanda-t-il qui ne pensait pas avoir besoin de répondre à cette question pour lui-même tant son bonheur allait de soi.

Mais Léo avait ses propres problèmes à gérer... des problèmes qui n'étaient de toute évidence pas encore réglés, puisqu'il n'était pas parvenu à arrêter Hélio et que ce dernier continuait de menacer les personnes qu'il aimait, dont le jeune homme sous ses yeux, bien évidemment.

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éo prit Dorothy dans ses bras, et Andrew ne put s'empêcher de sentir une légère émotion l'envahir à cette vision : ils revenaient de si loin, tous les deux. Qui aurait pu, il y a quelques années, leur lasser imaginer qu'ils en arriveraient là, tous les deux ? Les probabilités étaient vraiment infimes, et pourtant, ils étaient là. Léo avait surmonté toutes les épreuves qui s'étaient présentées à lui, et même si le jeune homme avait encore beaucoup d'épreuves à affronter, il était là, et il souriait, semble-t-il apaisé. Quant à lui, comment aurait-il pu s'imaginer devenir un jour le père d'une petite fée, qu'il aimerait qui plus est de toute son âme. Et c'était le cas, et même si la situation était difficile, il ne regrettait rien. En cet instant, il était véritablement convaincu de pouvoir tout supporter, tout affronter, tout réussir. Oui, ça n'allait pas être simple, oui il allait falloir se battre, constamment. Mais es moments comme celui-là prouvaient bien que ça en valait largement la peine. Oui, Leo avait complètement raison : comment est-ce que ça ne pourrait pas aller ? Bien sûr, leurs problèmes ne s'étaient pas évanouis en un claquement de doigts, mais cela ne changerait rien au fait qu'ils avaient toutes les raisons du monde d'être positifs et de croire en l'avenir.

-Tu as raison, répondit-il avec un grand sourire, incapable, de toute façon, de ne pas afficher sa joie de jeune père. Sa vie n'avait jamais été aussi belle que depuis que Dorothy en faisait partie, et ça, rien ne pourrait le leur ôter. Je crois qu'elle t'adore déjà, ajouta-t-il en considérant sa fille avec tendresse.

Elle regardait son parrain avec ses grands yeux, ces yeux qu'elle semblait avoir directement volé à sa mère, et elle souriait, elle était parfaitement calme, et ça, déjà, ça en disait long. C'était un soulagement, aussi, de se dire que sa fille était aussi bien entourée, qu'il y avait des personnes de confiance dans son entourage pour l'aimer et prendre sin d'elle. L'air de rien, c'était vraiment beaucoup, surtout dans leur situation.

-Tu sais... Il hésita, il ne voulait pas aborder les sujets embarrassants, mais en même temps Léo était son meilleur ami, et Andrew avait envie, besoin, même, de tout lui dire. Cela pouvait sembler contradictoire quand on observait le nombre de fois où il lui avait menti, et c'était la vérité, pourtant. Maintenant qu'il n'avait absolument plus aucun secret pour son meilleur ami, il ne se voyait pas faire autrement que de lui en dire plus sur les circonstances de la naissance de Dorothy. Je n'étais pas là, quand Penny a accouché...

Rien que le fait d'articuler ces mots à voix haute lui serraient atrocement le coeur, il s'en voulait terriblement, ne cesserait sans doute jamais de s'en vouloir.

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éo ne dissimula pas sa surprise en apprenant que son meilleur ami n'avait pas été présent à la naissance de sa fille. C'était compréhensible, ils savaient tous les deux que ce n'était pas son genre, et que Andrew tenait à être présent à ce moment... Bon, pour le coup, il avait très mal prévu son coup, mais Dorothy était née plus tôt que prévu... et sa petite partie de chasse avait duré plus longtemps que prévu également. Andrew se sentait mal à l'aise rien que d'en reparler. Il savait que son meilleur ami exigerait des explications, et il était prêt à les lui donner, mais il redoutait ce que serait la réaction du jeune homme quand il apprendrait dans quelles circonstances il s'était éclipsé toute une nuit, occultant l'accouchement de la femme qui partageait sa vie et qu'il aimait pourtant plus que tout au monde. Quand il y repensait (et il y repensait tout le temps tant sa culpabilité était grande), heureusement que Perséphone avait été là pour accompagner Penny dans cette épreuve, même si ça n'aurait pas du tout dû être son rôle. Bref, Léo demandait à en savoir plus, sans doute pour comprendre une situation qui suscitait en lui tant de surprise et d'interrogations... Il n'y avait pas mille manières de le dire, après tout, alors il prit une légère inspiration et se lança, conscient que Léo n'allait sans doute pas apprécier ce qu'il allait entendre.

-J'étais avec Aaron. Jusqu'ici, rien d'anormal, c'était parfaitement compréhensible. On chassait... Même à lui, ça faisait bizarre de prononcer ces mots. Ils avaient été tout naturel pour lui à une époque, pourtant, mais à présent, à ses yeux, ils le rendaient coupable, preuve qu'il avait changé. Et pourtant, il ne pouvait ignorer non plus la pointe d'euphorie, d'excitation, qui l'avait parcouru de part en part au moment de reprendre les armes... Il avait oublié à quel point il aimait ça, au-delà du rôle qu'il s'efforçait de remplir. Ce n'était pas simple à admettre, mais c'était bien la vérité, et elle le rendait d'autant plus coupable. ... Helio.

Voilà, ça c'était pour le coup de grâce. Certes, le fait que ce soit le buveur de sang qu'il ait eu pour cible excuser au moins le fait qu'il soit reparti en chasse, et Léo savait pertinemment que le jeune homme avait eu l'intention de le réduire au silence, ne serait-ce que pour le protéger lui, et pour protéger Penny et l'enfant qu'il n'avait pas vu naître, de fait... Mais cela signifiait aussi qu'il avait agi dans le dos de son meilleur ami en ne l'avertissant pas de son intention de partir en chasse... Il craignait un peu que Léo lui en veuille, et en même temps, au vu du fiasco total qu'avait été cette soirée, il n'avait pas vraiment de regrets.

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ndrew s'était attendu à une réaction potentiellement difficile à encaisser de la part de Léo, mais ce n'est pas pour autant que celle-ci fut plaisante quand son meilleur ami s'exprima en des termes qui n'avaient rien de franchement agréables pour lui faire remarquer qu'il faisait n'importe quoi quand il ne se laissait pas aider par lui. Pour le coup, ce n'était clairement pas les circonstances qui iraient lui donner tort, mais ce n'était clairement pas des mots faciles à entendre. Une fois encore, il avait déçu Léo... En fait, dans cette affaire, il avait déçu tout le monde : Penny, parce qu'il n'avait pas su être présent au cours de l'un des moments les plus importants de leur existence, Aaron, parce qu'il n'avait pas été le partenaire de chasse qu'il aurait dû être, et enfin Léo, parce qu'il l'avait tenu à l'écart une fois de plus. Bref, il avait foiré, sur toute la ligne, et il s'en voulait franchement. Et il avait vraiment le sentiment de tout gâcher, c'était catastrophique. Léo s'excusa presque aussitôt, mais le jeune homme n'oubliait pas pour autant la réflexion bien plus spontanée qu'il lui avait faite un peu plus tôt. Il n'avait peut-être pas voulu l'exprimer ainsi, mais il le pensait forcément. Les réflexions les plus spontanées sont bien souvent les plus sincères. Et donc, il considérait qu'il avait fait n'importe quoi. Et il ne servait à rien de prétendre le contraire, d'affirmer que ce n'était rien... ça l'était, il avait vraiment été en-dessous de tout.

-Elle ne m'en veut pas... mais ce n'est pas une raison, soupira Andrew.

Il savait qu'il avait vraiment une chance incroyable que Penny ne lui reproche pas son comportement. Depuis, la vie avait repris un cours normal... Un cours normal avec Dorothy en plus dans les parages, du moins, et ils étaient heureux, mais cette ombre au tableau, Andrew ne l'oubliait pas. Et pour cause, outre l'échec total de sa mission et ses conséquences, il n'oubliait pas le fait qu'Hélio était encore en vie et pourrait bien décider de s'en prendre à eux une fois de plus, avait l'intention de le faire, même. Et il n'oubliait pas non plus... le sentiment de vaine exaltation qu'il avait éprouvé quand il s'était retrouvé à chasser, comme autrefois... C'était...

-C'est n'importe quoi... T'as raison, je fais vraiment n'importe quoi, constata-t-il, dépité.

Même à Léo, surtout après les reproches qu'il venait d'entendre, Andrew ne savait pas s'il serait capable de parler de tout ça. Il se sentait bête, il se sentait mal, il se sentait honteux... Il réussissait à faire abstraction dès l'instant où il tenait sa fille dans ses bras, dès le moment où il pouvait embrasser Penny, mais c'était là, malgré tout.

N'importe quoi.

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intention d'Andrew n'avait pas du tout été d'appitoyer son meilleur ami, bien au contraire, même, mais il était tout bonnement... désemparé, et il n'avait pas été capable de garder ses doutes et ses regrets pour lui. Oui, il n'avait pas été un ami exemplaire pour Léo, et à plus d'un titre, et il en avait bien conscience, mais il n'avait pas envie de lui mentir pour autant. Dans ce domaine, il avait suffisamment donné, et il n'avait plus vraiment envie de recommencer. Quand il se trouvait en présence de Penny, il prenait sur lui. Bien sûr, il savait très bien que la femme qu'il aimait serait toujours attentive, à son écoute, et qu'il pouvait véritablement compter sur elle, mais les doutes qui lui tiraillaient l'âme, il n'avait pas envie de les partager avec elle, sous peine de l'angoisser. Ils avaient d'ores et déjà suffisamment à gérer maintenant que Dorothy était dans leur vie (pour son plus grand bonheur tout de même, si tant est qu'il faille réellement le préciser), inutile de lui fournir une source de stress supplémentaire. D'autant que ça lui passerait certainement... mais en attendant, il se sentait totalement... dépassé. Et ce n'était pas juste parce qu'il était un jeune papa qui devait encore tout apprendre de son rôle de père (même si forcément, une partie de sa tension venait de là).

Les propos de Léo étaient rassurants, c'est vrai, et c'étaient des arguments qu'il s'était asséné plus d'une fois à lui-même dans le but de faire passer un peu la culpabilité qu'il ressentait, mais ça ne marchait tout de même que dans une mesure très relative et il venait toujours un moment où il se laissait quand même dépasser par ses pensées qu'il ne réussissait pas en revanche à rationnaliser. Il appréciait le discours de son meilleur ami - même s'il avait tout de même le sentiment de l'avoir forcé en lui montrant sa faiblesse (ce qu'il ne s'appliquait jamais à faire en temps normal) -, bien sûr qu'il l'appréciait vraiment. Mais il y avait certaines choses que le jeune homme ne savait pas, et qui modifieraient peut-être sa perception de la situation s'il devait en avoir conscience.

-Il n'y a pas que ça..., osa-t-il alors ajouter. Il avait besoin d'en parler, de vider son sac, et Léo était le seul à qui il se voyait en parler. Il ne pouvait pas confier cela à Penny sous peine de lui faire peur, et il n'osait pas confier cela à Aaron non plus, qui sait où cela les mènerait. Il prit une grande inspiration. N'en parle pas à Penny, surtout... Mais ce soir-là, j'ai senti... j'ai senti que je pourrais facilement... retrouver ce que j'étais avant. J'en avais envie, même. J'en ai même encore envie maintenant, parfois.

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l n'y avait définitivement qu'à Léo que Andrew savait se permettre de faire ainsi part de ses doutes, de ses appréhensions et de ce qu'il avait vécu et avait gardé jusqu'ici à l'abri de toute autre connaissance, comme le plus honteux des secrets. En même temps, il était évident qu'il ne pouvait pas se permettre d'en parler, c'était même hors de question, il n'avait pas envie d'inquiéter Penny, et surtout, faire l'aveu de cette situation, c'était comme admettre qu'il n'avait pas en lui la capacité de s'en sortir... et ça, ce n'était tout bonnement pas concevable. Mais Léo était celui qui avait le plus de chances de le comprendre. Même si Andrew lui avait beaucoup menti à une époque, il restait la personne qui le connaissait le mieux. Ils avaient grandi ensemble, ils avaient partagé énormément de choses, et s'il pouvait réellement se sentir capable de confidences, il était certain que c'était avec Andrew, et que ce ne pourrait être, au demeurant, avec personne d'autre.

Aussi, même si ce n'était pas simple et qu'admettre la vérité lui procurait le sentiment désagréable de faire l'aveu de son échec, il se sentait aussi quelque part soulagé, car enfin il laissait l'information lui échapper et donc il n'en assumerait plus le fardeau seul, même si c'était une histoire qui ne concernait en soi pas Léo, mais bien davantage la conscience d'Andrew et les promesses qu'il s'était faites avec le sentiment d'être de moins en moins capable de les tenir, malgré son intention, et même s'il savait pertinemment que c'était ce qu'il fallait faire, impérativement et sans aucun doute possible.

Et Léo savait parfaitement résumer la situation et mettre le doigt sur ce qui faisait mal. La preuve, donc, qu'il le connaissait définitivement mieux que n'importe qui d'autre. Oui, ce n'était pas anodin du tout pour lui que d'avoir ainsi changé de vie. La preuve, dans un premier temps, il avait cru pouvoir être avec Penny et poursuivre ses activités de chasseur en parallèle. Mais il s'était rapidement rendu compte que c'était impossible, que c'était tout ou rien, en fin de compte, Penny ou sa famille. Et finalement c'était Penny qu'il avait choisi. Mais à quel prix.; Mais il ne pouvait pas prétendre, il n'arrivait définitivement plus à prétendre... Oui, il chassait parce que c'était un devoir, c'est certain. Mais oui, c'est un fait également... il aimait ça.

-Oui..., admit-il dans un léger hochement de tête. Et il se sentait honteux. Si Andrew avait toujours admis être un chasseur, il n'avait jamais reconnu être un assassin. Et en l'occurrence, il n'aimait pas ça. Pas du tout. Il poussa un léger soupir. Je n'y pensais plus du tout mais là... je sais pas comment faire.

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ne addiction... ce n'était définitivement pas un mot qu'Andrew avait voulu prononcer à voix haute, il n'empêche qu'il restait malgré tout le plus évident et le plus adéquat. Il ne fallait pas se leurrer : cétait très exactement ce dont il était question : oui, il s'agissait bel et bien d'une addiction. Andrew était drogué... au crime.. Et il avait replongé. Il s'était désintoxiqué sans même s'en rendre compte, mais il lui avait suffi d'une infime piqûre de rappel pour retomber dans ses vieux travers. Et tout à coup, tourner le dos à ses convictions passées n'était plus aussi simple, tout à coup, il éprouvait une sincère difficulté, et ce n'était pas juste dû à la douleur que représentait pour lui le fait d'être loin de sa famille, qu'il continuait d'aimer et de respecter en dépit des circonstances.

C'était un tout. Il aimait Penny plus que tout au monde, il adorait Dorothy bien plus qu'il ne saurait même l'exprimer... et pourtant, il ressentait quand même, avec une urgence terrifiante, cette envie, ce besoin de faire machine arrière. Une partie de chasse, une seule, pour se libérer de ses vieux démons... mais ce n'est pas comme ça que ça se passerait. En fait, il était même certain que ça deviendrait pire encore. Il s'était rappelé le goût du sang, il avait aimé ça. Et c'était dur de faire abstraction, et ce en dépit des propos de son meilleur ami, qui en la circonstance, se révélait être le bon sens incarné.

Car bien sûr, Léo avait raison, et Andrew savait qu'il avait bien fait de lui parler de tout cela. Il ne l'avait pas jugé, il n'avait pas été horrifié par ce qu'il entendait. Non, à la place, il s'était montré à l'écoute, il tentait de le comprendre du mieux possible. Et ses conseils étaient précieux. Sauf que, ici et maintenant, Andrew ne se sentait pas capable d'en tenir compte ou de les respecter... il n'y arrivait juste... pas. Il se sentait tirer en arrière pour chaque pas en avant. Et il sombrait, sombrait...

-Je peux pas..., finit par répondre Andrew, à nouveau très sincèrement. Il faut que je tue ce vampire, il s'agit pas que de moi...

Et c'était vrai... Il s'agissait de toutes les vies qu'il avait menacées et qu'il pourrait bien prendre : Penny, Léo, Eponine, même Déa... Ils devaient se débarrasser d'Hélio, ce n'était pas négociable... Mais est-ce qu'il était complètement sincère quand il affirmait qu'il n'y avait pas d'autres options, qu'il faisait cela pour eux et non pour lui ? Peut-être pas totalement. C'était un tout, un tout encore renforcé par l'échec qu'il avait essuyé. Ce vampire lui avait glissé entre les doigts, il ne pouvait pas tolérer que ça se reproduise encore.

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éo avait de bons arguments, c'est évident, et si le jeune homme avait accepté de réfléchir sincèrement à la question, il en serait arrivé à la même conclusion. Seulement, la vérité, la triste vérité, c'était que le jeune homme se cherchait des excuses. C'était ainsi, il ne ressentait pas juste l'envie de repartir à la chasse, il en ressentait le besoin, un besoin viscéral, impérieux. Et quitte à assouvir ce besoin, autant que ce soit en abattant une créature qui le méritait vraiment (car oui, maintenant, et après un long processus, encore plus éprouvant à conscientiser, il voulait bien reconnaître qu'en effet, certaines personnes ne le méritaient absolument pas)... Dans tous les cas, avec ce qu'avait fait Hélio, ce n'est pas comme s'il se sentait capable, quoi qu'il en soit, de rester sur le bas-côté et de laisser ses interlocuteurs faire tout le travail et surtout de se mettre en danger. D'autant plus que Léo n'oubliait pas de s'inclure dans l'équation.

Certes, retomber dans la chasse était sans doute comme sombrer dans la drogue après un sevrage miraculeux, mais prendre une vie... même la vie de la pire crevure que notre terre ait jamais porté, c'était un fardeau que l'on gardait sur son toute son existence... Léo devait rester en dehors de ça... il le savait, maintenant. Quant à son frère, il est certain qu'il serait capable de s'en charger, mais Aaron avait promis de le faire avec lui, et la dernière fois, ils n'avaient pas été assez de deux chasseurs expérimentés pour avoir la peau de ce buveur de sang qui avait réussi à leur échapper, non sans faire un sacré carnage au passage. Et pour ce qui était du reste de sa famille... il ne leur avait pas parlé depuis une éternité. Il pourrait mandater Aaron bien sûr, mais... Mais il y avait toujours un mais, même où il ne devait pas y en avoir. Et pour une excellente raison : Andrew n'avait tout simplement pas envie. Et il se cherchait des excuses, très clairement. Parce qu'il ne le voulait pas vraiment.

-Donc je devrais tous vous envoyer affronter un vampire sanguinaire pour préserver mon ego fragile alors qu'il menace ma famille et tous ce que j'aime ? au risque de perdre encore d'autres de mes proches ? Et ne me dis pas que tout se passera bien et que tout le monde s'en sortira indemne, il est dangereux, vraiment, très dangereux. Il hocha doucement la tête de gauche à droite. Je peux pas rester à l'écart.

Bien sûr, il se mentait à lui-même, en partie du moins, car il était évident qu'il s'inventait bel et bien des excuses, et pas des moindres. Mais il croyait quand même dans ce qu'il disait, il en était convaincu. Quoi qu'il advienne, il devait tuer Hélio.

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ndrew avait bien conscience de se chercher des excuses, même si ce qu'il disait n'était pas faux pour autant. La question se poserait beaucoup moins si c'était à une autre cible qu'on lui demandait de renoncer, mais il était question d'Hélio. A cause de ce buveur de sang, sa belle-soeur avait failli mourir, les parents des Dea étaient morts, les vies de Penny et de Léo étaient menacées... Il ne s'agissait pas de n'importe quel vampire, il s'agissait d'une créature qui méritait réellement de ne plus fouler le sol de notre terre, et s'il ne participait pas au combat et que quelque chose devait arriver à ses proches, il ne se le pardonnerait jamais. Il s'inventait peut-être un devoir en l'occurrence, mais qu'importe, il n'avait pas envie de reculer... Et pour la peine, la remarque de Léo fut loin de lui faire plaisir, avant tout et surtout parce qu'il se rapprochait beaucoup trop de la vérité, et le jeune homme n'avait aucune envie, en cet instant, que l'on pointe du doigt ses vieilles addictions, qu'on l'oblige à faire face à des démons qui, de toute évidence, n'avaient jamais complètement disparu... Et ne disparaîtraient sans doute jamais s'il ne prenait pas les mesures qui s'imposaient... Mais les mesures qui s'imposaient... Il ne se sentait ni la force, ni le courage de les appliquer. En aucun cas, dans aucune circonstance.

-Quelle importance ? répliqua-t-il sans doute un peu trop sèchement.

Ca avait de l'importance, oui, parce qu'il s'engageait sur une pente glissante, mais peu importe. Oui, il ne voulait pas rester à l'écart, et oui, techniquement, il le pouvait, mais il ne le supporterait pas. Et il n'avait pas la moindre envie que Léo s'amuse à lui faire la leçon alors qu'il était le premier à vouloir la tête d'Hélio sur un plateau. C'était lui, après tout, qui avait voulu qu'il traque la créature ensemble pour commencer. Certes, Andrew avait fini par le faire sans l'avertir, mais ça ne changeait rien. Il ne voulait pas mettre un terme à tout ça, un point c'est tout.

-Je vais tuer ce vampire, et après ce sera fini, c'est tout, je ne changerai pas d'avis.

ll tuerait ce vampire, oui. Mais est-ce que ce serait vraiment fini ensuite ? Eh bien, c'était une autre affaire. Lui, ici et maintenant, voulait affirmer que oui. Mais la vérité, c'est qu'il n'en savait absolument rien du tout, il était incapable de le dire. Des menaces, il y en aurait tojours. Et oui, c'était un fait, il était comme drogué à la chasse. C'était simple de prétendre que non, surtout qu'il avait parfaitement réussi son sevrage jusqu'ici. Mais il était à deux doigts de la rechute, maintenant.

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ndrew pouvait se montrer particulièrement doué quand il devait être question de se mentir à lui-même. Il avait longtemps fait montre de cette prouesse en niant les sentiments pourtant évidents qu'il ressentait pour Penny, et il le faisait à présent, en essayant de minimiser son addiction pour la chasse, alors que cette dernière était malheureusement bien réelle. Il pouvait invoquer toutes les justifications du monde, et certaines étaient effectivement très bonnes, cela n'ôtait absolument rien au fait qu'il entretenait un mensonge qui s'étiolait doucement mais sûrement. Se mentir à lui-même était d'une facilité déconcertante, et tant qu'il n'y avait personne pour le placer face à ses contradictions, l'exercice était d'une simplicité enfantine, à vrai dire. Mais quand il était en présence de Léo, il ne pouvait pas se permettre la même chose. Tous les deux, ils se connaissaient depuis toujours, ils avaient toujours tout partagé (si ce n'est quelques vérités qu'Andrew avait été incapable de ne pas cacher à Léo, mais qui n'étaient plus à l'ordre du jour à présent). Si quelqu'un pouvait deviner ce qui se trâmer dans l'esprit du Hellsing, mieux encore que ne le pourrait Penny, qui lisait pourtant en lui comme un livre ouvert, c'était définitivement à lui.

A son regard, il ne pouvait se dérober, ou bien uniquement, comme il le faisait en cet instant, en affichant une mauvaise foi certaine. Car même si Andrew était au moins soulagé d'entendre que Léo ne remettait pas en question son intention d'en finir avec Hélio (et il avait bien raison de le faire car dans tous les cas, Andrew n'avait pas l'intention de changer d'avis. Sur ce point particulier, personne ne saurait l'arrêter ou l'empêcher, en dépit des risques qu'il prenait, qui avaient déjà failli lui coûter la vie, laisser Penny veuve et la petite Dorothy orpheline). Léo avait effectivement raison. Une fois la menace Hélio évincée et réduite à néant, des menaces, il y en aurait d'autres, il y en avait toujours, car notre terre était dangereuse et peuplée de monstres... Andrew en savait quelque chose, il avait été élevé dans cette mentalité et dans cette optique. Mais là encore, il réussissait à mentir avec un aplomb tel qu'il réussissait à se convaincre lui-même, quand bien même tout ce qu'il pouvait bien dire n'avait rien d'une réalité observable.

-Et ma famille sera là pour s'occuper d'eux, répondit alors Andrew avec certitude. Certaines créatures ne méritent pas de vivre, je n'ai pas changé d'avis à ce sujet. Et si une autre doit décider de s'en prendre directement à toi, à Penny ou à mon frère alors... dans ce cas-là seulement, oui, peut-être que je recommencerais.

Sauf que par conséquent, la pente était d'office très glissante. Et estimer quelles étaient ses limites à partir de là devenait presque impossible.

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ndrew sentit une part de lui être soulagée quand il entendit son meilleur ami se contenter de sa réponse. Et le fait qu'il ressente cette forme de soulagement devrait l'aiguiller quant à ce que toute cette situation pouvait bien signifier pour lui, mais le déni était en certaines circonstances bien plus supportable que tout le reste, surtout quand il permettait de ne pas remettre en question un pan si important de sa propre existence, et auquel il était tout à fait incapable d'échapper. Alors oui, il préférait ne pas avoir à s'engager dans un débat à rallonge avec Léo. Mais le fait est que Léo n'en avait pas complètement fini avec lui non plus, comme le lui prouva la question qu'il lui posa alors et qui était, il est vrai, plutôt légitime. Il voulait lui faire promettre de ne pas recommencer, de s'arrêter une fois qu'il en aurait fini avec Hélio, et le jeune homme ne lui reprochait pas de le questionner de la sorte, il aurait sans doute fait pareil si les rôles avaient été inversés.

Léo se faisait du souci pour son meilleur ami, tout simplement, et c'était un souci compréhensible, légitime, surtout après ce qu'Andrew venait de lui confier. Mais Andrew ne voulait pas qu'il s'en fasse. Il réussissait à croire qu'il avait le contrôle de cette situation, qu'il était bel et bien capable de la dominer, qu'il était tout à fait apte à la dominer, à se dominer. Mais c'était très certainement trop présumer de lui-même. Il serait plus sûr et plus sain d'admettre ses faiblesses, de les déposer aux pieds de Léo et de solliciter son aide afin qu'il l'empêche de sombrer dans ses plus sombres travers. Mais comment pouvait-il seulement admettre qu'après tout ce chemin parcouru, il était bel et bien capable de faire machine arrière... sans motif bien noble par ailleurs mais par pure et simple addiction, en fin de compte ?

-Je te le promets, répondit Léo en plantant son regard dans celui de son meilleur ami afin qu'il y lise toute sa détermination.

Sa promesse était sans doute intenable, au fond, elle était pourtant tout ce qu'il y a de plus sincère. Andrew avait bel et bien l'intention de s'en tenir à sa décision de seulement en finir avec ce vampire avant de baisser les armes, à moins d'une nouvelle menace, mais... est-ce qu'il pouvait réellement parler avec honnêteté ? Une part de lui savait sans doute qu'il mentait, qu'il mentait effrontément. Mais il savait faire taire cette part de lui... Ceci dit, il eut tout de même suffisamment de lucidité pour ajouter ces quelques mots.

-Et s'il doit m'arriver de... dériver. Je compte sur toi pour me remettre sur le droit chemin, d'accord ? dit-il en affichant une fine esquisse de sourire.

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