L'amour vache n'est pas toujours la bonne solution. (Jane <333)

J

ane savait, bien évidemment, que sa manière de regarder son âme soeur était bien loin de le déranger vraiment, et qu'il était au fond heureux de la façon qu'elle avait de le regarder dans le blanc des yeux, avec toute l'émotion et tous les sentiments que ce simple acte en apparence anodin impliquait. Elle le savait pertinemment parce qu'il en était de même pour elle. Cela avait toujours été plus fort qu'eux, et il était fort à parier que ça les avait trahis avant l'heure. Dès lors qu'ils avaient eu l'âge de se désirer et de se vouloir, ils n'avaient pas pu s'empêcher de se regarder de la sorte...

Ce regard qui les avait sans doute destabilisés sans qu'ils en aient entièrement conscience, ce regard qui disait beaucoup et ne disait rien en même temps, parce que tout était tacite, tout était implicite. Et ce n'en était que plus beau, en fin de compte. Oui, il s'en passait des choses, en un seul regard. Mais uniquement quand on aimait comme ils s'aimaient. Ce qu'il y avait dans leurs yeux, quand ils se toisaient, c'était la connexion de deux âmes faites pour l'autre, et qui s'étaient manquées. Ce qui semblait innocent à d'autres était d'une importance primordiale pour eux. Et tout comme Jane ne s'imaginerait pas baisser le regard ou baisser les yeux en présence d'Edward, elle n'accepterait pas non plus que le jeune homme le fasse la concernant. A elle aussi, c'était une chose qui lui manquait terriblement quand ils n'étaient pas ensemble. Ce n'était pas grand-chose, mais ils se rappelaient à quel point ils étaient importants l'un pour l'autre, et c'était tout sauf quelque chose d'anodin.

-Tu sais, c'est pas vraiment sans raison, si je te regarde comme ça.

Enfin, tout était relatif, quelque part, c'était sans raison, parce que ce n'était pas intentionnel. Elle ne le faisait pas exprès. C'était juste... comme ça, et il n'y avait rien qu'elle sache y faire. C'était ancré en elle, comme une sorte de réflexe qu'elle ne réussissait pas à réfreiner. Et qu'elle ne cherchait pas à réfreiner non plus par la même occasion. Alors oui, c'était sans volonté, mais pas sans raison, car Jane était toute dévouée au jeune homme qui lui faisait face.

-Qu'est-ce qui te manque, chez moi, sinon ?

Maintenant qu'il avait lancé la conversation, forcément, elle n'avait pas envie de s'arrêter en si bon chemin, et tenait à ce que son âme soeur lui en dise plus, même si elle devait deviner les choses en grande majorité, puisqu'elle ressentait très précisément la même chose de son côté également... Elle le ressentait avec d'autant plus de fermeté et de certitude qu'ils restaient liés, malgré les circonstances.

code by Mandy

J

ane pourrait se dire que son âme soeur en faisait trop quand il affirmait que tout lui avait manqué chez elle, que tout lui manquait d'elle quand elle n'était pas là, mais elle savait qu'il n'exagérait rien, et que c'était très exactement ce qu'il ressentait. Il n'était pas difficile pour elle d'en avoir la certitude, puisqu'elle ressentait très précisément la même chose de son côté. Elle serait bien incapable d'exprimer en mots ce qui lui manquait le plus chez Edward quand il n'était pas à proximité. Il pouvait énumérer l'une ou l'autre chose, bien évidemment, mais s'il devait s'agir de faire preuve de précision, alors...

Alors elle aurait le sentiment de passer à côté de l'essentiel. Ce n'était pas seulement l'autre ou une partie de l'autre qui leur manquait quand ils n'étaient pas ensemble, c'était une présence, cette présence qui faisait qu'ils parvenir à se sentir plus heureux, plus en harmonie, complètement eux-mêmes... Alors qu'ainsi isolés, ils n'étaient jamais qu'incomplets. Mais prenaient d'autant plus de plaisir à se retrouver en temps voulu, dans des moments comme celui-ci. Alors oui, elle le croyait sans problème dans tout ce qu'il disait, et sans remettre en question le moindre de ses propos, sans même l'envisager ne serait-ce qu'un seul instant. Son aura, son regard, son sourire, sa voix. Autant dire que des propos comme celui-ci faisaient du bien à son ego, d'autant plus de bien que le jeune homme ne passait pas par quatre chemins, il ne cherchait pas à prétendre ou à se la raconter. Il disait très exactement ce qu'il pensait, et elle savait qu'il n'y avait aucune malice derrière. D'autant qu'elle-même pensait très précisément la même chose de son côté. S'il devait lui retourner sa question, elle aurait prononcé des mots plutôt similaires... sans grande surprise, puisque leurs ressentis étaient vraiment proches. Sans oublier qu'ils se complétaient, ils étaient les mêmes. Elle afficha un sourire en coin quand il ajouta que sa façon de le rembarrer quand il disait trop de conneries faisait aussi partie de ce qu'il aimait chez elle... ça, elle aimait l'entendre, parce que c'était définitivement une chose qui n'appartenait qu'à elle, qu'à eux, et que personne au monde ne pourrait leur prendre.

-Eh merde, dit-elle d'un ton trop sérieux pour être vraiment cru, parce qu'elle n'était bien évidemment pas sérieuse. J'allais te rembarrer parce que tu disais trop de conneries, mais du coup tu m'as coupé dans mon élan. Elle marqua une légère pause. Tu sais, je pense que je serai bientôt prête. Pas tout de suite, hein. Mais bientôt.

Parce qu'elle ne pourrait pas non plus accepter que cette situation s'éternise. Il ne fallait pas qu'elle s'éternise, ce serait contre-productif.

code by Mandy

J

ane avait pris beaucoup trop de décisions précipitées au cours de sa vie, elle avait trop souvent eu tendance à forcer ses envies et ses aptitudes, en se disant qu'en serrant les dents et en attendant que ça passe, alors que ce ne pouvait pas être la bonne solution, bien évidemment, elle ne pouvait engendrer que de la frustration, de l'agacement, et des non-dits qu'elle balançait ensuite à la tête de son âme soeur, qui lui n'avait bien évidemment rien demandé à personne. Non, ça ne pouvait pas fonctionner de cette manière, et pour cette raison, il était nécessaire de ne pas se précipiter. Si Jane ne faisait qu'écouter son envie immédiate sans réfléchir aux conséquences, elle rentrerait chez elle immédiatement et sans réfléchir, mais ce n'était pas une bonne chose.

Cette mise à distance avait été une bonne idée et leur avait fait du bien, surtout. Il fallait qu'ils continuent sur cette lancée sans se perdre en chemin. Alors plutôt que d'écouter ses envies et son impatience, la jeune femme devait plutôt écouter sa raison. Pas simple pour quelqu'un qui était d'un naturel si peu raisonnable. Mais ils avaient trop à perdre en se précipitant, et tout à gagner s'ils n'allaient pas trop vite en besogne. Alors le choix était vite fait. Et sur ce choix, elle ne reviendrait bien évidemment pas, même si ce n'était pas simple tous les jours, bien évidemment. C'était tout le but de la manoeuvre.

Déterminer à quel moment elle serait complètement prête ou non n'était pas une mince affaire, elle devait l'admettre. A certains moments, elle avait l'impression qu'elle prenait des précautions inutiles, à d'autres, elle réalisait que non, elle prenait la bonne décision. Revoir Edward à la manière d'un jeune couple qui s'apprend, ça lui faisait du bien, mais la vie à deux rappellerait certains vieux conflits à leur bon souvenir. Et il y avait Samuel, surtout... et à son sujet, Jane n'était pas encore complètement sûre d'à quoi elle s'engageait.

-Toi aussi tu me manques, et si je m'écoutais, je serais déjà rentrée, répondit Jane qui voulait être honnête, et surtout ne pas donner à Edward l'impression qu'elle le punissait alors qu'elle voulait juste faire ce qui était le mieux pour eux deux. Par amour, rien que par amour. Mais y a des choses pour lesquelles je crois que je suis pas complètement prête. Elle hésita un instant. Par exemple, je me dis qu'il faudrait que je revois Samuel, une fois ou deux, avant de revenir, que je m'habitue à lui, à ce qu'il fasse partie de ma vie.

Elle avait voulu en premier lieu se concentrer sur Edward, sur eux deux, parce que c'était la base concrète de leur relation. Mais faire partie pleinement de la vie de son âme soeur, c'était faire pleinement partie de la vie de son fils aussi.

code by Mandy

C'

est un fait, Jane n'avait pas forcément envie de penser à Samuel tout de suite, elle n'avait pas envie que le fils d'Edward monopolise leur conversation, mais si la vie lui avait appris quelque chose, c'était bien le fait que ce n'était pas en enterrant un problème, même le plus profondément possible, qu'on l'oubliait, il refaisait forcément surface, à un moment ou à un autre, et à ce moment-là, il était déjà trop tard pour le résoudre. Jane et Edward avaient déjà commis cette erreur, mais il était encore assez tôt pour la rattraper, alors pour cela, mieux valait faire les choses convenablement. Cela lui avait semblé inconcevable pour commencer, mais plus maintenant.

Aujourd'hui, elle se sentait capable d'aimer cet enfant. Tout en retenant qu'il n'était pas le sien, mais sans lui faire payer les infidélités passées. Elle pensait réellement qu'elle pouvait passer outre cette situation et faire ce qu'il fallait. Mais pour cela, il fallait encore déployer quelques efforts et s'organiser, du mieux qu'ils le pouvaient. Ce n'était pas une mince affaire, bien sûr, mais après tout ce qu'ils avaient surmonté, ce n'était finalement pas grand-chose. C'était la vie, leur vie. Et il allait falloir faire avec, un point c'est tout.

Jane n'avait pas vraiment d'idée quant à la manière de s'y prendre, non. Elle savait qu'elle devait revoir cet enfant, une fois, deux fois, le temps qu'il faudrait pour l'apprivoiser et pour qu'il l'apprivoiser afin qu'à son retour, elle accepte sa présence sans en souffrir automatiquement, sans avoir à refouler ce sentiment de douleur et d'amertume qui l'avait saisie presque à chaque fois qu'elle s'était retrouvée à passer devant la chambre, même vide de Samuel. Elle ne savait rien de cet enfant. Comme il était encore tout petit, elle se disait qu'il n'y avait pas forcément grand-chose à savoir, mais il serait peut-être temps qu'elle prenne cette peine malgré tout.

-Pas vraiment..., reconnut-elle alors honnêtement. Je me dis que ce serait peut-être mieux qu'on fasse ça hors de la maison, en terrain neutre, tu vois.

Dis comme ça, ça donnait peut-être l'impression qu'elle se préparait à la guerre, mais ce n'était pas cela du tout, c'était plutôt... Comme pour Edward, sortir de la routine, puis créer la routine.

-Tu fais quoi, quand tu sors avec Samuel ?

Elle était incapable de savoir de quoi était capable un enfant de cet âge, de savoir s'il pouvait avoir déjà des goûts, des dégoûts, des endroits où il aimait être, des activités préférés. De ce point de vue, il était évident qu'elle avait tout à apprendre, elle ne savait pas du tout comment on était supposé s'occuper d'un humain miniature, surtout si petit.

code by Mandy

J

ane avait un peu le sentiment qu'Edward menait une sorte de double vie. Pas au sens où il se partagerait entre deux femmes, ça c'était fini et bel et bien fini, elle en était convaincue, mais au sens où il avait deux vies, celle qu'il passait avec elle, et celle qu'il passait avec son fils. Ce n'était pas une chose qu'elle lui reprochait, si les choses étaient ainsi, elle en était entièrement et définitivement responsable. Elle se doutait qu'Edward aurait adoré qu'elle soit capable dès le début de vivre à la fois avec lui et avec Samuel, sans avoir le sentiment qu'on lui arrachait le coeur quand elle posait les yeux sur cet enfant. Il avait fallu y aller par étapes. D'abord, Edward et elle devaient réapprendre à être un couple fort et uni, ensuite, ils devaient apprendre à vivre à trois. Car certes, Jane ne prétendrait jamais être une mère pour Samuel, il en avait déjà une après tout (malheureusement), mais elle ne voulait pas non plus devenir une de ces belles-mères de contes de fées que le pauvre enfant aurait en horreur, surtout qu'elle-même ne pouvant pas avoir d'enfant, ce serait certainement sa seule occasion d'engager cette sorte de relation de proximité avec un bambin.

Donc oui, Edward avait eu deux vies distinctes parce qu'elle avait choisi de les distinguer, et il allait être temps que ces vies se confondent et ne fassent plus qu'une. Mais pour ça, il y avait encore du travail, c'était sûr et certain... Et en attendant. Comme ça lui faisait bizarre, d'entendre parler son âme soeur du temps qu'il partageait avec son fils. Il restait le même bien sûr, mais... Il n'était pas complètement le même non plus. Il était un père, et qui était définitivement fait pour en être un. L'entendre parler de ces moments de complicité partagés avec Samuel avec tant de tendresse réussissait à l'émouvoir elle aussi, elle qui pourtant peinait vraiment à se trouver un quelconque début de commencement d'instinct maternel. Quand elle voyait comme ce genre de moments simples étaient capables de le rendre heureux, elle n'avait alors qu'une envie, et c'était de partager ce bonheur.

-Le portrait craché de son père, faut qu'il mange tout ce qui lui passe sous la main, observa Jane avec le sourire, amusée par l'anecdote de l'heure. Pour elle, savoir que Samuel savait se retourner sur le ventre ne voulait pas dire grand-chose. Il aurait pu lui dire qu'il avait commencé à faire ses premiers pas qu'elle aurait acquiesçé tant elle ne captait rien à l'évolution classique d'un nourrisson lambda. Mais lui s'y intéressait, lui savait ce que ça voulait dire, et ça faisait une sacrée différence, l'air de rien. Eh bien, on aura qu'à faire un autre pique-nique et l'emmener, la prochaine fois.

Elle se sentirait plus à l'aise dans un carré d'herbe qu'au milieu de la place du marché où elle aurait le sentiment que tous les regards convergeraient dans leur direction.

code by Mandy

I

l y avait une différence évidente entre ce qu'on pensait pouvoir endurer et ce qu'on était finalement capable d'endurer. Mais pour faire cette différence, il fallait passer l'épreuve et essayer, il n'y avait pas d'autres choix. Ce n'était pas toujours payant, mais c'était la seule solution... ceci dit, parfois, le jeu en valait la chandelle. Par exemple, Jane et Edward avaient cru être incapables de vivre ensemble, d'assumer leur relation, eh bien... bon... les apparences semblaient prouver le contraire, mais Jane estimait qu'ils ne s'en sortaient pas si mal au final. D'accord, il y avait beaucou d'ajustement à faire encore, mais Jane se sentait beaucoup plus heureuse maintenant qu'à l'époque où elle faisait mine de pouvoir et savoir vivre sans son âme soeur, ce qui était un mensonge éhonté.

Avec Samuel, ce serait sans doute pareil. Elle ne réusissait pas réellement à jauger sa capacité à accepter sa présence, son aptitude à l'aimer, mais elle s'en pensait capable, et le plus simple pour en avoir la certitude, c'était encore de mettre cette suggestion à l'épreuve et d'observer le résultat. Elle, lui, Samuel, de la nourriture, ce n'était pas une combinaison si catastrophique, aussi, et puis, elle qui aimait déjà tant Edward comme mari, comme amant et comme ami voulait aimait tout autant Edward comme père. Et il semblait impossible qu'elle ne l'aime pas, peu importe la casquette qu'il porterait. Elle afficha un sourire en coin quand Edward ajouta qu'il n'avait besoin que d'elle malgré tout. Elle le croyait sans problème, mais ce n'était pas la question. Ce serait sacrément contreproductif que d'agir de cette manière. Pour le moment, il semblait préférable de faire ces pas en avant. Cela demanderait des efforts à Jane pour commencer, mais elle était convaincue que par la suite, ce deviendrait naturel. Elle ferait tout son possible pour que ce soit le cas, parce qu'elle y tenait absolument.

Elle n'ajouta rien à ce sujet et n'en eut guère l'occasion car Edward saisit le fait qu'ils parlent librement de Samuel pour évoquer ces anecdotes qu'il évitait peut-être d'aborder par délicatesse. Et Jane préférait qu'il agisse de la sorte. Elle avait besoin de sa sincérité, elle avait besoin qu'il ne prétende pas, elle avait besoin qu'il lui parle de tout ce qui lui venait à l'esprit, sans réserve ni distinction. Pour elle, c'était important. Parce que leur quotidien serait ainsi fait.

-T'as laissé Samuel seul avec Ambre ? T'as peur de rien toi ? C'était Samuel que tu voulais tuer ou tu organisais ton propre suicide ? suggéra-t-elle avec le sourire.

Jane serait terrifiée de se retrouver seule avec Samuel, mais Ambre, elle n'imaginait même pas. Elle avait dû péter un câble magistral. Quelque part, Jane aurait voulu être là pour voir ça.

code by Mandy

J

ane leva les yeux au ciel, plus par jeu qu'autre chose, quand Edward affirma qu'il valait mieux que ses suggestions. Bon, elle n'y avait pas cru un seul instant et il valait effectivement bien mieux que ça, mais ce genre de réaction lui ressemblait bien malgré tout. En tous les cas, oui, elle se doutait que s'il avait pris la décision de laisser sa soeur seule avec son fils, c'est qu'il n'avait pas dû avoir le choix, ou simplement qu'il avait voulu mettre Ambre à l'épreuve. Elle se sentait soulagée qu'Edward ne lui ait jamais fait un coup pareil (la seule fois où il lui avait mis Samuel dans les bras sans presque l'avertir avait largement suffi en ce qui la concernait). Certes, Samuel en serait sorti indemne, mais elle pas forcément, ça aurait été une épreuve pour elle. Ceci dit, Ambre avait sans doute besoin de ce genre d'électrochoc pour accepter la présence de Samuel dans sa vie et devenir pour lui la marraine qu'elle était.

Et puis, elle se doutait bien qu'Edward avait dû savoir se faire pardonner rapidement. C'était tout le truc, entre Edward et Ambre, et Jane n'avait pas mis longtemps à le comprendre, c'était presque comme avec eux : le volume sonore pouvait monter rapidement quand il était question d'eux, mais il redescendait presqu'aussitôt. Ils étaient capables de se prendre la tête dans de grandes proportions, mais ils se rabibochaient rapidement. On ne pouvait pas forcément en dire autant d'Edward et de Preston, qui se livraient une guerre beaucoup plus froide de leur côté... mais qui, de fait, pouvait être d'autant plus dangereuse et violente, en réalité. Quoi qu'il en soit, Edward avait fait passer l'épreuve à sa soeur, et cela ne lui avait sans doute pas fait de mal au bout du compte.

-J'en doute pas, répondit Jane quand Edward lui assura qu'elle aurait voulu voir sa tête.

Elle le pensait également. Elle ne se réjouissait pas forcément du malheur de sa belle-soeur, mais on se vengeait comme on pouvait. Ambre n'avait jamais été très tendre avec elle, alors il était normal qu'elle le lui rende en retour, surtout qu'elle trouvait pour sa part qu'elle avait fait beaucoup d'efforts, surtout depuis son mariage avec son âme soeur. Encore que, depuis qu'elles ne vivaient plus sous le même toit, il n'était plus vraiment question d'efforts, puisqu'elles ne se voyaient tout simplement plus, ce qui n'était pas forcément une bonne chose non plus, d'ailleurs, à bien y regarder.

-Comment elle va, sinon ?

Pas que le sort d'Ambre l'intéressait énormémement - ou en tout cas moins que celui de Preston -, mais tout ce qui concernait Edward la concernait aussi. Ce qui était important pour lui devait l'être pour elle. Et Ambre était évidemment importante pour son grand frère.

code by Mandy

J

ane ne voulait pas forcément enchaîner les sujets délicats, mais ils venaient assez naturellement et instinctivement, et par ailleurs, elle se disait que s'ils ne pouvaient pas parler de tout et surtout de ce qui tracassait Edward, alors autant ne parler de rien. Les conversations de surface, elle était capable d'en avoir à peu près n'importe qui (même si elle évitait quand elle pouvait de parler en surface avec n'importe qui, il ne fallait pas exagérer non plus), mais avec Edward, elle voulait qu'ils soient à même de parler de tout, d'avoir des conversations profondes qui n'empêchaient pas les discussions plus légères non plus bien sûr, mais qui étaient une partie intégrante de leur relation, c'était un mélange subtil des deux.

Et vu les circonstances, elle estimait qu'ils avaient d'autant plus de raisons d'avoir ce genre de conversations profondes, vu que leur temps était "limité" (tout était relatif, mais quand même). Elle se rendait bien compte que le sujet "Ambre" ne mettait pas son âme soeur très à l'aise, mais voulait que ça change, elle voulait faire que ça change, qu'il soit capable de l'évoquer sans que cela lui pose le moindre problème, n'éveille en lui le moindre crainte. Après tout, elle était sans doute la seule personne avec qui il pouvait se permettre de parler si librement. Avec Preston, il le pourrait sans doute aussi, mais vu les tensions entre les deux frères, elle ne pariait pas là-dessus.

Alors, elle l'écouta avec attention lui dire qu'il n'était pas sûr que sa soeur aille si bien que ça. Ce qu'elle regrettait. Même si leurs situations étaient complexes, elle ne voulait que le bonheur de la soeur, puisqu'il faisait celui du frère. Apparemment, elle regrettait toujours que son frère soit parti. Là-dessus, pas de compassion. Depuis le temps, il était grand temps qu'elle s'y fasse. Mais c'était plus facile à comprendre quand on observait qu'elle craignait peut-être simplement qu'on l'abandonne... et s'il y avait bien un sentiment familier à Jane, c'était celui-là. Elle avait craint qu'on l'abandonne toute sa vie ou presque. Et sa crainte de l'abandon s'était confirmée trop de fois pour disparaître.

-Oh, crois-moi, tu étais dix fois plus chiant, rétorqua Jane pour repartir dans le même esprit que son âme soeur. Vous avez pas mal de choses à mettre à plat, si tu veux mon avis. Ca remonte à quand, la dernière fois où vous vous êtes retrouvés tous les trois ensemble autour d'une table ?

Elle était prête à parier que ça devait faire un bail. Et elle était prête à parier qu'aucun d'eux ne voulait faire l'effort d'organiser ce genre de réunion. Mais en même temps, ça ne pourrait que leur faire du bien, en vérité.

code by Mandy

A

vant même qu'Edward réponde à sa question, Jane se doutait d'ores et déjà de ce que son âme soeur allait lui dire. C'est qu'elle le connaissait bien, et qu'elle avait suffisamment fréquenté les Baker dans leur ensemble (elle avait vécu un temps sous leur toit, après tout) pour savoir de quoi il retournait à peu près. Donc oui, elle se doutait que la dernière vraie conversation posée de la petite famille remontait à il y a longtemps. Que cela date de la mort de leur père l'étonnait un peu plus, mais ça en disait long... d'une part au sujet de ce qui avait provoqué tous ces problèmes, et d'autre part sur la nécessité absolue de provoquer une réunion de la sorte.

Alors oui, elle ne se faisait aucune illusion, elle savait pertinemment que ça ne plairait pas au jeune homme et qu'il n'aurait aucune envie de se plier à ce programme, mais la situation dépassait de très loin ce dont les uns et les autres avaient envie. Il était davantage question de ce dont les uns et les autres avaient besoin. Et parfois, agir en fonction de ce dont on avait besoin n'était pas facile, exigeait des efforts et de la discipline, mais c'est comme ça qu'on progressait... Leur couple en était la preuve la plus flagrante, après tout. S'ils n'avaient pas appris à mettre des mots sur ce qu'ils ressentaient l'un pour l'autre, sur leur histoire, ils en seraient toujours à se faire la guerre à l'heure actuelle.

Alors oui, on pourrait tout à fait lui faire remarquer que ce n'était absolument pas ses affaires et qu'elle se mêlait de ce qui ne la regardait pas. A cela, elle ne pouvait rétorquer que la vérité, à savoir que oui, en effet, elle dépassait peut-être son rôle. Mais elle aussi faisait partie de cette famille, à présent, elle portait même leur nom. Elle aimait Edward plus que tout et voulait son bonheur, et son bonheur passait par ce genre de concessions.

-Bon ben dans ce cas, c'est moi qui l'organiserai. Et si tu veux, je m'occuperais de Samuel pendant ce temps-là, comme ça on fera d'une pierre deux coups et tu auras l'esprit tranquille.

Ou pas, mais elle n'avait pas l'intention de changere d'idée. Qu'il le veuille ou pas, il était important qu'il parle à Ambre et à Preston, et cette conversation, il fallait qu'ils l'aient à trois. En agissant de la sorte, ils prendraient peut-être conscience de tous les malentendus accumulés au fil des années. Même s'il y avait beaucoup d'incompréhensions dans cette famille, il y avait aussi énormément d'amour, ça elle l'avait constaté au premier coup d'oeil. Ils n'avaient plus leurs parents, ils devaient s'avoir les uns les autres. Et rester soudés surtout.

code by Mandy

J

ane savait qu'elle n'avait pas besoin de faire ou de dire grand-chose pour qu'il lui cède, pas parce qu'elle faisait le choix de le manipuler ou parce qu'elle prenait plaisir à le voir céder, mais parce qu'elle prenait soin d'agir dans son intérêt. Et en l'occurrence, elle ne pensait pas qu'il pourrait lui en vouloir... Même si ce n'était pas une initiative pour lui, il savait pertinemment que c'était la chose à faire. Edward ne serait jamais complètement en harmonie avec lui-même tant que sa famille n'aurait pas retrouvé un semblant de... paix. Elle ne pouvait pas prétendre qu'elle serait capable de faire des miracles. Mais une vraie conversation à coeur ouvert serait déjà un progrès. Non, Jane n'avait pas besoin de faire des pieds et des mains pour convaincre son âme soeur, parce que ce dernier savait pertinemment que la personne qui avait tout à y gagner, en l'occurrence, c'était lui, pas elle (quand bien même, quand il y gagnait, elle aussi, par ricochet). Et même si ça allait être difficile, c'était un mauvais moment à passer... qui pourrait même se transformer en bon moment, si tout allait bien.

Jane voulut répondre à Edward qu'elle ne se forçait pas. C'était le cas. Oui, ce ne serait pas facile dans un premier temps, mais tout comme il était important qu'Edward règle les choses avec son frère et sa soeur, elle pensait qu'il était essentiel qu'elle passe du temps seule à seul avec Samuel pour apprendre à l'aimer convenablement. Alors ce n'était qu'une demi-épreuve pour elle. Et qu'elle exécuterait de bonne grâce. Mais elle n'eut pas le temps de lui répondre, au final. Puisqu'il la prit de court en suggérant qu'elle pourrait participer à ce dîner elle aussi. Elle ne savait pas trop, pour tout dire.

-Je ne sais pas..., répondit-elle, hésitante.

Cela lui faisait plaisir qu'il le lui propose, en sous-entendant à sa manière qu'elle faisait partie de sa famille. Elle le savait, bien entendu, elle n'en doutait plus depuis bien longtemps, mais malgré tout... elle n'était pas certaine que sa présence soit une bonne chose.

-Je risque d'être de trop, tu ne crois pas ?

Elle ne voulait pas que sa présence envenime une situation qui promettait déjà d'être particulièrement électrique en elle-même. D'un autre côté, s'il fallait cela pour qu'Edward accepte de participer de bonne grâce à ce dîner, ça pourrait être une bonne chose. Et qui sait, elle pourrait peut-être jouer les médiatrices ? Encore qu'elle n'était pas certaine que Preston et Ambre seraient vraiment heureux de la voir jouer ce rôle particulier. Elle préférerait qu'on ne le lui reproche pas, pour tout dire... Même si elle aussi avait des choses à mettre à plat avec la soeur et le frère d'Edward.

code by Mandy

J

ane hésitait, partagée entre deux idées contradictoires. D'un côté, elle admettait que sa présence pourrait peut-être permettre de canaliser son mari, sans oublier le fait que si le but de la manoeuvre était de solidifier les membres de la famille Baker, elle en faisait partie. D'un autre côté, elle avat peur d'ajouter des problèmes où il y en avait déjà bien assez du fait de sa seule présence, ce qui était tout sauf ce qu'elle voulait. Elle voulait éviter à tout prix de générer des conflits à l'heure où il y en avait déjà beaucoup trop. La fratrie Baker avait déjà beaucoup de problèmes à régler sans qu'elle s'inscrive dans l'équation. Elle se disait que si elle y prenait part à son tour, alors la situation n'irait qu'en dégénérant, et ça pourrait de la même manière poser les mauvais problèmes, si bien que ceux qu'elle espérait résoudre demeureraient en suspens.

Jane pouvait supporter de ne jamais obtenir les faveurs et l'affection d'Ambre et Preston Baker, mais Edward en avait besoin, lui, et elle ne voulait pas tout gâcher, surtout pas. Elle n'était franchement pas certaine que sa présence contribuerait à ce qu'ils se mettent tous moins sur la tronche... Elle se demandait si ce ne serait pas pire... Bref, elle songeait encore à refuser d'être présente... puis il ajouta que ça lui aiderait beaucoup qu'elle soit là. Forcément, si il présentait les choses de cette manière, elle ne pouvait plus refuser... Et elle devait bien avouer que ça lui faisait plaisir qu'il voie les choses ainsi. Ils feraient en sorte que sa présence soit bénéfique à tout le monde... si c'était possible.

-Bon, d'accord, je serai là. Elle marqua une légère pause. Je me charge d'inviter Preston, tu t'occupes d'inviter Ambre, ça te va comme ça ?

Elle se disait qu'elle aurait plus de chances de convaincre son beau-frère, et puisqu'elle allait retravailler pour lui, elle aurait plus d'une occasion de lui parler et de glisser cette invitation. Ambre serait sans doute la plus difficile à convaincre du lot, mais Edward savait lui parler, il devrait réussir à lui faire entendre raison.

-Et on prépare le repas ensemble. Comme ça, avec un peu de chances, il y aura au moins un plat de comestible, ajouta-t-elle avec légèreté.

Même si ça n'allait pas être simple et un moment éprouvant pour tout le monde, ils en ressortiraient forcément... différents. Elle ne savait pas vraiment si ça allait améliorer la situation, mais ils auraient au moins essayé, et mieux valait tenter par tous les moyens d'obtenir un résultat que de ne rien faire et de déplorer que rien ne s'arrange. Et pour Jane, c'était peut-être l'occasion d'être acceptée comme faisant partie intégrante de cette famille à laquelle elle s'était attachée presque malgré elle.

code by Mandy

J

ane se sentirait presque impatiente d'assister à ce dîner de famille, quand bien même il promettait plus de prises de tête qu'un moment véritablement convivial. Mais c'était comme pour tout, il fallait que chacun mette son ego de côté et qu'ils acceptent de faire chacun un pas les uns vers les autres. Rien qu'un seul pas, ce serait déjà beaucoup. C'était une leçon que la jeune femme avait clairement apprise et retenue dernièrement. Il ne servait à rien de s'enfermer dans ses rancoeurs, encore moins de se lamenter sur son sort.

Il fallait savoir prendre le taureau par les cornes, c'était la clé d'un vrai progrès. Ce n'était pas pour autant que tout serait simple, mais cela permettait au moins d'évoluer dans la bonne direction. Et sa relation avec Edward en était la preuve. Oui, leur histoire, c'était tout sauf un long fleuve tranquille, mais ils avançaient, ils dialoguaient. Ils faisaient, en fait - et c'était assez miraculeux - preuve de maturité. Et ça changeait tout. Que ce soit eux qui prennent la décision responsable de réunir tous les Baker dans une même pièce afin d'ouvrir le dialogue, ça tenait presque de l'absurde, c'est vrai. Mais au bout du compte, ça devrait leur rendre le plus grand service.

La jeune femme voulait réellement croire dans leur possibilité d'avancer, de progresser, de la meilleure manière possible. Et pour ça, l'essentiel, c'était qu'ils y mettent du leur. Et en effet, à deux, ils y arrivaient mieux que n'importe qui. A deux, ils pouvaient détruire des vies, soulever des montagnes... et potentiellement préparer un repas comestible, oui, qui sait... quoique, pour mettre tout le monde dans les meilleures dispositions, peut-être qu'ils devraient plutôt aller trouver le traiteur du coin pour préparer le repas à leur place. Mais ça, c'était un détail. Si déjà, ils réussissaient à réunir les principaux intéressés au même endroit, ce serait déjà un excellent début. Jane songea à répondre quelque chose, mais le baiser de son âme soeur l'en empêcha. Ce qui n'était sans doute pas plus mal, d'ailleurs. Puis il reprit la parole.

-Evite de trop te poser la question, lui conseilla-t-elle avec le même sourire au coin des lèvres. Mais si jamais tu te le demandes, dis-toi toujours que tu ne serais rien sans moi, parce que j'ai toujours les mêmes idées et que je te tire vers le haut, ajouta-t-elle en ne le pensant qu'à moitié.

Enfin si, elle voulait quand même croire qu'elle était capable de tirer le meilleur de son époux, mais c'était quelque chose de complètement réciproque, en même temps. Comme ils avaient eu un peu trop tendance à se tirer vers le bas également. Elle ne voulait qu'être cela pour l'homme qui partageait sa vie. Celle qui saurait toujours révéler ce qu'il y avait de meilleur en lui.

code by Mandy

J

ane espérait bien que les pensées qu'elle voulait inspirer à son âme soeur étaient simples pour lui à avoir, parce qu'elle pensait lui avoir donné suffisamment de preuves de son amour et de ce qu'elle était capable de faire pour lui pour que ce soit le cas. Il ne serait rien sans elle, elle ne serait rien sans lui, c'était comme ça, c'était admis. Se poser la question pouvait ne pas leur faire de mal, si ça devait être pour se rappeler à quel point ils seraient démunis l'un sans l'autre, mais ça ne faisait pas tout. Ils avaient dépassé ce stade, du moins la jeune femme considérait-elle qu'ils l'avaient dépassé. Mais de toute évidence, les doutes d'Edward ne s'étaient pas encore entièrement dissipés. Car quand il reprit la parole, elle sentit bien que la question qu'il posait était, pour le coup, très sérieuse. Et elle s'en voulait de le voir se torturer ainsi. Elle savait qu'elle en était responsable, parce qu'elle n'avait jamais oublié de pointer du doigt ses erreurs. Certes, elle estimait toujours que c'était une attitude nécessaire, et qui lui avait permis de corriger son comportement, mais elle ne voulait surtout pas qu'il en souffre. Elle ne voulait pas qu'il souffre tout court, évidemment.

Jane prit le visage de son âme soeur entre ses mains et le regarda dans le blanc des yeux. Elle voulait qu'il soit à même de lire dans son regard toute sa sincérité, afin qu'il ne puisse pas soupçonner ou suggérer l'idée qu'elle lui mente, qu'elle prononce les mots qu'elle avait prononcés uniquement pour le rassurer.

-T'es pas un connard, Edward. T'es un mec bien qui as fait beaucoup de conneries. Elle marqua une pause. Si t'en étais un, tu ne dirais même pas ces mots-là.

Le simple fait qu'il se qualifiait lui-même de connard prouvait à Jane qu'il n'en était pas un. Certes, elle pourrait difficilement nier le fait qu'il s'était parfois comporté en véritable connard, effectivement. Parce que ça avait été le cas, et pas qu'un peu, il faut tout de même le noter, mais Jane le connaissait mieux que personne, elle savait que ce comportement néfaste et dévastateur venait de plus loin, de quelque chose de plus sensible et de plus profond. Non, il n'était pas un connard, il était un homme blessé, qui gérait sa souffrance en la faisant payer à d'autres, aléatoirement.

-Si t'en étais un, j'aurais arrêté depuis longtemps de revenir vers toi.

Bon, certains lui rétorqueraient qu'elle était plutôt influençable et masochiste et qu'elle revenait vers lui parce qu'elle était incapable de vivre seul et préférait encore vivre avec un connard, mais elle ne pensait pas ainsi. Peut-être qu'elle serait la seule au monde à voir du bon en Edward, mais elle s'en fichait.

code by Mandy